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Irak

Tranquille occupation hollandaise à Samawa

Une oasis de calme dans un océan d’insécurité. Samawa est une exception. Cette ville de 200.000 habitants du pays chiite située à 270 km de Bagdad, offre le visage de la tranquillité. Ici, les soldats hollandais ont été bien accueillis par la population et les édiles locaux. Sur les murs de certains bâtiments publics, des banderoles leur souhaitent même la bienvenue dans un anglais approximatif.
De notre envoyé spécial à Samawa

«Depuis notre arrivée en juillet 2003, explique le caporal Jasper Versteeg des forces néerlandaises, nous n’avons subi aucune attaque ou acte d’hostilité de la part des Irakiens. Nous n’avons enregistré aucune perte. La situation est stable et notre présence semble être bien appréciée par la population. Nous avons un comportement différent de celui des Américains même si je ne peux pas les critiquer, eux sont venus pour faire la guerre, nous, nôtre mission est différente.»

Sur le terrain, les 600 militaires néerlandais ont lancé plusieurs chantiers. Les soldats-ingénieurs du Civilian Military Corps (CMC) ont entrepris des travaux de reconstruction des infrastructures locales (eau, routes, électricité), mais aussi la réhabilitation de près de 50 écoles. Le contingent néerlandais forme également la nouvelle police irakienne. Nous avons fourni des uniformes, des équipements et 37 véhicules, explique le caporal Jasper Versteeg. Nous organisons des exercices de tirs et nous apprenons aux Irakiens les techniques d’interpellation des suspects.»

Par mesure de sécurité, les militaires hollandais ont certes installé leur QG dans le désert, mais ils occupent aussi un bâtiment de la défense civile en plein centre-ville. L’endroit est bien sûr très protégé, entouré de hauts murs de béton. Les soldats qui montent la garde à l’entrée ne montrent pourtant pas le moindre signe d’agressivité ou de nervosité. Des enfants jouent au football à quelques mètres d’eux, et les employés irakiens les saluent en plaisantant avec quelques mots de néerlandais qu’ils ont appris à leur contact.

Une présence discrète

Etirée sur les rives de l’Euphrate, Samawa semble à mille lieues de l’ambiance lourde et pesante qui règne à Bagdad, où dès la nuit tombée il est déconseillé de sortir, surtout pour les expatriés. «Nous avons mis en place des mesures de sécurité pour protéger notre résidence, explique Frédéric Roussel, responsable d’ACTED, la seule ONG présente dans la ville, mais nous ne ressentons pas d’hostilité à notre égard, bien au contraire. Nous avons même reçu des lettres de remerciement.»

Collier de barbe à l’iranienne et chemise boutonnée sans cravate, Mohammed Ali Hassan Al-Hassani, le gouverneur de la ville, est avare en parole mais n’a de cesse de louer la coopération positive entre les forces hollandaises et les autorités locales. «Elles sont là pour assurer la sécurité et pour nous aider sur le plan humanitaire.»

Les soldats hollandais patrouillent en ville en véhicules blindés, mais leur présence n’est pas ostentatoire. «Nous organisons aussi des patrouilles que nous appelons sociales», précise le caporal Jasper Versteeg. Nos hommes déambulent à pied et vont au contact des gens pour leur parler et s’enquérir de leurs problèmes.» Les soldats hollandais ne procèdent pas aux interpellations, à moins que les policiers irakiens ne leur demandent un appui logistique.

«Les troupes néerlandaises ne sont pas venues pour nous occuper mais pour nous aider à reconstruire la ville, elles peuvent circuler en toute tranquillité dans Samawa.» Le lieutenant-colonel Heliébat Mounasser, un ancien officier de l’armée irakienne, est le nouveau chef de la police, nommé il y a quelques semaines. Il explique le calme qui règne à Samawa par l’homogénéité de la population locale, chiite et tribale. «Ici, tout le monde se connaît, l’étranger est vite repéré.»

Loin de la capitale et à l’écart des grands centres urbains, Samawa est une ville provinciale sans histoire. Peu politisée, elle s’était pourtant révoltée contre le régime de Saddam en 1991 lors de l’Intifada chiite. Après la chute du régime en avril dernier, les responsables baassistes ont fui, certains ont été assassinés. Aujourd’hui, Samawa se tient à l’écart des turbulences qui secouent le pays. La résistance est inexistante, contrairement aux régions sunnites.

Mais le lieutenant-colonel Heliébat Mounasser sait aussi que des éléments extérieurs ou de l’ancien régime pourraient bien semer la zizanie. Il est si facile aujourd’hui de circuler d’une région à l’autre pour un commando. L’arrivée très médiatique du contingent japonais, qui s’est installé dans le camp des forces hollandaises, pourrait donner des idées d’attentats à des groupuscules violents.

«Il reste sans doute une poignée de Fedayins de Saddam à Samawa, précise-t-il. Nous avons mis en place une équipe spéciale chargée de les traquer. On les soupçonne de vouloir attaquer les Japonais comme ils l’ont fait avec les Italiens à Nassiriyeh. Cinq d’entre eux viennent d’être arrêtés, deux d’entre eux ont reconnu être des fedayins.» Une rafle préventive que le chef de la police espère dissuasive pour tous ceux qui voudraient troubler Samawa la tranquille.



par Christian  Chesnot

Article publié le 27/01/2004