Irak
L’armée américaine cherche à se désengager de Falloujah
Photo : AFP
Assiégée depuis six jours par les marines américains, Falloujah résiste. Cette ville rebelle située à une cinquantaine de kilomètres de Bagdad est devenue le symbole du refus de l’occupation américaine. Les violents affrontements qui s’y déroulent depuis lundi et qui ont déjà coûté la vie à des centaines de civils ont provoqué un mouvement de solidarité sans précédent chez les Irakiens qui, sunnites comme chiites, se sont mobilisés pour faire parvenir aux habitants des vivres et des médicaments. Devant les témoignages sur la violence des combats et sur la dégradation de la situation dans la ville, les membres de l’exécutif irakien, qui ont été nommés par l’administrateur américain Paul Bremer, ont condamné l’opération en cours. Le Conseil de gouvernement intérimaire a ainsi dénoncé «la punition collective infligée à des civils innocents». L’un des membres de ce Conseil, le sunnite Adnane Pachachi a même affirmé que l’opération lancée à Falloujah était un acte «illégal et totalement inacceptable».
Un membre chiite de l'exécutif, Abdel Karim al-Mohmmadaoui, a par ailleurs gelé sa participation dans cette instance qui, selon lui, «a failli envers le peuple irakien». D’autres personnalités sunnites ont menacé de démissionner. «Si le problème de Falloujah ne se règle pas pacifiquement en respectant la dignité de la population et si les Etats-Unis n'honorent pas leurs promesses et persistent à utiliser la force de manière excessive, alors je soumettrai ma démission», a notamment déclaré Ghazi Ajil al-Yaouar.
Déjà mise en difficulté sur le terrain, la coalition dirigée par Washington risque désormais de perdre ses alliés irakiens de plus en plus critiques envers ses méthodes. Et c’est sans doute pour éviter ce scénario catastrophe, que le général Mark Kimmit , le chef-adjoint des opérations militaires en Irak, a renouvelé samedi matin sa proposition de trêve aux rebelles de Falloujah. «Les forces de la coalition sont prêtes à observer un cessez-le-feu avec les éléments ennemis», a-t-il ainsi affirmé, avertissant toutefois que les marines se réservaient le droit à l’autodéfense.«Si le cessez-le-feu tient, des pourparlers pourront être engagés pour établir une autorité irakienne légitime», a-t-il également précisé.
Une délégation irakienne rencontre les insurgésMais malgré cette offre américaine de trêve, les combats se sont poursuivis samedi à Falloujah. Des tirs sporadiques de mitrailleuses et des explosions ont été entendus dans l’après-midi et un nuage de fumée noire s’élevait de la ville. Une délégation de l’exécutif irakien a toutefois réussi à rentrer en début d’après midi dans Falloujah pour tenter de négocier un arrêt des affrontements. Selon un capitaine américain qui commande un barrage à l’entrée de la ville, «les membres du Conseil du gouvernement se sont dirigés vers une mosquée». Au nombre de 35, ils étaient arrivés un peu plus tôt à bord de dix véhicules, après avoir tenté en vain la veille de pénétrer dans la ville. «Ils ne disposent d’aucune escorte militaire américaine», a également précisé l’officier. «Ils connaissent les dangers mais ils veulent prendre le risque», a-t-il ajouté.
Un groupe jusqu'ici inconnu, «La résistance irakienne», a rejeté samedi la trêve proposée par les Etats-Unis à Falloujah, dans un communiqué remis au correspondant d’une chaîne de télévision arabe et dont l'authenticité n'a pu être établie. «La résistance irakienne annonce qu'elle ne se considère pas engagée par la trêve car elle n'a pas été associée aux négociations à son sujet», indique ainsi le texte qui considère comme «illégales» les négociations en cours menées par une délégation irakienne pour faire cesser les combats. «Le but de ces médiateurs est de réaliser des gains personnels, aux dépens de la résistance et du sang des martyrs», dénonce notamment ce communiqué.
par Mounia Daoudi
Article publié le 10/04/2004 Dernière mise à jour le 10/04/2004 à 15:23 TU