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Grande-Bretagne

Raid contre la mosquée controversée de Finsbury Park

L’opération spectaculaire menée ce lundi en pleine nuit contre une des mosquées les plus controversées du royaume indique un changement de ton radical de la part des autorités britanniques envers les activistes présents sur son sol depuis de nombreuses années.
De notre correspondante à Londres

Cette fois, Scotland Yard n’a pas hésité à monter une opération musclée et de grande envergure puisque pas moins de 150 policiers ont littéralement investi la mosquée vers deux heures du matin, soutenus par deux hélicoptères. En tenue anti-émeutes, ils ont escaladé la façade à l’aide d’échelles, comme pour monter à l’assaut d’un véritable château fort... La mosquée ainsi que deux maisons toutes proches ont été fouillées, néanmoins la police a pris soin de préciser que les officiers avaient évité les lieux de prière «par respect pour la foi musulmane» mais aussi sans aucun doute pour ménager la colère de cette communauté. En tout, sept personnes ont été arrêtées; six d’origine nord-africaine et une autre d’Europe de l’Est.

En revanche l’imam radical Abou Hamza al Masri, connu pour ses prêches anti-occidentaux virulents n’a quant à lui pas été inquiété. Il s’est d’ailleurs exprimé tout au long de la journée sur cette perquisition en s’en prenant vigoureusement aux «méthodes à la Rambo» du gouvernement de Tony Blair. Pour lui ce raid est en réalité une pure opération de rétorsion raciste, en réaction au meurtre d’un policier la semaine dernière à Manchester lors d’une perquisition similaire. L’imam a estimé qu’il ne se sentait pas du tout concerné par ce coup de force, ajoutant: «La police a de toute façon d’ores et déjà saisi mon passeport et gelé mes avoirs depuis longtemps, que peut-elle faire de plus ?.» Ce qui n’est bien évidemment pas du tout l’avis de Scotland Yard qui soupçonne le lieu de culte de jouer, sous l’influence d’Abou Hamza, un rôle déterminant dans le recrutement de terroristes, notamment parmi la communauté algérienne et de soutenir leurs actions en Grande Bretagne comme à l’étranger.

Une mosquée fréquentée par les extrémistes

Les enquêteurs n’ont d’ailleurs pas tardé à révéler avoir saisi entre autres documents et disques durs d’ordinateurs, des armes d’auto-défense, notamment un pistolet hypodermique et une grenade lacrymogène, mais aussi nombre de passeports, papiers d’identité et cartes de crédit falsifiés.

Scotland Yard a aussi précisé que cette opération était liée à la découverte il y a deux semaines de ricine, un poison mortel, dans un appartement situé non loin de Finsbury Park. Au moins un des hommes arrêtés alors s’est avéré être un bénévole de la mosquée. Mais il faut dire que la plus grande mosquée de Londres est de toute façon sous haute surveillance depuis très longtemps surtout à cause de ses liens terroristes. Considérée comme l’une des plus radicales du pays, elle est proche des salafistes, un mouvement qui prône la création d’États musulmans partout dans le monde mais aussi des principaux groupes armés algériens qui y adhèrent. Le Britannique Richard Reid qui avait tenté de faire sauter en vol un avion reliant Paris à Miami en décembre 2001, fréquentait cette mosquée. Tout comme Djamel Beghal, le chef présumé d’une cellule qui préparait un attentat contre les intérêts américains en France et le Français Zacarias Moussaoui, actuellement incarcéré aux États-Unis et soupçonné d’être le vingtième pirate de l’air des attentats du 11 septembre 2001.

Au-delà de ces liens, Finsbury Park défraye régulièrement la chronique car son imam Abou Hamza al-Masri n’a jamais caché son admiration pour Oussama Ben Laden. Après les attaques contre le World Trade Center à New York, il s’était d’ailleurs attiré les foudres à travers le pays en faisant l’éloge d’Al Qaïda et en mettant en garde le gouvernement britannique contre les conséquences d’une guerre en Iraq. Abou Hamza, âgé de 45 ans est d’ailleurs un personnage inquiétant, au passé trouble. Portant œil de verre et crochet –il affirme avoir perdu l’usage d’un oeil et de ses mains dans l’explosion d’une mine– l’homme d’origine égyptienne est arrivé en Grande Bretagne en 1979. Au début des années 90, il s’était rendu en Afghanistan pour combattre l’occupation soviétique. Et en 1999, il avait été interpellé par Scotland Yard qui le soupçonnait d’activités terroristes au Yémen. Abou Hamza est aujourd’hui menacé d’être expulsé de la mosquée par l’organisation gouvernementale chargée de réguler les lieux de culte dans le pays, qui le somme de s’expliquer sur ses «propos de nature extrémiste et politique» et, à ce titre, «contraires aux statuts de la mosquée».

Quoi qu’il advienne, l’opération de ce lundi révèle en tout cas une prise de conscience brutale du Royaume. Sa capitale –surnommée «Londonistan» par ses voisins qui lui reprochent depuis des années d’abriter des extrémistes de tout poil– s’est soudain rendue compte que la situation s’est désormais bel et bien retournée contre elle. Après la très inquiétante découverte de ricine, le meurtre d’un officier à Manchester, a laissé sous le choc les forces de sécurité. D’où un changement radical de tactique de la police qui multiplie ces derniers temps coups de filet, arrestations et perquisitions jusqu’à cette opération spectaculaire contre Finsbury Park. Une démonstration de force très clairement destinée à indiquer que l’heure n’est plus à la tolérance mais aux actions coups de poing; et aussi que la police a entendu ceux, de plus en plus nombreux, qui lui reprochent aujourd’hui d’avoir sous-estimé la menace posée par les extrémistes au pays.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 21/01/2003