Royaume-Uni
Blair accusé d’avoir mené une guerre illégale en Irak
(Photo : AFP)
Michael Howard ne fait pas dans la dentelle. Le chef de l’opposition conservatrice met depuis quelques jours la pression sur son adversaire, le Premier ministre travailliste Tony Blair qu’il accuse ni plus ni moins d’être un menteur coupable d’avoir engagé une intervention militaire en Irak alors que des doutes existaient sur la légalité de la participation de la Grande-Bretagne à une telle opération sans une résolution spécifique du Conseil de sécurité de l’ONU.
Tout est parti des révélations diffusées, le 25 mai, sur la chaîne Channel Four concernant un avis rendu au gouvernement par l’attorney général, Lord Goldsmith, le 7 mars 2003, dans lequel des réserves importantes étaient émises concernant l’entrée de la Grande-Bretagne dans une guerre contre le régime irakien de Saddam Hussein. Ce document n’avait jamais été rendu public, contrairement au deuxième avis remis dix jours plus tard par le même Lord Goldsmith, dans lequel il estimait finalement que la guerre était légale. Et c’est grâce à des fuites que la chaîne de télévision a mis ces différences en valeur.
«S’il peut mentir pour nous emmener en guerre, il peut mentir pour gagner une élection»
Cette affaire a immédiatement été reprise par les adversaires politiques de Tony Blair. Michael Howard a ainsi estimé que les «mises en garde et les réserves» avaient été gommées. Il a donc interpellé le gouvernement pour qu’il explique ce changement subit en déclarant : «Il est maintenant clair que l’avis a bien été amendé et il faut que l’on nous dise par quoi ou par qui il a été modifié».
Ces attaques visent à tenter de dévaloriser le Premier ministre aux yeux de l’opinion à quelques jours du scrutin législatif du 5 mai. Il est vrai que la crédibilité de Tony Blair sur le sujet de la guerre en Irak est déjà très faible. Un sondage a montré que le nombre de Britanniques à penser que le chef du gouvernement a été honnête concernant sa gestion de la crise irakienne est passé de 51 % en 2001, à 26 % actuellement. Ils sont, d’autre part, 63 % à désapprouver son action dans ce domaine. Malgré la sévérité du jugement des Britanniques sur la question de la guerre en Irak, ce sujet ne représente pas un enjeu majeur dans leur esprit. Trois pour cent seulement d’entre eux affirment, en effet, que l’Irak sera un facteur déterminant dans le scrutin.
C’est la raison pour laquelle les conservateurs, qui de toute manière étaient eux aussi favorables à l’intervention en Irak, ont surtout essayé d’utiliser ces révélations pour attaquer personnellement Tony Blair et mettre en valeur son image de menteur et de manipulateur. Une de leurs affiches de campagne diffuse d’ailleurs un message particulièrement accusateur : «S’il [Tony Blair] peut mentir pour nous emmener en guerre, il peut mentir pour gagner une élection».
«Je n’ai pas menti sur l’Irak»
Face à ces attaques, le Premier ministre a d’abord démenti et expliqué son point de vue. Il a déclaré dans un entretien télévisé sur la chaîne Sky News: «Je n’ai pas menti sur l’Irak… J’ai pris la décision (d’aller en guerre) sur la base de preuves que j’avais, je l’ai prise honnêtement, en croyant que c’était la bonne chose à faire pour le pays». Il a aussi tenté de recentrer le débat électoral sur les questions qui préoccupent au premier chef les Britanniques en affirmant : «Je vais continuer de parler des sujets qui comptent pour les familles travaillant dur de ce pays : l’économie, la santé, nos écoles, la sécurité».
Cette intervention, tout comme les dénégations répétées de son ministre des Affaires étrangères Jack Straw, n’ont pas suffi à calmer les esprits. Le gouvernement a donc été contraint de rendre public le premier avis rendu par Lord Goldsmith. Il n’est pas sûr que cela permette de couper court aux attaques. Car le texte remet, par exemple, clairement en cause l’une des justifications invoquées par Tony Blair pour décider l’intervention militaire sans nouvelle résolution du Conseil de sécurité. Le chef du gouvernement avait estimé que le veto posé par la France était «déraisonnable» et que cette situation représentait une bonne raison de passer outre. Lord Goldsmith avait, par contre, affirmé sur ce point: «Je ne crois pas qu’il y ait de base légale pour prétendre que le pouvoir de veto conféré aux membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU implique qu’il soit utilisé de façon ‘raisonnable’». Et il ajoute : «Il n’y a aucune raison d’argumenter qu’un veto déraisonnable nous donnerait le droit d’aller de l’avant».
L’attorney général ne remet pas pour autant explicitement en cause, dans son premier avis, la légalité d’une intervention en Irak mais stipule que «le plus sûr, du point de vue légal, serait d’obtenir l’adoption d’une nouvelle résolution autorisant le recours à la force». Une nuance sur laquelle insistent les membres du gouvernement qui estiment que Lord Goldsmith n’a jamais affirmé qu’une guerre sans résolution était illégale.
Alors que l’on entame la dernière semaine avant les législatives, tous les coups semblent donc permis pour gagner des points. Le premier effet de cette polémique identifié par les sondages semble avoir été de dynamiser les électeurs potentiels des conservateurs : 80 % d’entre eux se disent désormais sûrs d’aller voter, contre 64 % chez les travaillistes. Reste à savoir si cela jouera un rôle sur le résultat final en inversant la tendance qui donne, pour le moment, une nette avance au parti de Tony Blair.par Valérie Gas
Article publié le 28/04/2005 Dernière mise à jour le 28/04/2005 à 17:25 TU