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Pays-Bas

Le pays qui rêve de bannir certains citoyens

Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration. 

		(Photo : AFP)
Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration.
(Photo : AFP)
Au Pays-Bas, un projet de loi vise à expulser les jeunes originaires des Antilles néerlandaises et d’Aruba, s’ils ont un casier judiciaire ou se trouvent au chômage. Seul problème : ces îles des Caraïbes font partie du royaume batave, et les jeunes concernés sont des citoyens néerlandais.

De notre correspondante aux Pays-Bas

Rita Verdonk, la ministre néerlandaise de l’Intégration, veut donner un ultime tour de vis. A deux mois des prochaines élections législatives, fixées au 22 novembre, la ministre veut faire adopter un projet de loi controversé. Son objectif : expulser des Pays-Bas, dans les trois mois qui suivraient l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, tous les Antillais de 18 à 24 ans ayant un casier judiciaire, ne suivant pas d’études ou n’ayant pas de travail.

Pour expliquer cette mesure, Rita Verdonk met deux chiffres en parallèle. Sur les 4 500 «immigrants» Antillais recensés en 2003, 62% avaient moins de 25 ans et 42% étaient au chômage. Par ailleurs, 13% des jeunes Antillais résidant aux Pays-Bas sont connus des services de police (contre 4% des Néerlandais de souche et 18% des jeunes d’origine marocaine).

«Les Pays-Bas ne sont pas une vache à lait pour ceux qui ne sont pas capable de s’en tirer ailleurs», affirme Rita Verdonk, faisant allusion au fait que les personnes originaires d’Aruba et des cinq îles des Antilles néerlandaises (Saint-Eustache, Saint-Martin, Curacao, Bonaire et Saba) bénéficient des aides sociales. La communauté antillaise compte 130 000 personnes en métropole, sur une population totale de 16 millions de personnes. Elle est durement touchée par le chômage (18% de ses actifs, contre 5% chez les autochtones et 20% chez les Marocains).

«Ils pensent que des scooters et des téléphones portables les attendent à la descente de l’avion»

«La nouvelle loi vise des jeunes qui pensent que des scooters et des téléphones portables les attendent à la descente de l’avion», argumente Rita Verdonk. Quoi qu’il en soit, son projet a du mal à passer. Selon le Conseil d’Etat néerlandais, elle instaure une discrimination entre des nationaux en fonction de leurs origines. Elle va aussi à l’encontre de la Convention européenne sur les droits de l’Homme. Dans un avis donné le 8 septembre, le Conseil d’Etat estime que les expulsions de jeunes Antillais ne serviraient à rien, dans la mesure où aucune loi ne pourrait ensuite les empêcher de revenir. Une loi internationale non écrite veut en effet qu’aucun pays ne refuse à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire.

Etienne Ys, le Premier ministre des Antilles néerlandaises, a qualifié ce projet de «restriction à la liberté de mouvement» de citoyens néerlandais. L’opposition travailliste, elle, a reproché une mesure «coloniale» à l’actuel gouvernement de centre-droit. De leur côté, les 21 municipalités des Pays-Bas comptant le plus grand nombre d’Antillais se sont prononcées en mars dernier en faveur des expulsions. Seules trois villes, Amsterdam, Groningue et Dordrecht s’y sont opposées.

Les Antillais sont considérés comme des étrangers

«Nous pensions être des Néerlandais comme les autres, a protesté Roy Pieters, un représentant de l’organe consultatif des Antillais résidant aux Pays-Bas, apparemment, tel n’est pas le cas ». Selon une étude menée en 2005 par le bureau d’études Intelligence Group, les Antillais figurent parmi les communautés qui se sentent de moins en moins néerlandaises, un paradoxe, dans la mesure où il s’agit de nationaux. Systématiquement classés parmi les «allochtones non-occidentaux», les Néerlandais d’origine antillaise sont considérés par les statistiques officielles et l’administration comme une communauté immigrée, au même titre que les ressortissants du Surinam, du Maroc ou de Turquie.

Rita Verdonk écoutera-t-elle le Conseil d’Etat ? Elle a déjà annoncé qu’elle pourrait imposer la mesure de manière «unilatérale». Consultatifs, les avis rendus par le Conseil d’Etat sont en principe suivis d’effet. Au moment d’imposer un examen obligatoire de langue et de culture néerlandaises à tous les «allochtones non occidentaux» résidant aux Pays-Bas depuis 1975, Rita Verdonk s’est déjà heurtée à un avis contraire. Sa loi menaçait de violer la Constitution, impliquant un traitement inégal entre des citoyens néerlandais – les «allochtones non-occidentaux» naturalisés et les autres. Du coup, ont été exemptés d’examen tous les étrangers naturalisés.

par Sabine  Cessou

Article publié le 18/09/2006 Dernière mise à jour le 18/09/2006 à 11:53 TU