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Pays-Bas

Immigration : sélection par la langue et l’argent

Les détails de la vie quotidienne néerlandaise ne doivent pas être ignorés des candidats à l’immigration si ils veulent obtenir leur visa. 

		(Photo : AFP)
Les détails de la vie quotidienne néerlandaise ne doivent pas être ignorés des candidats à l’immigration si ils veulent obtenir leur visa.
(Photo : AFP)
Dans les consulats néerlandais, les visas de longue durée ne sont plus accordés qu’après la réussite à des tests payants de langue et de culture néerlandaises. Une première à l’échelle de l’Europe. Vivement contestée, une loi adoptée le 10 juillet étend la mesure à tous les étrangers non occidentaux résidant aux Pays-Bas depuis 1975.

De notre correspondante aux Pays-Bas

«Qu’est-ce qui caractérise la circulation aux Pays-Bas ?» Aux immigrés de longue date, les embouteillages viennent aussitôt à l’esprit. Mais la bonne réponse est : fiets, «bicyclette» en néerlandais. Une centaine de questions-pièges du même type sont ainsi posées depuis le 15 mars aux candidats à l’immigration aux Pays-Bas, dans leur pays d’origine. C’est une première : de la réussite à cet examen payant, 350 euros, dépend désormais l’octroi d’un visa de plus de trois mois aux citoyens du «monde non occidental». Sont exemptés de ce «test d’intégration civique de base» les ressortissants de l’Union européenne (UE) et de dix autres pays (*), de même que les nationaux de l’ancienne colonie néerlandaise du Surinam ayant fait leur école primaire en néerlandais, les immigrés hautement qualifiés (pouvant justifier d’un salaire supérieur à 4 500 euros mensuels), sans oublier les filles au pair et les étudiants étrangers.

A partir du 1er janvier 2007, le même examen sera obligatoire pour tous les étrangers installés aux Pays-Bas après 1975 (date de l’indépendance du Surinam). La nouvelle loi, adoptée le 10 juillet, lie le renouvellement de leur permis de séjour à l’obtention du test – là encore payant. Quelque 240 000 personnes sont concernées par la mesure, qui en visait initialement 375 000, en incluant les étrangers non occidentaux naturalisés. Le Parlement a renoncé à cette disposition, jugée «discriminatoire» par le Conseil d’Etat. Les mêmes critiques ont été faites par des associations d’immigrés, qui ont réuni 20 000 signatures contre la nouvelle loi. «Nous ne sommes pas contre l’intégration, a affirmé Mustafa Ayranci, de l’Association des travailleurs turcs aux Pays-Bas (HTIB), mais contre son caractère obligatoire».

«Les Pays-Bas coupés du monde»

Comme dans les consulats, le test d’intégration se déroulera en deux parties de quinze minutes chacune, l’une sur la culture, l’autre sur la langue. Les candidats répondront par téléphone à des questions posées par un ordinateur. La préparation nécessite 300 heures de travail au minimum, selon les autorités, outre l’achat d’un coffret à 63,90 euros, en vente dans les librairies néerlandaises et sur internet. Le paquet comprend un livret, un film de présentation du pays traduit en quatorze langues et un CD de questions-réponses en néerlandais. En cas d’échec, les tests ne sont pas remboursés. L’examen pourra être passé autant de fois que nécessaire, invariablement facturé le même montant.

«Voilà les Pays-Bas coupés du monde», déplore Paul Streumer, président d’une Fondation des partenaires étrangers (SBP) basée à Houten. Tous les non Occidentaux désirant vivre ou se marier avec des Néerlandais doivent se soumettre au test, de même que les candidats au regroupement familial. «Le contenu de l’examen est controversé, proteste Paul Streumer, et les possibilités d’apprendre le néerlandais à l’étranger sont souvent inexistantes».

«Le Néerlandais n’est pas patient»

Des associations d’immigrés ont par ailleurs critiqué les images «choc» du film de présentation du pays. Aussi des plans de seins nus à la plage et d’hommes en train de s’embrasser ont-ils été coupés dans une version expurgée du film. Quant au ton général du documentaire, il oscille entre pédagogie et franche dissuasion. Dès l’introduction, le message est donné. «Il faisait terriblement froid et je n’avais pas de manteau», témoigne une femme noire. «J’ai tout trouvé incroyablement propre et beau, poursuit une brune, mais aussi impersonnel et sans âme». Un homme, un Européen, affirme lui «qu’en tant qu’étranger, il faut savoir que le Néerlandais n’est pas patient».

A ses détracteurs, la ministre de l’Intégration Rita Verdonk a répliqué que le film donne un reflet «honnête» des Pays-Bas. En réaction à sa politique, un Parti des allochtones néerlandais (PAN) a tout de même été lancé le 22 mars par des Néerlandais de souche, qui proposent de faire passer des tests d’intégration à tous leurs compatriotes.

par Sabine  Cessou

Article publié le 20/07/2006Dernière mise à jour le 20/07/2006 à TU

(*) Australie, Etats-Unis, Islande, Japon, Liechtenstein, Monaco, Norvège, Nouvelle-Zélande, Suisse et Vatican.