Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Attentats de Londres

L’erreur tragique de Scotland Yard

L’homme abattu vendredi matin par des policiers lors d'une opération qui était, selon le chef de Scotland Yard, «directement liée avec l'enquête», s’avère en fait être un Brésilien tout à fait hors de cause. La victime, Jean Charles de Menezes, est un Brésilien âgé de 27 ans. Tandis que la communauté musulmane s’inquiète craint la généralisation de mesures expéditives, le gouvernement brésilien attend pour l’heure «des explications des autorités britanniques sur les circonstances qui ont conduit à cette tragédie».

La police a reconnu samedi le faux pas, regrettant cette bavure qu'elle a qualifiée de «tragédie». Se déclarant «perplexe» après la mort de Jean Charles de Menezes, «apparemment victime d'une lamentable erreur», le gouvernement brésilien a, dans la nuit de samedi à dimanche, demandé à Londres des explications sur la mort de son ressortissant. Selon le quotidien brésilien Globo, la victime vivait depuis trois ans dans la capitale britannique, où il résidait légalement. Un cousin de Jean Charles de Menezes, Alex Alves, qui a reconnu le corps, a déclaré au journal qu'il était électricien et se rendait à son travail lorsqu'il a été tué. Selon lui, la victime «n’avait rien dans son passé qui l'aurait poussé à s'enfuir» après avoir reçu ordre de la police de s'arrêter. Au nom de la famille, il a demandé que le corps soit «rapatrié le plus vite possible».

Après avoir sauté par-dessus la barrière d'entrée du métro à Stockwell, au sud de Londres, un homme ne répondant pas aux sommations des policiers s'était précipité sur le quai et avait trébuché au moment d'entrer dans une rame. Selon un témoin proche de la scène, les policiers l'avaient alors «plaqué au sol dans une voiture de métro» avant de lui «tiré plusieurs balles dans la tête et le torse». «Cette fusillade est directement liée à l'opération antiterroriste en cours», avait expliqué le chef de la police métropolitaine Ian Blair lors d'une conférence de presse vendredi, ajoutant: «Il faut comprendre que chaque mort est profondément regrettable mais, à ma connaissance, l'homme a reçu des sommations et refusé d'obéir aux instructions de la police». Scotland Yard avait déclaré dans un communiqué que l'homme abattu était sorti d'une maison placée sous surveillance dans le cadre de l'enquête, avant de préciser: «Il a ensuite été suivi par des policiers. Son habillement et son comportement ont accentué les soupçons de la police».

la communauté musulmane a peur d’être stigmatisée par la population

Des membres d'organisations de défense des libertés civiles se sont émus de cette mort, craignant que la communauté musulmane soit stigmatisée par la population alors même que les autorités britanniques ont exhorté l'opinion publique à ne pas assimiler l'Islam aux terroristes. Inayat Bunglawala, porte-parole du Conseil britannique musulman, a affirmé avoir parlé à plusieurs fidèles «nerveux et agités». Des policiers armés patrouillent dans Londres avec pour instructions claires de stopper d'éventuels autres kamikazes, en ouvrant le feu si nécessaire, comme l'a rappelé le maire de Londres Ken Livingstone. «Si vous avez affaire à quelqu'un qui peut être un kamikaze», il «peut actionner des explosifs plastic ou tout engin qu'il porte sur lui. Dès lors, en ces circonstances, ce sera la politique tirez pour tuer», a-t-il lancé. Tout en demandant la collaboration du public, les autorités ont bien averti la population de ne pas s'approcher des suspects, et de communiquer immédiatement avec la police.

La presse britannique dénonce dimanche la mort du Brésilien innocent, tout en reconnaissant la difficulté de la mission de la police dans la traque des terroristes. Cette relative indulgence est à mettre en perspective avec le traumatisme de la population durement éprouvée par les attentats du 7 juillet et les alertes du 21 juillet. L’hebdomadaire Mail on Sunday rappelle ainsi que «dans le Londres du mois de juillet 2005, peu de personnes souhaiteraient que la police prenne des risques. Gardons à l'esprit que si le suspect de Stockwell avait porté une ceinture d'explosifs, les officiers qui l'ont abattu seraient considérés comme des héros, couverts de médailles et des remerciements de la population». Le News of the World, la version dominicale du Sun, met la responsabilité de cette «tragédie» sur le dos des terroristes du 21 juillet qui ont fait exploser quatre bombes à Londres sans faire de blessé et qui «sont les seuls à avoir du sang sur les mains».

La police a annoncé par ailleurs samedi l'arrestation d'un deuxième homme à Birmingham (Londres) dans le cadre de l'enquête sur la nouvelle série d'attentats de jeudi dernier contre trois rames de métro et un autobus dans la capitale britannique. Le Sun a publié une photo de l'homme arrêté, portant un vêtement en plastique pour protéger d'éventuels indices sur ses habits. La photo est toutefois d'une trop mauvaise qualité pour permettre de la comparer aux photos du poseur de bombe dans le bus diffusées précédemment par la police. Le suspect a été appréhendé dans un appartement près de la station de métro de Stockwell où le Brésilien a été tué.


par Dominique  Raizon

Article publié le 24/07/2005 Dernière mise à jour le 25/07/2005 à 14:06 TU

Audio

Muriel Delcroix

Correspondante de RFI à Londres

«Malgré la bavure de vendredi, la politique du «<EM>tirer pour tuer</EM>» va être maintenue, ce qui inquiète la communauté musulmane.»

Muriel Delcroix

Correspondante de RFI à Londres

«La police londonienne est plongée dans le plus grand embarras.»

Articles