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Grande-Bretagne

Démission du ministre de l’Intérieur

Tony Blair et David Blunkett. La démission du ministre de l'Intérieur britannique fragilise le gouvernement travailliste. 

		(Photo: AFP)
Tony Blair et David Blunkett. La démission du ministre de l'Intérieur britannique fragilise le gouvernement travailliste.
(Photo: AFP)
Empêtré dans un scandale touchant à sa vie privée, et accusé d’abus de pouvoir, le ministre de l’Intérieur britannique a préféré présenter sa démission au Premier ministre mercredi soir. Mais le départ de cette personnalité atypique et populaire, ministre-clé du gouvernement travailliste est un coup dur pour Tony Blair, alors que se profilent au printemps prochain des élections législatives.

De notre correspondante à Londres.

Cible depuis des semaines maintenant de la presse et de l’opposition, David Blunkett était devenu très isolé. Néanmoins le secrétaire d’Etat au Home Office aurait probablement laissé passer l’orage à l’approche des fêtes de Noël et de la trêve des confiseurs. Las, l’un des membres de l’équipe de Sir Alan Budd nommé pour enquêter sur les accusations d’abus de pouvoir du ministre, a prévenu David Blunkett ce mercredi qu’on avait retrouvé la trace d’un courriel montrant que la procédure d’obtention du visa de la nounou de son ex-maîtresse avait été accélérée. David Blunkett qui a répété qu’il n’avait rien à se reprocher a malgré tout décidé de partir pour ne pas embarrasser plus avant le gouvernement. Lors d’une intervention chargée d’émotion, il a aussi expliqué que l’avenir de sa relation avec son plus jeune fils avait aussi pesé dans la balance.
Depuis quinze jours, la presse se faisait l'écho de la guerre sans merci que se livraient David Blunkett et son ancienne maîtresse Kimberley Quinn, directrice de l'hebdomadaire conservateur The Spectator. David Blunkett affirme être le père de son fils de deux ans, William, et a récemment saisi la justice, pour avoir accès à l'enfant. Kimberley Quinn est enceinte d'un deuxième enfant, dont la naissance est attendue en février et qui pourrait aussi être celui du ministre.

Quand la love affair tourne à l’affaire d’Etat

C'est de cette guerre qu'étaient nées les accusations d'abus de pouvoir. La presse avait publié plusieurs documents semblant prouver que la nounou philippine de Kimberley Quinn avait bénéficié d'un traitement de faveur, lui permettant d'obtenir rapidement un visa permanent. Mais malgré la prompte ouverture d’une enquête indépendante, les journaux refusaient de lâcher l’affaire. Tant et si bien que ce mercredi, le quotidien populaire Daily Mail avait accusé le ministre dans une nouvelle affaire de visa, temporaire cette fois, dont avait  profité la nounou pour se rendre en Autriche.

Sans compter que le climat s'était encore dégradé ces derniers jours, après la publication d'une biographie dans laquelle le secrétaire d’Etat au Home Office dressait un portrait au vitriol de certains de ses collègues du gouvernement, jusque-là plutôt bien intentionnés à son égard. David Blunkett déclarait notamment que le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, avait laissé le ministère de l'Intérieur dans un état lamentable, qualifiant d'autres ministres de «mous» et  de «faibles». Qualifié après coup «d'arrogant» par le vice-premier ministre, John Prescott, David Blunkett était dès lors devenu la cible d'attaques jusque dans son propre camp, un député travailliste de base, Bob Marshall-Andrews, allant jusqu'à  mêler sa voix à celle des Tories mercredi pour demander sa démission.

L’hommage de Tony Blair

Tony Blair en difficulté.
(Photo : AFP)
Une attaque qui n'a pas laissé Tony Blair indemne, ce député se permettant de comparer le Premier ministre à l'empereur romain Caligula: «Caligula avait nommé son cheval au Sénat, pas parce que celui-ci ferait un bon sénateur, mais parce qu'il voulait prouver qu'il pouvait faire ce qu'il voulait». C'est «un peu ce qui se passe maintenant au gouvernement», a asséné le député, reprochant le soutien de Tony Blair à son ministre.
Le chef du gouvernement, dont David Blunkett est un ami personnel, avait dans un premier temps défendu bec et ongles un ministre extrêmement populaire, pilier de son gouvernement. Mais la situation était devenue intenable. Mercredi soir, Tony Blair a rendu hommage à son collègue, estimant qu'il partait avec «son intégrité intacte et ses succès reconnus par tous».

Un pièce maîtresse s’effondre

David Blunkett, bourreau de travail, et homme très respecté pour sa force de caractère qui lui a notamment permis de surmonter sa cécité, a pour sa part tenté de faire bonne figure. Devant des journalistes, il a raconté la douleur des dernières semaines, qui ont été les pires de sa vie. Mais évoquant sa bataille pour avoir accès à son fils, il a conclu: «la déception et je pense la dépression des mois à venir ne sont rien en comparaison de la joie (…)  d’être auprès de ce petit garçon»

.En attendant, sa démission ne pouvait pas tomber plus mal pour le gouvernement: avec le départ de David Blunkett, champion de la sécurité intérieure et de la lutte contre la criminalité, c’est une pièce maîtresse du dispositif travailliste pour remporter les prochaines élections générales qui tombe, alors que le scrutin est attendu dans quelques mois seulement.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 16/12/2004 Dernière mise à jour le 16/12/2004 à 13:55 TU