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La politique irakienne de Blair au cœur d’une nouvelle polémique

La politique de soutien de Tony Blair à la guerre en Irak se retrouve de nouveau au centre d'une polémique. Selon un rapport, cette politique serait liée aux attentats qui ont récemment ensanglanté Londres.(Photo : AFP)
La politique de soutien de Tony Blair à la guerre en Irak se retrouve de nouveau au centre d'une polémique. Selon un rapport, cette politique serait liée aux attentats qui ont récemment ensanglanté Londres.
(Photo : AFP)
Alors que le Premier ministre britannique pensait que les controverses sur son soutien indéfectible aux Etats-Unis dans la guerre d’Irak étaient désormais de l’histoire ancienne, un rapport du très prestigieux Royal institute of international affairs établit un lien entre la position de Londres et les attentats qui ont récemment ensanglanté la capitale britannique. Et même si Tony Blair et son entourage multiplient les déclarations réfutant une telle thèse, une très large majorité de leurs concitoyens –les deux tiers environ– estiment que les attaques terroristes du 7 juillet sont largement liées à l’engagement britannique dans la guerre qui a conduit à la chute du régime de Saddam Hussein.

Le titre même de l’étude réalisée par deux éminents chercheurs du Royal institute of international affairs –également appelé Chatham House– en dit long sur ce qu’ils estiment être un échec de la politique de Tony Blair dans la lutte contre le terrorisme. «Etre sur le siège du passager pour s’attaquer au terrorisme est une politique hautement risquée» détaille en effet les revers de l’action gouvernementale qui, selon Paul Wilkinson et Frank Gregory –les auteurs du rapport– ont rendu la Grande-Bretagne vulnérable. «Le gouvernement britannique conduit une politique anti-terroriste main dans la main avec les Etats-Unis, non pas en prenant des décisions sur un pied d’égalité avec Washington mais plutôt comme un passager sur le siège arrière, forcé de laisser le volant à son allié sur le siège du conducteur», dénoncent-ils ainsi, non sans ironie.

Les deux chercheurs estiment que le problème principal de Londres tient à la position particulière qu’il occupe aux côtés de son grand allié américain. «Le Royaume-Uni est dans une situation particulièrement risquée parce que c’est l’allié le plus proche des Etats-Unis, qu’il a déployé l’armée dans les campagnes d’Afghanistan et d’Irak» et a donc de fait joué un rôle majeur dans la guerre menée contre la nébuleuse islamiste al-Qaïda. Cette situation, relèvent Paul Wilkinson et Frank Gregory, «a donné un coup d’accélérateur à la propagande, au recrutement et à la collecte de fonds du réseau al-Qaïda» au Royaume-Uni. Ils estiment en outre qu’elle a surtout créé une grave division dans la coalition anti-terroriste –qui s’était constituée autour des Etats-Unis après les attentats du 11 septembre– et «a offert aux terroristes liés à al-Qaïda à la fois une cible et un terrain d’entraînement».

Déplorant le fait que la guerre en Irak ait «détourné des ressources qui auraient pu être employées à soutenir le gouvernement afghan de Hamid Karzaï et à amener Ben Laden devant la justice», les deux chercheurs mettent en lumière la négligence des services secrets britanniques qui jusqu’en 2001 –jusqu’aux attentats du 11 septembre donc– n’ont pas tenu compte de la menace terroriste islamiste. Ils étaient à l’époque préoccupés quasi-exclusivement par la violence liée au conflit  nord-irlandais et par la campagne d’attentats de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), expliquent en effet Paul Wilkinson et Frank Gregory qui accusent ouvertement le Royaume-Uni d’avoir longtemps abrité des extrémistes sur son sol. «Au milieu des années 90, les services de renseignement et la police savaient parfaitement que Londres servaient de plus en plus de base à des individus engagés dans la promotion, le financement et la préparation du terrorisme au Moyen-Orient et ailleurs», ont-ils dénoncé, relevant notamment qu’étant donné que ces individus n’étaient pas considérés comme une menace pour la sécurité nationale, ils ont pu «poursuivre leurs activités avec une relative impunité». 

Indignation du gouvernement

Largement repris par la presse britannique, le rapport de Chatham House a suscité de très vives réactions dans le gouvernement qui réfute tout lien entre les attentats de Londres et la guerre en Irak. «Si c’est l’Irak qui motive les assassins, pourquoi leur idéologie tue-t-elle des Irakiens comme un défi au nouveau gouvernement élu ?», a répliqué le Premier ministre Tony Blair. Son ministre de la Défense, John Reid, a lui aussi fermement contesté l’analyse des deux experts britanniques. «L’idée selon laquelle la brute ne va pas venir s’en prendre à vous si on part en courant quand elle s’approche est une idée complètement fausse, comme le savent tous les gamins dans les cours de récréation», a-t-il ironisé. «C’est aussi une idée réfutée par tous les éléments de preuve historique dont nous disposons», a-t-il ajouté en dressant la liste d’une dizaine de pays, des Etats-Unis à la Turquie, en passant par la Tanzanie ou le Yémen qui ont été frappés par al-Qaïda «soit avant la guerre en Irak, soit alors qu’ils s’y étaient opposés».

Plus virulent encore, le secrétaire au Foreign office, Jack Straw, a pour sa part estimé qu’il fallait «cesser de trouver des excuse au terrorisme». «Les terroristes ont frappé partout dans le monde, dans les pays alliés aux Etats-Unis dans la guerre en Irak et dans des pays qui n’avaient rien  à faire avec la guerre en Irak», a-t-il soutenu, s’étonnant du fait que Chatham House déclare que Londres n’aurait pas dû resserrer les rangs avec son allié de longue date, les Etats-Unis. «Il relève, a conclu Jack Straw, de la responsabilité des personnes dans le monde civilisé de faire face à cette terreur et de ne pas lui fournir d’excuse quelle qu’elle soit».

Ces mises au point du gouvernement de Tony Blair n’ont toutefois pas empêché les détracteurs du Premier ministre britannique d’apporter un large soutien au rapport de Chatham House. Et paradoxalement, les critiques les plus virulentes sont venues du Parti travailliste dont la frange la plus à gauche des militants a saisi l’occasion pour contester une nouvelle fois le bien-fondé de la guerre en Irak. L'ancien ministre du Développement international, Clare Short qui avait démissionné avec fracas 2003,  a ainsi déclaré qu’elle n’avait «pas le moindre doute» quant à la corrélation qui existe, selon elle, entre les attentats du 7 juillet et la guerre en Irak. Le gouvernement peut bien assurer que ces attaques sont la conséquence «d'une malignité haineuse et que tout ce que nous faisons est bien», il n'en demeure pas moins, a-t-elle objecté, «que nous sommes impliqués dans le massacre d'un large nombre de civils en Irak et que nous soutenons, au Moyen-Orient, une politique perçue par les Palestiniens comme étant de deux poids deux mesures. Et tout cela nourrit la colère». Bien que décriée par l’opposition conservatrice qui a apporté un large soutien à Tony Blair, cette analyse est largement partagée par la population. Selon un dernier sondage, près de deux tiers des Britanniques jugent en effet que les attentats commis à Londres sont liés à l’implication militaire de la Grande-Bretagne en Irak.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 19/07/2005 Dernière mise à jour le 19/07/2005 à 17:46 TU