Irak
Pétrole contre bakchichs
Le journal irakien Al-Mada a publié dimanche une liste de quelque deux cents personnes, provenant d’une quarantaine de pays, présumées s’être enrichies dans le commerce du pétrole irakien durant la période au cours de laquelle les exportations de brut irakien étaient sévèrement encadrées par l’Onu dans le cadre du programme «pétrole contre nourriture» (1996-2003).
Les documents publiés par Al-Mada émanent de l’Organisation étatique de commercialisation du pétrole (Somo), mise en place par l’ancien régime irakien pour passer des contrats avec des sociétés étrangères, visant à exporter du pétrole. Ils couvrent l’année 1999, alors que l’Irak était soumis à un régime d’embargo international tempéré par le programme de l’Onu «pétrole contre nourriture», destiné à lui fournir les produits de premières nécessités, aliments et médicaments, indispensables à la survie des Irakiens.
Selon la présentation des faits, le régime de Saddam Hussein a réalisé à travers la Somo une énorme machine de détournement du pétrole irakien et de corruption internationale visant à contourner le système mis en place par les Nations unies et auraient ainsi «dilapidé la richesse pétrolière de l’Irak en récompensant des personnalités qui le soutenaient et fermaient les yeux sur les charniers et les souffrances infligées au peuple irakien», selon le sous-secrétaire du ministère du Pétrole, Abdel Saheb Salmane Qotob. Le détournement porte sur plusieurs dizaines de millions de barils, soit vraisemblablement des centaines de millions de dollars.
L’arnaque avait lieu en deux étapes. Tout d’abord il fallait débusquer, au moyen d’intermédiaires payés sur les bénéfices réalisés, des sociétés capables de réintroduire le brut détourné sur le marché international ; puis acheminer le pétrole vers ces sociétés en échappant à la vigilance des inspecteurs internationaux, via des ports ou des oléoducs peu surveillés. Les bénéfices, visant à honorer la prestation des intermédiaires, étaient réalisés sur le faible coût du pétrole irakien, compte tenu de sa haute qualité. En raison de la sympathie de ces intermédiaires pour les anciennes autorités irakiennes, une partie de ces bénéfices pouvait même être réinjectée sur les comptes en banque des notables du régime.
Arnaque ou opacité ?
La publication de la liste de ces intermédiaires par Al-Mada provoque des remous considérables et les informations en provenance de Bagdad indiquait que l’on se pressait mardi autour du ministère du Pétrole pour examiner le catalogue en question. Au total, plus de 270 noms sont cités : du personnel de sociétés, des journalistes, des parlementaires, des membres d’associations, de partis politiques (dont l’ultranationaliste russe Vladimir Jirinovski, qui dément), parmi lesquels deux Premiers ministres (dont l’Indonésienne Megawati Sukarnoputri), deux ministres des Affaires étrangères ainsi que des fils de ministres et de chefs d’Etat (dont celui du président égyptien Nasser, du président libanais Lahoud, du ministre syrien de la Défense), qui auraient profité des largesses du régime déchu. La liste concerne également quelque 46 pays arabes, européens, asiatiques, africains et américains (du nord et du sud).
Pour la France, onze noms sont cités, dont celui de l’ancien ministre français de l’Intérieur Charles Pasqua dont les services auraient été payés 12 millions de barils. Il dément et déclare qu’on essaye de l’éclabousser. L’ancien ambassadeur de France à l’Onu Bernard Mérimée est également cité pour 3 millions de barils, tandis que l’homme d’affaire, réputé proche du président français, Patrick Maugein de la firme pétrolière Soco International aurait bénéficié de 25 millions de barils. Dans un entretien au journal Le Monde, ce dernier estime que «c’est délirant et absolument impossible». A l’époque des faits, plaide-t-il, «pas une raffinerie au monde n’aurait accepté une cargaison clandestine» en raison de l’efficacité des contrôles des inspecteurs de l’Onu.
Seul le secrétaire général de l’association des Amitiés franco-irakiennes, dont le nom est cité par Al-Madi admet un système de rétribution, mais dément son caractère illégal. Selon les déclaration de Gilles Munier au Monde, dans le cadre du programme «pétrole contre nourriture», «toute entreprise, pétrolière ou non, introduite en Irak par le biais d’un individu ou d’une personnalité morale versait à cet intermédiaire une commission sur la marge de bénéfices qu’elle faisait dans la transaction». En conséquence il admet que l’association qu’il représente a été partie prenante du système et en a touché les dividendes. Interrogé sur la question de savoir si son association avait favorisé l’entrée d’une entreprise pétrolière en Irak, M. Munier répond : «oui, il y en avait une, dont je ne vous livrerai évidemment pas l’identité».
Alors véritable arnaque révélatrice de la cupidité des acteurs face à l’énormité des enjeux ? Ou simple opacité liée à une activité qui échappe à la logique ordinaire du commerce en raison de son caractère stratégique ? «Je pense que la liste est vraie. Je vais exiger une enquête. Ces personnes doivent être poursuivies», a déclaré Nasir Chaderji du Conseil intérimaire de gouvernement irakien. Le ministère irakien du Pétrole est convaincu que, dans cet affaire, l’argent des Irakiens a été détourné. Il prépare une plainte avec l’aide de l’organisation policière internationale Interpol.
Selon la présentation des faits, le régime de Saddam Hussein a réalisé à travers la Somo une énorme machine de détournement du pétrole irakien et de corruption internationale visant à contourner le système mis en place par les Nations unies et auraient ainsi «dilapidé la richesse pétrolière de l’Irak en récompensant des personnalités qui le soutenaient et fermaient les yeux sur les charniers et les souffrances infligées au peuple irakien», selon le sous-secrétaire du ministère du Pétrole, Abdel Saheb Salmane Qotob. Le détournement porte sur plusieurs dizaines de millions de barils, soit vraisemblablement des centaines de millions de dollars.
L’arnaque avait lieu en deux étapes. Tout d’abord il fallait débusquer, au moyen d’intermédiaires payés sur les bénéfices réalisés, des sociétés capables de réintroduire le brut détourné sur le marché international ; puis acheminer le pétrole vers ces sociétés en échappant à la vigilance des inspecteurs internationaux, via des ports ou des oléoducs peu surveillés. Les bénéfices, visant à honorer la prestation des intermédiaires, étaient réalisés sur le faible coût du pétrole irakien, compte tenu de sa haute qualité. En raison de la sympathie de ces intermédiaires pour les anciennes autorités irakiennes, une partie de ces bénéfices pouvait même être réinjectée sur les comptes en banque des notables du régime.
Arnaque ou opacité ?
La publication de la liste de ces intermédiaires par Al-Mada provoque des remous considérables et les informations en provenance de Bagdad indiquait que l’on se pressait mardi autour du ministère du Pétrole pour examiner le catalogue en question. Au total, plus de 270 noms sont cités : du personnel de sociétés, des journalistes, des parlementaires, des membres d’associations, de partis politiques (dont l’ultranationaliste russe Vladimir Jirinovski, qui dément), parmi lesquels deux Premiers ministres (dont l’Indonésienne Megawati Sukarnoputri), deux ministres des Affaires étrangères ainsi que des fils de ministres et de chefs d’Etat (dont celui du président égyptien Nasser, du président libanais Lahoud, du ministre syrien de la Défense), qui auraient profité des largesses du régime déchu. La liste concerne également quelque 46 pays arabes, européens, asiatiques, africains et américains (du nord et du sud).
Pour la France, onze noms sont cités, dont celui de l’ancien ministre français de l’Intérieur Charles Pasqua dont les services auraient été payés 12 millions de barils. Il dément et déclare qu’on essaye de l’éclabousser. L’ancien ambassadeur de France à l’Onu Bernard Mérimée est également cité pour 3 millions de barils, tandis que l’homme d’affaire, réputé proche du président français, Patrick Maugein de la firme pétrolière Soco International aurait bénéficié de 25 millions de barils. Dans un entretien au journal Le Monde, ce dernier estime que «c’est délirant et absolument impossible». A l’époque des faits, plaide-t-il, «pas une raffinerie au monde n’aurait accepté une cargaison clandestine» en raison de l’efficacité des contrôles des inspecteurs de l’Onu.
Seul le secrétaire général de l’association des Amitiés franco-irakiennes, dont le nom est cité par Al-Madi admet un système de rétribution, mais dément son caractère illégal. Selon les déclaration de Gilles Munier au Monde, dans le cadre du programme «pétrole contre nourriture», «toute entreprise, pétrolière ou non, introduite en Irak par le biais d’un individu ou d’une personnalité morale versait à cet intermédiaire une commission sur la marge de bénéfices qu’elle faisait dans la transaction». En conséquence il admet que l’association qu’il représente a été partie prenante du système et en a touché les dividendes. Interrogé sur la question de savoir si son association avait favorisé l’entrée d’une entreprise pétrolière en Irak, M. Munier répond : «oui, il y en avait une, dont je ne vous livrerai évidemment pas l’identité».
Alors véritable arnaque révélatrice de la cupidité des acteurs face à l’énormité des enjeux ? Ou simple opacité liée à une activité qui échappe à la logique ordinaire du commerce en raison de son caractère stratégique ? «Je pense que la liste est vraie. Je vais exiger une enquête. Ces personnes doivent être poursuivies», a déclaré Nasir Chaderji du Conseil intérimaire de gouvernement irakien. Le ministère irakien du Pétrole est convaincu que, dans cet affaire, l’argent des Irakiens a été détourné. Il prépare une plainte avec l’aide de l’organisation policière internationale Interpol.
par Georges Abou
Article publié le 28/01/2004