Irak
Les chiites défient la coalition
(Photo : AFP)
Ce sont les membres de l’Armée du Mehdi, la milice de Moqtada Sadr, qui ont pris la tête de la manifestation de Najaf organisée le dimanche 4 avril. Vêtus de noir, cagoulés et le front ceint d’un ruban vert, ils ont défilé aux cris de: «A bas l’Amérique», entraînant derrière eux une foule de chiites en colère. C’est l’arrestation du second de Moqtada Sadr à Najaf, Moustafa al-Yaakoubi, qui a déclenché ce mouvement de protestation. Les chiites ont accusé les troupes espagnoles de la coalition de l’avoir arrêté et de le détenir sur une base militaire située à 5 kilomètres de Najaf. Malgré les dénégations des Espagnols qui ont diffusé des tracts aux manifestants pour démentir toute participation à l’arrestation de Yaakoubi, les esprits se sont échauffés et des altercations violentes ont eu lieu.
Il semble, selon plusieurs témoignages, que des manifestants chiites ont, dans un premier temps, jeté des pierre aux troupes espagnoles qui se trouvaient à proximité du défilé. Les militaires ont répondu en tirant en l’air et en envoyant des grenades assourdissantes. Certains manifestants qui étaient armés, ont alors commencé à tirer sur les soldats qui ont riposté en mitraillant la foule. Le bilan des ces échanges de coups de feu est très lourd: un vingtaine d’Irakiens et 4 soldats salvadoriens ont été tués et environ 200 personnes ont été blessées, selon les médecins des hôpitaux de Koufa et de Najaf. La situation a continué à être extrêmement tendue durant toute la journée. Et il semble même que des membres de l’Armée du Mehdi aient fini par prendre possession de bâtiments administratifs de la ville de Koufa dimanche soir.
«Terroriser les ennemis»
A Bagdad et à Bassorah, au sud du pays, les chiites se sont aussi regroupés à l’appel de Moqtada Sadr. Dans la capitale, les forces de la coalition avaient pris des dispositions pour éviter les affrontements, notamment en fermant les abords du QG américain, la «zone verte». Malgré ces précautions, des échauffourées ont eu lieu en fin de journée entre des miliciens de Moqtada Sadr et les forces américaines dans le quartier de Sadr City. Plusieurs personnes ont été blessées. La veille, deux chiites irakiens avaient déjà été tués. Ces manifestations succèdent à de nombreux mouvements de protestations organisés ces derniers jours notamment à cause de la fermeture de la publication chiite al Haouza, accusée par les Américains d’inciter à la violence. Une décision que l’ensemble de la communauté chiite a pris pour une provocation.
Dans ce contexte, le cheikh Moqtada Sadr qui prône la radicalisation face à l’occupation américaine n’a pas eu de difficultés à entretenir la colère des chiites. Son discours virulent –il a appelé dimanche soir ses partisans à «terroriser les ennemis»- trouve, en effet, un écho dans la population défavorisée de la communauté, surtout chez les jeunes, qui n’ont pas vu leur situation s’améliorer depuis la chute de Saddam Hussein. Cette démonstration de force qui a tourné à l’affrontement violent est un message à l’attention des Américains mais aussi de l’émissaire de l’ONU, Lakhdar Brahimi, qui doit arriver en Irak lundi pour participer au processus de mise en place d’un gouvernement intérimaire. Certes, les positions radicales de Moqtada Sadr ne font pas l’unanimité au sein de la hiérarchie religieuse mais l’ensemble des chiites sont d’accord pour rejeter le texte de la nouvelle Constitution adoptée sous l’égide des Etats-Unis, le 8 mars dernier, qualifiée par le grand ayatollah Ali Sistani de «loi étrangère imposée par les forces d’occupation». Les chiites réclament donc à l’ONU un engament ferme contre cette Constitution et un appui pour l’organisation rapide d’élections générales dans le pays.
par Valérie Gas
Article publié le 04/04/2004 Dernière mise à jour le 04/04/2004 à 18:16 TU