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Attentats de Londres

L’Europe entre traque et crainte

Après les attentats meurtriers de Londres, la présence des policiers français dans les lieux publics a été renforcée.(Photo : AFP)
Après les attentats meurtriers de Londres, la présence des policiers français dans les lieux publics a été renforcée.
(Photo : AFP)
Les attentats qui ont frappé le cœur de Londres, le 7 juillet, ont fait resurgir dans l’ensemble des pays européens la crainte de nouvelles attaques terroristes aveugles et meurtrières. Dès l’annonce des quatre explosions dans le métro et un bus de la capitale britannique, les mesures de sécurité ont été renforcées dans tous les pays occidentaux, cibles potentielles des terroristes. La police londonienne a, de son côté, commencé son enquête pour trouver les auteurs de ces attentats qui ont fait, selon un dernier bilan, «plus de 50 morts» et plusieurs centaines de blessés. Pour le moment, toutes les pistes sont examinées, et surtout celle des terroristes islamistes liés à la nébuleuse al-Qaïda. Les conditions dans lesquelles les attentats de Londres ont été perpétrés sont très proches de celles des attaques qui ont déjà été menées par des groupes islamistes radicaux se réclamant de Ben Laden, notamment à Madrid en mars 2004.

La revendication des attentats de Londres par un groupe, jusque-là inconnu, al-Qaïda-Jihad en Europe, n’est pas le seul élément qui incite les enquêteurs britanniques à porter la plus grande attention à la piste islamiste. Pour le moment, l’authenticité du communiqué diffusé sur un site internet juste après les attaques dans les transports en commun de la capitale britannique, n’a pas pu être vérifiée. Mais il apparaît que les méthodes, les cibles et le moment choisis pour frapper à Londres «portent la marque d’al-Qaïda», comme l’a déclaré le chef de Scotland Yard, Ian Blair.

Ces attentats à l’explosif avaient pour but évident de faire de nombreuses victimes. Le choix de frapper le métro et un bus le prouve. Le scénario de Londres semble de ce point de vue répondre aux mêmes motivations que celui des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis mais surtout celui de Madrid, le 11 mars 2004, où les attaques ont fait 191 victimes à la gare ferroviaire d’Atocha. Comme en Espagne, plusieurs explosions ont eu lieu. Cette fois-ci, par contre, les terroristes n’ont pas centralisé leurs frappes sur un seul lieu. Ils s’en sont pris à quatre sites éloignés les uns des autres, même si tous se situent dans le cœur de Londres.

Al Qaïda : piste privilégiée

L’attaque est, d’autre part, intervenue à un moment particulièrement symbolique : le jour-même où le G8 qui regroupe les pays les plus riches de la planète, débutait ses travaux dans la ville écossaise de Gleneagles. Elle ne peut donc manquée d’être mise en relation avec cet événement politique international majeur. A Madrid aussi, la volonté de frapper à un moment clef était évidente puisque l’attaque avait eu lieu quelques jours avant les élections législatives, finalement perdues par le chef du gouvernement sortant, José Maria Aznar, à cause de sa gestion critiquée de la crise.

Les attentats de Londres ont vraisemblablement été minutieusement préparés. Le choix des cibles et la synchronisation des explosions montrent, comme à New York et Madrid, que rien n’a été laissé au hasard. Selon les premiers éléments recueillis par les enquêteurs, chacune des bombes contenait au moins 5 kilos d’explosifs. L’hypothèse d’un attentat suicide évoquée par la presse britannique à partir des récits de témoins de l’explosion du bus, n’a pas été confirmée par les autorités. Le chef du département anti-terroriste de Scotland Yard, Andy Hayman, a jugé vendredi matin, qu’elle était «totalement non prouvée». Le New York Times a avancé, pour sa part, mais sans citer ses sources, que les bombes ont été déclenchées par une minuterie. Cette information n’a été ni démentie, ni confirmée pour le moment.

Ian Blair a assuré qu’il n’y avait plus d’engins explosifs sur les sites où ont eu lieu les attentats. Le travail des secouristes et des enquêteurs reste néanmoins très difficile. Les tunnels du métro ont, en effet, été fragilisés et certains wagons demeurent inaccessibles. Cela explique en partie le fait que les autorités n’ont pas donné un bilan précis des décès et se refusent encore à communiquer l’identité des victimes. Cette situation et le nombre très important de blessés (environ 700 dont 22 dans un état très grave) font donc craindre qu’il n’y ait au bout du compte plus d’une cinquantaine de morts.

Sécurité renforcée dans les capitales européennes

Au lendemain de ces attentats très meurtriers, la police a fait part de sa détermination «implacable» à trouver ceux qui les ont préparés et réalisés. Tout en avertissant que l’enquête s’annonce «laborieuse». Les Britanniques peuvent néanmoins compter sur la collaboration de tous leurs voisins européens qui ont immédiatement condamné les attentats et fait part de leur solidarité avec la Grande-Bretagne. Il est vrai qu’aucune capitale occidentale ne peut s’estimer protégée. Les alliés les plus proches des Etats-Unis, l’Espagne et la Grande-Bretagne, ont été les premières cibles des terroristes en Europe depuis les attentats du 11 septembre. Mais rien ne peut permettre de penser que d’autres villes ne seront pas visées elles aussi. Au contraire, tous les services de renseignements estiment que d’autres attaques sont inévitables. Des menaces ont d’ailleurs été émises contre l’Italie et le Danemark, deux autres nations qui ont apporté leur soutien à Washington dans la guerre en Irak. A Rome et à Copenhague, les autorités prennent le risque terroriste très au sérieux et ont immédiatement mis en œuvre des mesures de sécurité renforcées.

A Paris et à Berlin, on fait preuve de la même inquiétude. La France et l’Allemagne n’ont pas reçu d’avertissements aussi directs mais les dirigeants des deux pays savent que leur refus de participer à l’offensive militaire contre le régime de Saddam Hussein ne les protège pas. Dès hier, les autorités françaises ont d’ailleurs décidé de passer au niveau d’alerte rouge du plan Vigipirate pour tenir compte de l’aggravation de la menace terroriste. Tous les lieux sensibles (gares, aéroports, transports en commun, lieux publics) font l’objet d’une surveillance accrue. Des gendarmes et des militaires ont d’ailleurs été mobilisés pour participer à ce dispositif.

Quelles que soient les précautions prises pour essayer d’éviter un attentat, les exemples de Madrid et de Londres montrent qu’il est très difficile de réduire les risques à néant. Depuis plus d’un an, les autorités britanniques avaient fait part de leur certitude qu’une attaque allait toucher la capitale du pays à un moment ou à un autre. Cela ne leur a pas permis d’éviter le drame. Même si la presse londonienne a mis en cause la décision de réduire le niveau d’alerte terroriste en juin, une erreur a posteriori sur laquelle le gouvernement va mener une enquête, il faut reconnaître que le mode de fonctionnement des cellules liées à al-Qaïda, totalement autonome, rend la tâche des services de renseignements particulièrement difficile. Le ministre de l’Intérieur Charles Clarke a d’ailleurs tenu à défendre ses services en déclarant : «Nous allons examiner avec beaucoup d’attention tous les éléments en possession de nos services de renseignements, afin de savoir si nous avons raté quelque chose. Mais je ne crois pas que nous ayons raté quoi que ce soit, ces attentats sont venus de nulle part».

par Valérie  Gas

Article publié le 08/07/2005 Dernière mise à jour le 08/07/2005 à 17:13 TU

Audio

Ali Laïdi

Chercheur à l'Iris, l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris

«On a à faire à des gens qui depuis le 11 mars (attentats de Madrid) font des attentats qui ne sont pas seulement aveugles mais qui s'inscrivent dans une géopolitique avec un planning international.»

Anne Le Nir

Correspondante à Rome

«Ce matin plusieurs Unes des quotidiens italiens, parlent à la fois des attaques contre Londres et aussi d'une Italie à haut risque.»

Raphaël Reynes

Journaliste de RFI

«Des brochures avaient été distribuées dans chaque foyer britannique pour expliquer à la population comment réagir en cas d'attentat.»

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