Irak
Compromis sur la Loi fondamentale
Après de longues et houleuses discussions, les membres du Conseil de gouvernement irakien (CIG) se sont finalement accordés sur une loi fondamentale, devant régir le pays pendant la période transitoire qui s’achèvera par la tenue d’élections générales fin 2004 ou début 2005. Mais l’édifice politico-institutionnel, imaginé par les Américains, reste très fragile.
De notre envoyé spécial à Bagdad
Les membres du CIG sont tombés d’accord sur un texte de compromis. Cette loi fondamentale entérine le principe du «fédéralisme géographique», ce qui signifie le maintient de l’autonomie des provinces kurdes, et prévoit que l’Islam sera «l’une des principales sources du droit» et non pas l’unique comme le réclamaient les partis islamiques chiites. Sur le plan institutionnel, une présidence et un poste de Premier ministre sont créés tandis que les femmes auront droit à une représentation dans l’Assemblée nationale de 20% des sièges.
L’accouchement aux forceps de cette loi fondamentale montrent toute la difficulté d’application du plan politico-constitutionnel imaginé par Paul Bremer, l’administrateur civil américain à Bagdad. Car, l’adoption de la loi fondamentale ne signifie pas pour autant que les problèmes de fond soient réglés. Qu’il s’agisse du transfert du pouvoir aux Irakiens le 1er juillet que de la signature d’un accord sur la présence de l’armée américaine après cette date, les projets de Washington ont du plomb dans l’aile. Sur ces deux dossiers, rien ne se déroule comme l’avait prévu Paul Bremer.
Les membres du Conseil (CIG) ont ainsi récemment fait savoir qu’ils n’auraient pas la légitimité pour négocier l’accord concernant la présence des troupes américaines sur le sol irakien après le 1er juillet. A cette date, la Coalition Provisional Authority (CPA) ou l’administration d’occupation, doit être dissoute et le pouvoir politique transféré aux Irakiens.
Selon les termes de l’accord conclu le 15 novembre 2003 entre Paul Bremer et le CIG, un arrangement devait intervenir d’ici la fin mars pour organiser le maintien des troupes américaines, au-delà du 1er juillet, en particulier leur nombre et leur localisation. Le refus irakien d’entrer dans de telles négociations apparaît comme un camouflet pour les Américains.
Aucune élection avant 2005
Après le 1er juillet, Washington devra négocier cet accord avec des autorités irakiennes élues et qui seront moins dociles que le CIG, une instance nommée directement par Paul Bremer. Théoriquement, le nouveau gouvernement irakien pourrait demander le départ des troupes US. Plus vraisemblablement, les GIs seront cantonnés dans plusieurs grandes bases à la périphérie de Bagdad et des villes de provinces.
Dans son rapport justifiant le rapport des élections, l’ONU a considéré que «beaucoup d'Irakiens ont insisté sur le fait que seul un gouvernement élu peut signer un accord bilatéral de sécurité avec la Coalition et que toute autre forme serait illégitime». Or, selon ce rapport, aucun gouvernement ne pourra être élu avant 2005.
Autre déconvenue pour Paul Bremer : le calendrier politique et le processus de retour à la démocratie est aujourd’hui remis en cause de toute part, même si officiellement la date du 1er juillet reste intangible. Pour le diplomate américain, des élections pourraient avoir lieu «d’ici 12 à 15 mois.»
Chez les Irakiens, le scepticisme est général devant le flou des intentions américaines. «Il n’y aura pas de transfert de pouvoir comme prévu, » estime Ibrahim Jénabi, un conseiller d’Iyad Allaoui l’un des poids lourds du CIG. Pour lui, «les Américains s’apprêtent à mettre en place des solutions de circonstances après le 1er juillet.»
C’est la demande répétée des chiites de tenir des élections directes et générales avant le 30 juin qui a peu à peu rendu caduc les plans américains et fait dérailler le calendrier. «L’ayatollah Ali Al-Sistani a remporté deux victoires, commente un diplomate. Il a tué le système des «caucus régionaux» imaginé par Paul Bremer et il a réintroduit l’ONU dans l’équation irakienne. Désormais, il considère que le report des élections n’est plus un problème mais il annonce par avance qu’au 1er juillet le nouvel exécutif irakien «aura des compétences limitées et ne pourra prendre aucune décision politique d’importance.»
Car tout le problème de fond tourne autour d’une seule interrogation : les Irakiens peuvent-ils regagner leur souveraineté sans un pouvoir légitime sorti des urnes ? «Céder la souveraineté aux Irakiens c’est bien, analyse un diplomate, mais sans légitimité, cela ne résout pas l’impasse politique.»
Les membres du CIG sont tombés d’accord sur un texte de compromis. Cette loi fondamentale entérine le principe du «fédéralisme géographique», ce qui signifie le maintient de l’autonomie des provinces kurdes, et prévoit que l’Islam sera «l’une des principales sources du droit» et non pas l’unique comme le réclamaient les partis islamiques chiites. Sur le plan institutionnel, une présidence et un poste de Premier ministre sont créés tandis que les femmes auront droit à une représentation dans l’Assemblée nationale de 20% des sièges.
L’accouchement aux forceps de cette loi fondamentale montrent toute la difficulté d’application du plan politico-constitutionnel imaginé par Paul Bremer, l’administrateur civil américain à Bagdad. Car, l’adoption de la loi fondamentale ne signifie pas pour autant que les problèmes de fond soient réglés. Qu’il s’agisse du transfert du pouvoir aux Irakiens le 1er juillet que de la signature d’un accord sur la présence de l’armée américaine après cette date, les projets de Washington ont du plomb dans l’aile. Sur ces deux dossiers, rien ne se déroule comme l’avait prévu Paul Bremer.
Les membres du Conseil (CIG) ont ainsi récemment fait savoir qu’ils n’auraient pas la légitimité pour négocier l’accord concernant la présence des troupes américaines sur le sol irakien après le 1er juillet. A cette date, la Coalition Provisional Authority (CPA) ou l’administration d’occupation, doit être dissoute et le pouvoir politique transféré aux Irakiens.
Selon les termes de l’accord conclu le 15 novembre 2003 entre Paul Bremer et le CIG, un arrangement devait intervenir d’ici la fin mars pour organiser le maintien des troupes américaines, au-delà du 1er juillet, en particulier leur nombre et leur localisation. Le refus irakien d’entrer dans de telles négociations apparaît comme un camouflet pour les Américains.
Aucune élection avant 2005
Après le 1er juillet, Washington devra négocier cet accord avec des autorités irakiennes élues et qui seront moins dociles que le CIG, une instance nommée directement par Paul Bremer. Théoriquement, le nouveau gouvernement irakien pourrait demander le départ des troupes US. Plus vraisemblablement, les GIs seront cantonnés dans plusieurs grandes bases à la périphérie de Bagdad et des villes de provinces.
Dans son rapport justifiant le rapport des élections, l’ONU a considéré que «beaucoup d'Irakiens ont insisté sur le fait que seul un gouvernement élu peut signer un accord bilatéral de sécurité avec la Coalition et que toute autre forme serait illégitime». Or, selon ce rapport, aucun gouvernement ne pourra être élu avant 2005.
Autre déconvenue pour Paul Bremer : le calendrier politique et le processus de retour à la démocratie est aujourd’hui remis en cause de toute part, même si officiellement la date du 1er juillet reste intangible. Pour le diplomate américain, des élections pourraient avoir lieu «d’ici 12 à 15 mois.»
Chez les Irakiens, le scepticisme est général devant le flou des intentions américaines. «Il n’y aura pas de transfert de pouvoir comme prévu, » estime Ibrahim Jénabi, un conseiller d’Iyad Allaoui l’un des poids lourds du CIG. Pour lui, «les Américains s’apprêtent à mettre en place des solutions de circonstances après le 1er juillet.»
C’est la demande répétée des chiites de tenir des élections directes et générales avant le 30 juin qui a peu à peu rendu caduc les plans américains et fait dérailler le calendrier. «L’ayatollah Ali Al-Sistani a remporté deux victoires, commente un diplomate. Il a tué le système des «caucus régionaux» imaginé par Paul Bremer et il a réintroduit l’ONU dans l’équation irakienne. Désormais, il considère que le report des élections n’est plus un problème mais il annonce par avance qu’au 1er juillet le nouvel exécutif irakien «aura des compétences limitées et ne pourra prendre aucune décision politique d’importance.»
Car tout le problème de fond tourne autour d’une seule interrogation : les Irakiens peuvent-ils regagner leur souveraineté sans un pouvoir légitime sorti des urnes ? «Céder la souveraineté aux Irakiens c’est bien, analyse un diplomate, mais sans légitimité, cela ne résout pas l’impasse politique.»
par Christian Chesnot
Article publié le 01/03/2004