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Royaume-Uni

La montée du racisme

Des musulmans discutent à proximité de la mosquée de Regents Park à Londres, le 15 juillet dernier. Pendant les trois semaines qui ont suivi les attentats, il y a eu plus de 270 incidents racistes, contre 40 l'an dernier.(photo : AFP)
Des musulmans discutent à proximité de la mosquée de Regents Park à Londres, le 15 juillet dernier. Pendant les trois semaines qui ont suivi les attentats, il y a eu plus de 270 incidents racistes, contre 40 l'an dernier.
(photo : AFP)
Depuis les attentats terroristes de Londres, la légendaire tolérance des Britanniques vis-à-vis des communautés étrangères est mise à mal. Méfiance, étonnement et indignation se mêlent pour créer un climat de rejet de certaines communautés, montrées du doigt. Selon des chiffres que vient de publier la police britannique, les attaques racistes ont augmenté de 600 % par rapport à la même période de l'an dernier après les attentats.

De notre correspondant à Londres

Coralie, une jeune française d'origine algérienne, arrivée à Londres il y a plus d'un an vend des croissants dans une boutique de la gare de Waterloo. Elle avait choisi de venir  en Angleterre parce qu'on lui interdisait de porter son voile en France. Pour la première fois depuis les attentats contre les transports publics qui ont fait 56 morts - 52 usagers et 4 terroristes - le mois dernier à Londres, on lui a fait des réflexions parce qu'elle porte le voile sous sa casquette de vendeuse de pains au chocolat. «Stupid muslim» lui a lancé un client : «Je n'avais jamais entendu ce genre d'insultes ici», assure-t- elle.

Pendant les trois semaines qui ont suivi l'attaque du 7 juillet, il y a eu plus de 270 incidents racistes, contre 40 l'an dernier. Il s'agit le plus souvent d’insultes et d'agressions physiques mineures mais aussi d'actes de vandalisme, notamment contre des mosquées ou des centres communautaires musulmans. «Ces attaques ont un fort impact émotionnel, dit un responsable de Scotland Yard. Elles risquent de décourager la bonne volonté des  musulmans, juste au moment où nous avons besoin d'eux». La police compte en effet sur les informations données par la communauté musulmane pour retrouver les terroristes et ce jeudi, en même temps qu'elle montait à Londres la plus grande opération de sécurité depuis la dernière guerre mondiale pour rassurer les Londoniens, elle distribuait à Leeds, dans le nord de l'Angleterre, dans les quartiers où habitaient les poseurs de bombes, des tracts rédigés en Urdu, en Punjabi, en Bengali, les langues parlées dans le sous-continent indien d'où sont originaires la plupart des deux millions et demi de musulmans vivant en Grande-Bretagne, pour demander à la population locale des informations sur ces jeunes d'origine pakistanaise devenus les premiers kamikazes à frapper sur le sol européen. 

Le gouvernement a bien compris le danger d'une fracture que pourrait provoquer entre les communautés la chasse aux terroristes. La police, soucieuse d'efficacité avant tout, ne met pas toujours des gants. Tout en répétant que l'origine pakistanaise des quatre terroristes du 7 juillet ne doit pas jeter l'opprobre sur certaines parties de la population immigrée, elle n'hésite quand même pas à déclarer qu'elle va arrêter et fouiller systématiquement «plutôt les jeunes basanés que les vieilles ladies blanches à la sortie des salons de thé».

Le «délit de sale gueule»

Cette réflexion a fait monter la colère chez les jeunes immigrés d'origine asiatique qui ne sont même pas musulmans mais qui sont simplement victimes du «délit de sale gueule». Plusieurs responsables de l'opposition conservatrice ont repris les titres d'une certaine presse populiste qui rugit quotidiennement contre ces réfugiés qui n'hésitent pas à poser des bombes dans le pays qui les a accueillis. «Accueillis, nourris, logés, soignés, éduqués et en guise de remerciements, ils mettent des bombes dans le métro», s'indignait le Daily Mail après l'arrestation d'un réfugié somalien soupçonné d'être l'auteur d'un des attentats manqués du 21 juillet.

Un facteur de Chelsea, le quartier super-chic de Londres a été condamné à 200 heures de service communautaire pour avoir insulté un marchand de journaux d'origine pakistanaise le jour des premiers attentats : «Regardez ce que vous avez fait, vous putains de musulman en mettant votre putain de bombe dans le métro», a-t-il hurlé dans les oreilles d'un malheureux marchand de journaux qui n'était évidemment pour rien dans les atrocités du métro.

C'est dans ce contexte qu'est survenu à Liverpool un nouveau crime raciste qui a soulevé une grande émotion dans cette ville où on exprime ses sentiments et émotions avec une faconde toute méridionale : un jeune noir de 18 ans a été tué à coups de hache, après une querelle dans un pub, par des jeunes blancs. Il y a eu des veillées de prières autour de la mère du malheureux. Ce crime en rappelle un autre, survenu à Londres il y a douze ans, dont les auteurs présumés, blancs, arrêtés et jugés, avaient été acquittés. 

Le gouvernement a compris le très grave danger que représente cette flambée de racisme et a organisé une série de rencontres avec les responsables des communautés musulmanes pour arrêter au plus vite les dérives de l'islamisme radical. Des mesures concrètes devraient être proposées à l'ensemble des partis politiques dès le mois de septembre.


par Adrien  Moss

Article publié le 05/08/2005 Dernière mise à jour le 05/08/2005 à 12:18 TU