Irak
Le report électoral soulage les sunnites
L’annonce par Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, de l’impossibilité de tenir des élections générales directes avant le 30 juin, comme le réclamait l’ayatollah Ali Al-Sistani, est un soulagement pour les sunnites. Ces derniers redoutaient que le verdict des urnes ne consacre trop rapidement la suprématie des chiites, et donc leur marginalisation dans le nouvel Irak. Un répit qui pourrait leur permettre de se réorganiser politiquement.
De notre envoyé spécial à Bagdad
«Les sunnites doivent maintenant réaliser qu’ils ne seront plus les maîtres absolus aux commandes du pays, même s’ils seront toujours impliqués dans les rouages de l’Etat», analyse un diplomate occidental. Promus à tous les postes clés de l’administration, des services de sécurité et de l’armée sous Saddam, les sunnites sont en proie au doute et à l’inquiétude. Ils craignent aujourd’hui de payer pour leur implication dans l’ancien régime et ne disposent pas de leadership crédible, à la différences des chiites et des kurdes.
La dissolution des ministères, de l’armée et des services de renseignement où ils prédominaient a été durement ressentie par les sunnites, peu habitués à jouer les seconds rôles. Dans les nouvelles institutions politiques mises en place par les Américains après la chute du régime, leur faiblesse est criante: dans le Conseil intérimaire de gouvernement (CIG), ils se sont retrouvés minoritaires aux côté des Kurdes avec seulement 5 sièges sur 25, contre 13 accordés aux chiites.
Aucune personnalité sunnite n’a émergé depuis la chute de Saddam Hussein. Adnane Pachachi, un octogénaire membre du CIG qui avait fui l’Irak en 1969, est loin de faire l’unanimité dans sa communauté. Le seul à disposer d’une certaine aura, Ahmed al-Koubaissi, une figure religieuse rentrée à Bagdad juste après la guerre à la demande de son protégé des Emirats, le Sheikh Zayed, pour contrer l’influence chiite, est reparti, furieux d’avoir été écarté du CIG par les Américains.
Conseil d’Etat sunnite
Soucieuse de parler d’une seule voix face aux autres communautés ethniques et religieuses, la minorité sunnite (entre 20 et 25% de la population) a mis sur pied mi-décembre la première entité politico-religieuse, issue de ses rangs depuis la chute de la dictature, sous la forme d’un Conseil d’Etat, regroupant trois tendances islamistes, des responsables tribaux et professionnels. L’une de ses premières revendications a été d’exiger la libération de plusieurs dizaine d’imams emprisonnés par les Américains. Ces derniers les accusent d’encourager la guérilla contre les forces de la Coalition, guérilla cantonnée aux régions sunnites de Bagdad, du nord et à l’ouest de la capitale.
Conséquence de leur marginalisation: les sunnites lorgneraient en direction des radicaux de leur communauté, les Frères musulmans. Depuis l’arrestation de Saddam Hussein, l’influence de la confrérie grandit au sein de la résistance, notamment à Fallouja et à Ramadi. Hors d’Irak, la confrérie, épaulée en sous-main par l’Arabie saoudite et Bahrain. Ces deux pays du Golfe, qui ont le plus à craindre d’un pouvoir chiite à Bagdad, travailleraient à l’émergence d’une «alternative sunnite» teintée d’islamisme.
L’ostracisme américain à l’égard des sunnites inquiète leurs voisins syriens, jordaniens, saoudiens, mais aussi turcs, auprès de qui des émissaires ont été dépêchés. «Nous tirons la sonnette d’alarme devant les Américains, déclaraient récemment à un groupe de journalistes étrangers Marwan Mouasher, le ministre jordanien des Affaires étrangères. Nous leur disons : vous faites une erreur, choisissez des sunnites représentatifs. Ce n’est pas un appel au communautarisme, mais au rassemblement. Si vous continuez à marginaliser les sunnites, vous allez déstabiliser la région».
Eduqués, urbanisés, la communauté sunnite regorge de fonctionnaires rompus à la gestion de l’Etat. Autant d’atouts qui font cruellement défaut aux chiites, victimes de décennies de mise en quarantaine politique. «Ils n’ont pas les cadres compétents, ni les réseaux de pouvoir pour gouverner l’Irak», note Abbas Khalaf, ancien ambassadeur chiite à Moscou. In fine, ajoute-t-il, «les Américains devront refaire appel au savoir-faire sunnite.»
Certaines personnalités sunnites préparent déjà l’après 1er juillet, date du transfert du pouvoir aux Irakiens. Ainsi, près d’une douzaine d’ex-ambassadeurs -en Chine, en Inde, aux Nations unies, en Azerbaïdjan, en Egypte, en Afrique du sud, en Ukraine, en Jordanie- sont restés à l’étranger et attendent leur heure. Les Américains auraient notamment pris langue avec Mohammed al-Douri, l’ambassadeur de Saddam Hussein aux Nations unies, réfugié à Dubaï. Bref, chassés du pouvoir, les sunnites pourraient bien revenir discrètement coloniser l’appareil d’Etat du nouvel Irak.
«Les sunnites doivent maintenant réaliser qu’ils ne seront plus les maîtres absolus aux commandes du pays, même s’ils seront toujours impliqués dans les rouages de l’Etat», analyse un diplomate occidental. Promus à tous les postes clés de l’administration, des services de sécurité et de l’armée sous Saddam, les sunnites sont en proie au doute et à l’inquiétude. Ils craignent aujourd’hui de payer pour leur implication dans l’ancien régime et ne disposent pas de leadership crédible, à la différences des chiites et des kurdes.
La dissolution des ministères, de l’armée et des services de renseignement où ils prédominaient a été durement ressentie par les sunnites, peu habitués à jouer les seconds rôles. Dans les nouvelles institutions politiques mises en place par les Américains après la chute du régime, leur faiblesse est criante: dans le Conseil intérimaire de gouvernement (CIG), ils se sont retrouvés minoritaires aux côté des Kurdes avec seulement 5 sièges sur 25, contre 13 accordés aux chiites.
Aucune personnalité sunnite n’a émergé depuis la chute de Saddam Hussein. Adnane Pachachi, un octogénaire membre du CIG qui avait fui l’Irak en 1969, est loin de faire l’unanimité dans sa communauté. Le seul à disposer d’une certaine aura, Ahmed al-Koubaissi, une figure religieuse rentrée à Bagdad juste après la guerre à la demande de son protégé des Emirats, le Sheikh Zayed, pour contrer l’influence chiite, est reparti, furieux d’avoir été écarté du CIG par les Américains.
Conseil d’Etat sunnite
Soucieuse de parler d’une seule voix face aux autres communautés ethniques et religieuses, la minorité sunnite (entre 20 et 25% de la population) a mis sur pied mi-décembre la première entité politico-religieuse, issue de ses rangs depuis la chute de la dictature, sous la forme d’un Conseil d’Etat, regroupant trois tendances islamistes, des responsables tribaux et professionnels. L’une de ses premières revendications a été d’exiger la libération de plusieurs dizaine d’imams emprisonnés par les Américains. Ces derniers les accusent d’encourager la guérilla contre les forces de la Coalition, guérilla cantonnée aux régions sunnites de Bagdad, du nord et à l’ouest de la capitale.
Conséquence de leur marginalisation: les sunnites lorgneraient en direction des radicaux de leur communauté, les Frères musulmans. Depuis l’arrestation de Saddam Hussein, l’influence de la confrérie grandit au sein de la résistance, notamment à Fallouja et à Ramadi. Hors d’Irak, la confrérie, épaulée en sous-main par l’Arabie saoudite et Bahrain. Ces deux pays du Golfe, qui ont le plus à craindre d’un pouvoir chiite à Bagdad, travailleraient à l’émergence d’une «alternative sunnite» teintée d’islamisme.
L’ostracisme américain à l’égard des sunnites inquiète leurs voisins syriens, jordaniens, saoudiens, mais aussi turcs, auprès de qui des émissaires ont été dépêchés. «Nous tirons la sonnette d’alarme devant les Américains, déclaraient récemment à un groupe de journalistes étrangers Marwan Mouasher, le ministre jordanien des Affaires étrangères. Nous leur disons : vous faites une erreur, choisissez des sunnites représentatifs. Ce n’est pas un appel au communautarisme, mais au rassemblement. Si vous continuez à marginaliser les sunnites, vous allez déstabiliser la région».
Eduqués, urbanisés, la communauté sunnite regorge de fonctionnaires rompus à la gestion de l’Etat. Autant d’atouts qui font cruellement défaut aux chiites, victimes de décennies de mise en quarantaine politique. «Ils n’ont pas les cadres compétents, ni les réseaux de pouvoir pour gouverner l’Irak», note Abbas Khalaf, ancien ambassadeur chiite à Moscou. In fine, ajoute-t-il, «les Américains devront refaire appel au savoir-faire sunnite.»
Certaines personnalités sunnites préparent déjà l’après 1er juillet, date du transfert du pouvoir aux Irakiens. Ainsi, près d’une douzaine d’ex-ambassadeurs -en Chine, en Inde, aux Nations unies, en Azerbaïdjan, en Egypte, en Afrique du sud, en Ukraine, en Jordanie- sont restés à l’étranger et attendent leur heure. Les Américains auraient notamment pris langue avec Mohammed al-Douri, l’ambassadeur de Saddam Hussein aux Nations unies, réfugié à Dubaï. Bref, chassés du pouvoir, les sunnites pourraient bien revenir discrètement coloniser l’appareil d’Etat du nouvel Irak.
par Christian Chesnot
Article publié le 21/02/2004