Grande-Bretagne
L’imam intégriste Abou Hamza est en prison
(Photo : AFP)
Et c’est bien là que se situe dorénavant le principal écueil à une éventuelle extradition outre-Atlantique. Car si la police britannique a procédé à l’arrestation d’Abou Hamza de bonne grâce, les juges vont regarder à deux fois avant d’autoriser son transfert vers un pays dans lequel il risque d’être exécuté. La Grande-Bretagne est traditionnellement opposée à une telle procédure. Elle n’a d’ailleurs toujours pas donné suite à une demande identique transmise, en 1999, par les autorités du Yémen contre ce même imam soupçonné d’avoir organisé des réseaux terroristes dans le pays. Une affaire dans le cadre de laquelle le fils d’Abou Hamza a été condamné à trois ans de prison à Sanaa.
Durcissement de la législation antiterroriste
David Blunkett, le ministre de l’Intérieur britannique, a d’ailleurs mis les choses au point très rapidement sur les conditions requises pour autoriser une extradition. Il a évoqué la nécessité de trouver, en accord avec les Etats-Unis, «une peine alternative» à la peine capitale. Il a aussi rappelé que le sort d’Abou Hamza ne serait pas scellé avant l’examen de son appel dans la procédure engagée par le gouvernement pour le déchoir de la nationalité britannique. L’imam qui s’est, en effet, vu retirer, en avril 2003, la citoyenneté qu’il avait obtenue en se mariant avec une Britannique catholique, a déposé un appel qui doit être examiné en janvier 2005. S’il est effectivement déchu, il sera plus facile pour les juges britanniques d’autoriser son extradition.
Car malgré des déclarations outrancières dans lesquelles il s’est, par exemple, réjoui des attentats du 11 septembre et a qualifié Oussama Ben Laden d’«homme de bien», Abou Hamza ne risque pas grand chose de plus que le retrait de la citoyenneté devant la justice britannique. David Blunkett a précisé qu’à l’heure actuelle, la Grande-Bretagne ne disposait d’aucune preuve de ses activités terroristes.
Il est vrai que cet Egyptien de 46 ans, qui a été videur dans des boites de nuit à son arrivée en Grande-Bretagne en 1979, a toujours pris soin de nier ses relations avec des mouvements terroristes et sa participation à la préparation d’attentats. Pourtant un certain nombre de terroristes liés à Al Qaïda sont passés par son fief de Finsbury Park à un moment ou un autre de leurs parcours (Zacharias Moussaoui, Richard Reid, Djamel Beghal). Abou Hamza a, par contre, entretenu sa réputation d’imam radical en multipliant les diatribes contre les Occidentaux, en comparant le Premier ministre britannique Tony Blair à «la femme de chambre de George Bush» et ce dernier à Gengis Khan. Mais surtout en se glorifiant de son passage en Afghanistan aux côtés des combattants du jihad contre l’envahisseur soviétique pendant lequel il aurait perdu ses deux mains et un œil en sautant sur une mine. Une autre version prétend, qu’en fait, c’est en manipulant tout seul des explosifs qu’il aurait été estropié.
Malgré les soupçons qui pesaient sur lui, cet homme a longtemps bénéficié d’une certaine indulgence de la part des autorités qui l’ont laissé prêcher sans restriction dans sa mosquée. La police estimait qu’elle pouvait ainsi mieux surveiller les réseaux terroristes qui gravitaient autour de ce lieu de culte. Dans la foulée des attentats du 11 septembre, les Britanniques ont tout de même décidé de changer de stratégie et de durcir leur législation antiterroriste. C’est dans ce cadre que les décisions d’interdire Abou Hamza de prêche puis de fermer la mosquée de Finsbury Park ont été prises en 2003. Dans ce contexte, l’arrestation de celui que la presse britannique surnomme sans tendresse aucune «Capitaine crochet» à cause de son appendice métallique qu’il exhibe sans pudeur, marque vraisemblablement une étape dans la lutte contre le terrorisme en Grande-Bretagne.
par Valérie Gas
Article publié le 28/05/2004 Dernière mise à jour le 28/05/2004 à 16:34 TU