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G8

Le terrorisme s’invite au sommet

Les attentats de Londres ont boulversé le sommet du G8.(Photo : AFP)
Les attentats de Londres ont boulversé le sommet du G8.
(Photo : AFP)

Jeudi matin, vers 8 heures 30, trois explosions dans le métro londonien et une autre dans un bus circulant au cœur de la capitale ont fait une cinquantaine de morts et plusieurs dizaines de blessés graves (150 selon un premier bilan officiel). En début d’après midi, le Premier ministre, Tony Blair, a quitté le sommet du G8 réuni à Gleneagles, en Ecosse, pour rejoindre Londres. Métro et bus paralysés, taxis introuvables, magasins fermés, le centre ville restait sous le choc de longues heures après des «attentats inhumains qui exigent la réunification de tous les pays dans la lutte contre le terrorisme international», condamnait le président russe Vladimir Poutine. Une «série d’attaques terroristes» planifiées, selon Tony Blair, pour «coïncider avec l’ouverture du G8» qui devait examiner aujourd’hui la question du réchauffement climatique.


Les attentats de Londres ont eu un impact immédiat sur les Bourse des capitales du Nord qui ont ouvert à la baisse jeudi matin. Ils ont aussi éclipsé le dossier climat que les participants du G8 avaient inscrit au menu de la cité écossaise de Gleneagles. Le communiqué final est renvoyé à plus tard et il faudra jusque là se contenter des préliminaires interrompus par le départ précipité de Tony Blair. Avant cela, le Premier ministre britannique avait partagé son petit déjeuner avec le président américain George W. Bush, adversaire résolu du protocole de Kyoto sur les émissions de gaz à effet de serre que les Etats-Unis ont refusé de cosigner avec les autres membres du G8.

A l’issue de cette entrevue matinale, George Bush avait rendu un hommage appuyé aux efforts diplomatiques de l’hôte du G8, affichant, comme une victoire britannique de la cause environnementale, sa propre reconnaissance tardive des effets humains sur le réchauffement climatique. Jusqu’à présent, George Bush refusait en effet d’admettre les responsabilités humaines dans le réchauffement climatique, renvoyant à de futures avancées technologiques le soin de régler la question. En attendant, pas question pour les Américains de céder un pouce de leur standing hautement motorisé, répétait Washington. Sur le fond, la position américaine n’a pas varié. Mais dans la forme, George Bush a donné à Gleneagles une version américaine de la douche écossaise. «Il y a eu des désaccords dans le passé. Mais, grâce au travail effectué par le Premier ministre britannique, il y a un consensus sur le fait que nous devons progresser ensemble», s’est-il félicité. Mais en même temps, George Bush plaide pour une approche «post-Kyoto», autrement dit d’en finir avec ce genre de contraintes. Et en la matière, il sait pouvoir compter sur les réticences des cinq pays émergents invités à Gleneagles (la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et le Mexique).

Bush :«Il est temps maintenant d'aller au-delà du protocole de Kyoto»

George Bush «reconnaît que la surface terrestre est plus chaude et que l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre provoqué par les hommes contribue au problème». Cela ne l’empêche pas de résister au protocole de Kyoto, «une approche qui menace notre économie». Pour conforter le front du refus aux restrictions énergétiques, George Bush a tendu la perche aux cinq pays en voie d’industrialisation plus ou moins rapide que les autres membres du G8 voulaient associer au protocole et surtout à ses prolongements, à l’horizon 2012. «Il est temps maintenant d'aller au-delà du protocole de Kyoto et de développer une stratégie incluant non seulement les Etats-Unis, mais aussi les pays en développement et des pays comme la Grande-Bretagne», déclare George Bush. De son côté, Gordon Brown, le ministre britannique des Finances, avait suggéré à la Banque mondiale de soutenir des projets de passage aux énergies alternatives. Finalement, dans leur déclaration de Gleneagles, les cinq pays du Sud se sont déclaré du bout des lèvres d’accord pour «adopter des politiques et mesures appropriées pour combattre le changement climatique, en tenant compte de leurs conditions spécifiques et avec le soutien des pays développés».

Invité à Gleneagles, le président chinois, Hu Jintao, avait rangé dans son attaché-case une série de mesures concernant les émissions de gaz à effet de serre dans son pays. Mais, à l’instar de ses partenaires du groupe des Cinq, Pékin ne veut pas se lier les mains avec quelque engagement international que ce soit. L’Inde pour sa part ne rate pas une occasion de fustiger les pays du Nord qui lui reprochent l’augmentation exponentielle de ses rejets dans l’atmosphère. Le Premier ministre indien Manmohan Singh est aussi venu à Gleneagles pour défendre la candidature de son pays comme membre permanent au Conseil de sécurité de l’Onu. Mais à propos du réchauffement climatique, il ne manque pas de renvoyer la balle dans le camp industrialisé du Nord qu’il accuse de négliger les exigences du développement du Sud, après avoir fait exploser les compteurs à gaz nocif quand il en avait besoin. A l’instar des Etats-Unis, ces futurs géants économiques sont restés à l’écart du protocole de Kyoto, bien décidés à ne pas se serrer la ceinture énergétique.

Conclu en 1997, le protocole de Kyoto ambitionnait une réduction planétaire de 5,2% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2012. Pour sa part, George Bush «croit fermement que les technologies vont permettre à l'économie mondiale de croître et en même temps d'être plus sages pour protéger l'environnement». Mais il estime que le protocole de Kyoto ne «marche pas» aux Etats-Unis. Washington a donc décidé de se fixer ses propres objectifs en fonction de «critères d'efficacité» et d’un calendrier que George Bush laisse dans le flou. Mais il promet de «réduire [ses] émissions de 18% par rapport à [sa] croissance économique». En la matière, il n’est pas non plus favorable à la recherche d’alternative au pétrole. George Bush partage ce point de vue avec le géant pétrolier américain ExxonMobil qui concède des améliorations écologiques dans ses raffineries pour mieux miser sur le tout pétrole. Une politique qui tranche avec la stratégie de recherche d’énergie renouvelable adoptée par exemple par la multinationale néerlandaise, Shell. Celle-ci voit là un nouveau marché très compétitif, face à la montée des revendications écologiques et des coûts induits par le réchauffement climatique.

Jeudi, les cours du brut ont franchi la barre historique des 61 dollars et menacent de rester définitivement haut-perchés si «le monde ne mène pas une politique d’efficacité énergétique forte», plaide le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Claude Mandil. Il appelle les Etats-Unis à choisir des carburants plus écologiques et la Chine ou l’Inde à fixer des standards élevés pour leur marché automobile en pleine expansion. Economiser le pétrole c’est aussi épargner l’atmosphère terrestre et faire baisser les cours avec la réduction de la demande, explique-t-il. C’est en tout cas une urgence, si l’on en croit les mises en garde saoudiennes évoquées jeudi dans le quotidien britannique Financial Times. Selon ces sources, au rythme de la demande actuelle, d’ici une quinzaine d’années, la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ne suffira pas à satisfaire la demande des économies industrialisées. Le débat n’est pas nouveau, mais il revient à l’heure de Gleneagles.

Croissance et développement, pétrole ou énergie renouvelable, les cinq pays du Sud invités à discuter efficacité énergétique à Gleneagles ont clairement dit qu’il choisirait le moins coûteux. Ce sera donc au Nord de faire un effort supplémentaire s’il attache vraiment du prix au réchauffement planétaire. Le Sud demande «aux dirigeants du G8 et à la communauté internationale de mettre au point des mécanismes innovants pour le transfert de technologie et de fournir de nouvelles ressources financières aux pays en développement dans le cadre de la Convention climat et du protocole de Kyoto».


par Monique  Mas

Article publié le 07/07/2005 Dernière mise à jour le 07/07/2005 à 18:02 TU