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Attentats de Londres

Scotland Yard poursuit son enquête

La police britannique et les laboratoires d'analyse scientifique collaborent au plus près; un appel à contribution est lancé aux particuliers en possession d'images prises sur les lieux des attentats.(Photo :AFP)
La police britannique et les laboratoires d'analyse scientifique collaborent au plus près; un appel à contribution est lancé aux particuliers en possession d'images prises sur les lieux des attentats.
(Photo :AFP)
Les quatre attentats du 7 juillet 2005 perpétrés à Londres ont été revendiqués via internet par un groupe affirmant s’appeler l’Organisation Al-Qaïda pour le Jihad en Europe: si le gouvernement et la police affirment très nettement qu’ils en portaient effectivement «la marque», les auteurs ne sont pas pour autant identifiés. Samedi, un autre communiqué est parvenu signé par les Brigades Abou Hafs al-Masri, division d’Europe, du nom d’un chef terroriste tué dans la guerre d’Afghanistan. Trois personnes arrêtées dimanche matin à l'aéroport londonien d'Heathrow dans le cadre de la loi antiterroriste ont été relâchées sans charge en fin de soirée: discrète et prudente, la police s’en tient à des informations réduites tandis que la presse échafaude des hypothèses.

Quatre jours après les attentats de Londres, trois personnes de nationalité britannique, mais dont l’identité n’a pas été communiquée, ont été arrêtées dimanche à l’aéroport londonien d’Heathrow dans le cadre de la loi antiterroriste, interrogées puis relâchées : «ce genre d’arrestation arrive toutes les semaines», avait alors souligné Brian Paddick, numéro trois de Scotland Yard, «il serait inapproprié, et ce serait pure spéculation d’établir un lien direct avec les attentats». On ignore toujours si ces individus, tous de nationalité britannique, arrivaient ou quittaient le Royaume-Uni.

Dimanche, les journaux anglais faisaient pourtant leurs gros titres sur deux figures très connues de la mouvance islamiste radicale, celle de Mohammed al-Guerbouzi, Britannique d’origine marocaine condamné par contumace au Maroc à 20 ans de prison -soupçonné d'être l'un des fondateurs du Groupe islamique combattant marocain (GICM) qui a revendiqué les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, au Maroc, et du 11 mars 2004 à Madrid, en Espagne. Toutefois, dans une entrevue accordée à la chaîne arabe Al-Jazira samedi, Mohamed Al-Gerbouzi a déclaré qu'il n'était pas recherché et que son adresse était bien connue de la police britannique.

Autre nom de suspect avancé dans les journaux britanniques, celui de Mustapha Setmariam  Nasar (dit Abu Musab al-Souri), Syrien naturalisé Espagnol, soupçonné d’avoir formé la première cellule d’Al- Qaïda en Espagne avant de s’installer dans la banlieue de Londres,   entre 1995 et 1998, époque à laquelle il a quitté le Royaume-Uni pour partir au Pakistan. À Londres, Scotland Yard reste cependant très discret sur l’avancée de l’enquête, refusant de confirmer une demande d’extradition à l’encontre de l’Anglo-Marocain, qui aurait disparu de son domicile londonien depuis des mois.

Un dispositif sophistiqué de bombes à retardement

L'ancien patron de Scotland Yard, John Stevens, encore en place en janvier, juge pour sa part que les auteurs des attentats de jeudi sont «presque certainement» nés au Royaume-Uni. Selon lui, c'est «un vœu pieux» de soupçonner des terroristes venus de l'étranger : «Je crains qu'il y ait un nombre suffisant de personnes dans ce pays désireuses de devenir des terroristes islamistes, ils n'ont pas besoin d'être recrutés à l'étranger», a insisté John Stevens, selon qui «environ 3 000 personnes nées ou élevées en Grande-Bretagne sont passées par les camps d'entraînement d'Oussama ben Laden».

Ce qui est certainement établi, c’est que les trois bombes qui ont explosé dans les stations d’Edgware Road, entre King’s Cross et Russel square, et à la City ont été déposées dans les wagons et qu’elles ont explosé simultanément à 8h47, ce qui signifie qu’elles étaient équipées d’un dispositif à retardement sophistiqué et non artisanal; ce qui signifie également que les attentats ont été perpétrés par plusieurs hommes bien préparés. L’explosion du bus, une heure exactement après les autres explosions, à 9h47, pourrait être due à un déréglage. L’hypothèse de l’attentat suicide, évoquée par la presse, a été démentie par la police qui privilégie la thèse d’un déclenchement par minuterie plutôt que par des kamikazes, ce qui laisse penser que les terroristes ayant frappé jeudi sont toujours dans la nature.

Les enquêteurs britanniques sont maintenant en train de déterminer si des explosifs irakiens, qui pourraient avoir été fournis par Abou Moussab al-Zarqaoui, chef d'Al-Qaïda en Irak, auraient été utilisés lors de ces attentats meurtriers, selon l'hebdomadaire américainTime. «Al-Zarqaoui est un fournisseur potentiel du fait qu'il contrôle des quantités illimitées d'explosifs et d'armes en Irak», estime un responsable américain dans un article posté dimanche sur le site Internet du magazine, et «toute la question est de faire sortir (les explosifs) d'Irak et de les remettre aux bonnes personnes», ajoute-t-il. Le secrétaire à la Sécurité intérieure, Michael Chertoff, a indiqué que les autorités américaines étaient «inquiètes» d'une éventuelle implication de Zarqaoui dans les attentats de Londres.

L’enquête minutieuse poursuit son cours

Dans les tunnels de King’s Cross, des équipes spécialisées poursuivent d’ailleurs leur travail dans des conditions pénibles, à la fois pour tenter d’atteindre des corps encore coincés dans une rame du métro et pour recueillir tout élément susceptible de faire progresser l’enquête avec le concours des laboratoires d’analyse scientifique. Par ailleurs la police britannique a lancé hier un appel à contribution aux particuliers en possession d’images prises sur les lieux des attentats: le commissaire Brian Paddick a expliqué que le public pouvait jouer un rôle important dans l’enquête en transmettant par courrier électronique les photos et vidéos prises sur les lieux du drame à l’aide de téléphones portables ou d’appareils photo numériques. Une ligne téléphonique spéciale a déjà reçu 1 700 appels.

La police britannique a aussi demandé aux opérateurs de télécommunications et aux fournisseurs d’accès Internet de conserver l’ensemble des communications passées jeudi dernier, le jour des attentats au cœur de Londres car, a expliqué Brian Paddick: «Au cours des prochaines semaines, à mesure que la police identifiera des suspects, il sera important d’examiner avec qui ils ont été en communication.» L’objectif est de conserver une trace du contenu des messages laissés sur répondeur ou des courriels électroniques qui normalement disparaissent dès qu’ils ont été écoutés ou téléchargés par les utilisateurs de boîtes vocales et de boîtes aux lettres électroniques.

L’enquête concernant les attentats prend en considération tous les éléments: «Notre crainte est évidemment qu’il y ait de nouveaux attentats», a reconnu de son côté le ministre de l’Intérieur Charles Clarke, alors que les fausses alertes se multiplient. Dans la nuit de samedi à hier, 20 000 personnes ont ainsi été évacuées des bars et restaurants du cœur de Birmingham, la deuxième ville d’Angleterre, à la suite d’une alerte à la bombe jugée «crédible et sérieuse».

De nouvelles craintes

Depuis les quatre attentats qui ont ensanglanté la capitale, quatre mosquées ont été visées par des tentatives d’incendie en Grande-Bretagne. Des tentatives d’incendie contre des lieux de culte à Leeds (nord de l’Angleterre), Belvedere (sud de Londres), Telford (ouest de l’Angleterre) et Birkenhead (nord-ouest) ont provoqué des «dégâts mineurs», a précisé le président de l’Association des chefs de police, Chris Fox. Des agressions verbales, actes de vandalisme exercés sur des voitures, commerces et maisons ont également été enregistrés selon la même source: «Il n’y a aucun doute qu’il y aura eu d’autres incidents qui n’ont pas encore été signalés à la police», a déclaré Chris Fox, qui a exhorté les citoyens à dénoncer ce «comportement odieux et dangereux», promettant une réponse «sévère».


Dans une déclaration commune, les grands chefs religieux britanniques, dont le chef spirituel de l’Église anglicane Rowan Williams, le grand rabbin du Commonwealth Jonathan Sachs et le président du Conseil des mosquées et des imams, Zaki Badawi, ont appelé l’ensemble des Britanniques à rester unis, quelle que soit leur confession, face au terrorisme. Réunis à l’appel de l’archevêque de Canterbury, ils ont condamné unanimement «le fléau du terrorisme».

par Dominique  Raizon

Article publié le 11/07/2005 Dernière mise à jour le 11/07/2005 à 15:40 TU

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