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Liban

La politique à couteaux tirés

Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah (à g.) et le Premier ministre libanais, Fouad Siniora. 

		(Photo: AFP)
Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah (à g.) et le Premier ministre libanais, Fouad Siniora.
(Photo: AFP)
Rien ne va plus entre le Hezbollah et la coalition pro-occidentale du 14 mars. Le canon s’est tu depuis bientôt un mois, mais les tensions politiques montent dangereusement.

De notre correspondant à Beyrouth

La fin de l’offensive israélienne dévastatrice de 33 jours n’a pas ramené le calme et la quiétude au Liban. La coalition pro-occidentale du 14 mars, qui reproche au Hezbollah d’avoir entraîné le pays dans une «aventure mal calculée (…) pour servir les intérêts de la Syrie et de la l’Iran», veut obtenir le désarmement du parti islamiste. Ce dernier accuse ses détracteurs de chercher à atteindre «les mêmes objectifs qu’Israël» et les soupçonne de vouloir «placer le Liban sous tutelle internationale».

La coalition du 14 mars, qui regroupe notamment l’ancien chef de guerre chrétien Samir Geagea et le sunnite Saad Hariri, fils de l’ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri, est conduite par le chef druze Walid Joumblatt. La guerre à peine terminée, ce mouvement proche de la France et des Etats-Unis a décidé de mettre la pression sur le Hezbollah qu’il pense affaibli et isolé. Les principales figures de la coalition ont multiplié les déclarations demandant au Hezbollah de rendre les armes avant le règlement du problème des fermes de Chebaa occupées par Israël et revendiquées par le Liban, et la libération des détenus libanais dans les prisons israéliennes.

Jeudi dernier, la coalition a organisé des assises élargies à l’issue desquelles elle a publié un communiqué particulièrement sévère. Le texte demande au Hezbollah d’intégrer le projet d’édification d’un Etat au Liban, l’exhorte à rendre les armes et à «ne plus inscrire son action dans le cadre de la stratégie de l’axe syro-iranien». En réponse au Hezbollah qui appelle à la formation d’un gouvernement d’entente nationale pour y intégrer son allié, l’ancien chef du gouvernement Michel Aoun, le «14 mars» réclame la démission du président de la République Emile Lahoud, un inconditionnel du parti islamiste.

Le Hezbollah contre-attaque

Après deux jours de silence, le Hezbollah publie à son tour un communiqué d’une extrême sévérité. Il accuse la coalition du 14 mars d’être manipulée par les ambassadeurs (occidentaux) et estime que les demandes répétées pour son désarmement répondent «aux exigences du maître américain». Puis lundi soir, devant des milliers de partisans rassemblés sur les décombres d'immeubles détruits dans le fief du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth, un député du parti a exigé, avec une violence sans précédent, le départ du cabinet. «Ce gouvernement doit partir car il est soutenu par une majorité illusoire qui a usurpé le pouvoir», a lancé Ali Ammar, devant la foule qui scandait «Gouvernement, démission!».

Connu pour son franc-parler, Ali Ammar a accusé pour la première fois le 14 mars de faire le jeu d'Israël et d'«avoir planifié l'assassinat de la Résistance [Hezbollah] en collaboration avec l'Américain et l'Israélien». Mardi soir, c’est le chef du Hezbollah en personne qui est monté au créneau. Hassan Nasrallah, a violemment critiqué le gouvernement après la visite du Premier ministre britannique Tony Blair lundi à Beyrouth. «La première erreur commise par le Premier ministre (Fouad Siniora) et les forces politiques qui lui sont favorables, est qu'ils se sont comportés d'une manière immorale et inhumaine à l'égard des gens qui ont été tués, blessés, détruits et déplacés» durant la guerre, a déclaré cheikh Nasrallah à la télévision satellitaire qatarie Al-Jazira. Selon lui, il y a une tentative délibérée d'«humilier, de nuire, de poignarder et de provoquer» le Hezbollah et sa base populaire. «Si Tony Blair a été invité pour visiter le Liban, ce serait un désastre national. S'il a demandé à venir et sa requête a été acceptée, cela constituerait une humiliation nationale et un comportement irresponsable», a-t-il poursuivi.

La Finul sous haute surveillance

La veille, des milliers de personnes avaient manifesté contre la visite de M. Blair qui n'avait pas soutenu un appel immédiat à un cessez-le-feu au Liban pendant la guerre qui a fait 1 300 morts civils et 4 000 blessés. Entre-temps, d’autres responsables du Hezbollah ont mis en garde la Finul de dévier de sa tâche initiale qui est de «protéger le Liban», contre d’éventuelles attaques israéliennes. «Nous observons attentivement la Finul et ses activités pour nous assurer qu’elle se confinera à sa mission prévue initialement», a déclaré cheikh Nabil Kaouk, le responsable du parti pour le Liban-Sud.

Le 12 septembre 2006 : débarquement sur le port de Beyrouth des chars Leclerc affectés à la Finul. 

		(Photo : Manu Pochez/RFI)
Le 12 septembre 2006 : débarquement sur le port de Beyrouth des chars Leclerc affectés à la Finul.
(Photo : Manu Pochez/RFI)

Les propos de cheikh Kaouk interviennent alors que la force internationale poursuit son déploiement au Liban. Mardi, 13 chars Leclerc, des canons d'artillerie AUF-1 (155 millimètres), deux camions radars Cobra high-tech, de nombreux véhicules blindés et camions de transport et des dizaines de soldats français portant les casques bleus de l'Onu ont été débarqués au port de Beyrouth sous les caméras de télévision. De son côté, un contingent italien d'un millier d'hommes, déjà opérationnel au Liban sud, a commencé formellement mardi à patrouiller dans un secteur côtier de 275km², situé entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, soit une trentaine de kilomètres de long.

Même si les dissensions interlibanaises peuvent paraître à caractère communautaire, elles sont en réalité politiques. Le 14 mars compte dans ses rangs des forces et des personnalités de toutes les communautés, même si les sunnites et les druzes en constituent la colonne vertébrale. Le Hezbollah chiite n’est pas seul non plus. Il a à ses côtés deux des chefs chrétiens les plus représentatifs du pays, le général Michel Aoun et le leader maronite du Liban nord Sleimane Frangié, ainsi qu’un émir druze, Talal Arslan, et des forces sunnites non négligeables. Ces deux camps défendent des projets politiques qui paraissent irréconciliables. Ce qui laisse craindre le pire pour l’avenir.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 13/09/2006 Dernière mise à jour le 13/09/2006 à 08:04 TU

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