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Royaume-Uni

L’enquête sur les attentats s’internationalise

Scotland Yard a lancé un nouvel appel à témoins après la publication de cette photographie des quatres kamikazes présumés, enregistrée par une caméra de surveillance à la station de Luton.(photo : AFP)
Scotland Yard a lancé un nouvel appel à témoins après la publication de cette photographie des quatres kamikazes présumés, enregistrée par une caméra de surveillance à la station de Luton.
(photo : AFP)
La police britannique cherche de nouveaux indices derrière les visages lisses des quatre jeunes gens, photographiés sacs aux dos, le 7 juillet au matin, par une caméra de vidéosurveillance alors qu’ils se retrouvaient dans la gare de Luton (au nord de Londres), une heure et demie avant les premières explosions. Une voiture abandonnée sur le parking contenait neuf bombes. Elle appartenait à Germaine Lindsay, 19 ans, né en Jamaïque. Certains journaux britanniques croient savoir qu’il figurait sur une liste noire du FBI américain. Les trois autres, Mohammed Sidique Khan (30 ans), Shahzad Tanweer (22 ans) et Hasib Mir Hussain (18 ans) avaient en partage des adresses à Leeds et des voyages au Pakistan d’où sont originaires leurs parents. Un journal israélien, Maariv, implique Khan dans un attentat commis à Tel-Aviv en 2003. Enfin, la police égyptienne interroge toujours un quatrième homme Magdy Elnashar, un étudiant en chimie arrêté vendredi près du Caire et soupçonné d'avoir préparé les bombes.

Dix jours après les attentats de Londres, les quatre poseurs de bombes sont identifiés grâce aux documents personnels retrouvés sur les sites des explosions. Leur portrait de groupe à Luton est diffusé depuis samedi. C'est dans cette gare qu’ils ont pris ensemble le train pour Londres, où d'autres caméras de surveillance les ont filmés un peu plus tard, à 8h30, à la gare de King's Cross, 20 minutes avant l'explosion simultanée de trois bombes en trois endroits différents du métro. La quatrième bombe a explosé une heure plus tard dans l’impériale d’un bus, à Tavistock Square. Samedi, la carcasse du bus a été transportés en lieu sûr. Soigneusement collectés, les débris n’ont peut-être pas fini de parler. Scotland Yard veut encore tirer au clair le processus de mise à feu des explosifs. Elle n’a pas encore la certitude que les poseurs de bombes étaient des kamikazes. Peter Clarke, chef de la branche antiterroriste de Scotland Yard, a lancé un nouvel appel à témoins. Mais déjà, l’inclination terroriste des poseurs de bombes de Leeds paraît s’être forgée au fil de voyages au Pakistan, notamment.

Scotland Yard : «un lien avec le Pakistan et avec d'autres pays»

Turbulent et mauvais élève, selon de nouveaux témoignages, Hasib Hussain aurait été envoyé au Pakistan par ses parents, alors qu’il avait 16 ans, pour se refaire une bonne conduite. Shahzad Tanweer, aurait fréquenté lui-aussi une madrasa, une école coranique, à Lahore, ce que nie le directeur de l’établissement considéré comme lié à Jaish-e-Mohammad (Armée de Mahomet), un mouvement proche d’Al-Qaïda. Toujours selon la presse britannique, à Lahore, Tanweer se serait lié à un certain Osama Nazir, membre de Jaish-e-Mohammad, arrêté en décembre dernier pour un attentat à la bombe commis en 2002 contre une église d'Islamabad qui a fait plusieurs morts. Selon les services de sécurité pakistanais interrogés par l’Agence France Presse, Tanweer et Khan aurait séjourné ensemble à Karachi, au sud du Pakistan, entre novembre 2004 et février 2005. Il existe «un lien avec le Pakistan mais aussi avec d'autres pays», affirme Scotland Yard, sans s’avancer davantage.

La presse britannique affirme aussi qu’un terroriste américano-pakistanais, détenu aux Etats-Unis après avoir reconnu l’organisation d’un camp d’entraînement en Afghanistan, Mohammed Junaid Babar, affirme connaître Mohammed Sidique Khan, que le journal israélien Maariv accuse en outre d’avoir participé à la préparation d’un attentat suicide qui avait fait trois morts dans un bar de Tel-Aviv, le 30 avril 2003Cet attentat impliquait deux autres Britanniques d’origine pakistanaise, l’un mort dans l’attentat, l’autre retrouvé noyé en mer un peu plus tard. En Angleterre, la police poursuit ses perquisitions. Elle s’est déjà rendue à dix adresses différentes dans la région de Leeds ainsi qu’à Aylesbury, au nord-ouest de Londres, où vivait Germaine Lindsay. A Londres, elle a demandé la prolongation jusqu’à mardi de la garde à vue d’un homme de 29 ans arrêté samedi et soupçonné d'avoir commandité, encouragé, voire même préparé des actes de terrorisme.

Les enquêteurs cherchent toujours des commanditaires derrière Mohammed Sidique Khan, accusé de l'attentat du métro Edgware Road qui a fait 7 morts, Shahzad Tanweer, 7 morts aussi au métro Aldgate, Hasib Hussain, 14 morts dans le bus de Tavistock et Germaine Lindsay, 27 morts dans le tunnel entre King's Cross et Russell Square. En Egypte, le ministre égyptien de l'Intérieur, Habib Al-Adly, ne croit pas à l’existence de lien entre Al-Qaïda et Magdy Elnashar, que la presse britannique considère comme «le chimiste» de l’opération. D'après les médias, il aurait quitté Leeds pour Le Caire deux semaines avant les attentas et la police aurait trouvé de grande quantité d’explosifs dans sa maison de location. Pour sa part, Scotland Yard espère pouvoir établir «un lien clair» entre les poseurs de bombes et Al-Qaïda. Des enquêteurs britanniques pourraient faire le déplacement, en Egypte, mais aussi au Pakistan.

Tony Blair: «Il ne s'agit pas d'un choc des civilisations»

Pour sa part, le Premier ministre britannique Tony Blair dénonçait samedi une «idéologie du mal» en connexion avec Al-Qaïda. «Il ne s'agit pas d'un choc des civilisations, toutes les personnes civilisées, qu'elles soient musulmanes ou autres, éprouvent de la révulsion face à cela. C'est une lutte globale, une lutte des idées, des cœurs et des esprits, à la fois au sein de l'islam, et à l'extérieur», a-t-il déclaré, appelant à combattre cette idéologie «de front, tant au niveau de ses symptômes que de ses causes». A Leeds, l’imam Shaykh Abdullah al-Judai a pour sa part appelé les fidèles à «prévenir la témérité des extrémistes, même si cela implique d'informer les autorités». Les attentats ont fait 55 morts et 700 blessés dans toutes les communautés. Mais Londres redoute les amalgames confessionnels susceptibles de les dresser les unes contre les autres.

Tony Blair ne veut surtout pas entendre parler de représailles à la présence britannique en Irak en particulier ou à sa politique étrangère en général. C’est justement sur ce terrain que vient de l’attaquer son ancienne ministre Clare Short, démissionnaire pour cause d’hostilité à l’implication militaire britannique en Irak. «Certains voix qui viennent du gouvernement parlent comme si tout ce que nous faisons était bien», les autres incarnant le mal, «alors qu'en fait, nous sommes impliqués dans le massacre d'un nombre important de civils en Irak et nous soutenons au Moyen-Orient une politique à deux vitesses qui nourrit la colère des Palestiniens» dit-elle en substance. Pour sa part, interrogé par l’hebdomadaire britannique The News of the World, un oncle de Shahzad Tanweer estime que «ces kamikaze sont des gens désespérés, on les prive de leurs droits, ils peuvent voir que leurs frères sont privés de leurs droits, alors il commettent des actions extrêmes». «La Grande-Bretagne et les Etats-Unis disent qu'ils vont défaire le terrorisme. Je dis que le terrorisme peut prendre fin en une seconde si Blair et Bush arrêtent ces injustices», conclut-il. Le débat est ouvert.


par Monique  Mas

Article publié le 17/07/2005 Dernière mise à jour le 17/07/2005 à 17:48 TU