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Pays-Bas

«L’affaire Ayaan Hirsi Ali» dynamite la coalition

Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration. 

		(Photo : AFP)
Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration.
(Photo : AFP)
Un an avant l’échéance législative, Jan Peter Balkenende, le Premier ministre néerlandais, a jeté l’éponge. Son gouvernement a démissionné le 29 juin, après le retrait du petit parti centriste D66 de la coalition de centre-droit au pouvoir en raison de la gestion extrêmement controversée de Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration. De nouvelles élections législatives devraient se tenir dans les trois mois.

De notre correspondante aux Pays-Bas

La chute du gouvernement de Jan Peter Balkenende, hier soir, est un ultime rebondissement de l’affaire Ayaan Hirsi Ali. Après la diffusion, le 13 mai, d’un documentaire sur sa vie, cette députée d’origine somalienne a été accusée d’avoir menti sur son identité pour obtenir l’asile politique, à son arrivée aux Pays-Bas en 1992. A la stupeur générale elle s’est vue retirer sa nationalité, trois jours plus tard, par sa camarade du Parti pour le peuple et la liberté (VVD, conservateur), Rita Verdonk, ministre de l’Intégration.

Dans la tourmente politique qui a suivi, une partie de la classe politique, VVD compris, a reproché à Rita Verdonk, alors lancée dans la course à la présidence de son parti, de chercher à tirer un profit du dossier Ayaan Hirsi Ali. En prétendant devant le Parlement n’avoir jamais rien su des « mensonges » de la jeune femme, Rita Verdonk s’est mise dans une mauvaise posture. Ayaan Hirsi Ali a en effet informé en 2003 la direction du VVD de ses fausses déclarations, dont elle a ouvertement parlé à la presse à partir de 2004.

Après la démission d’Ayaan Hirsi Ali de son mandat de députée, le 16 mai, le Parlement a exigé de Rita Verdonk qu’elle lui laisse son passeport néerlandais. Un mois plus tard, c’est chose faite. Rita Verdonk a remis le 27 juin une lettre au Parlement, dans laquelle elle a expliqué comment et pourquoi Ayaan Hirsi Ali pouvait conserver sa nationalité : la loi somalienne permet en effet d’utiliser le nom de son grand-père, comme Ayaan Megan (de son vrai nom) l’a fait en arrivant aux Pays-Bas.

Seulement, un document joint à la lettre de Rita Verdonk au Parlement provoque de nouveaux remous. Signé par Ayaan Hirsi Ali, ce texte endosse toute la responsabilité de l’affaire. Depuis Washington, où elle travaille pour un centre de recherches conservateur, Ayaan Hirsi Ali explique à la presse qu’elle a signé le document à contrecoeur, évoquant un « compromis politique » pour conserver son passeport…

Accusée d’avoir terni l’image du pays

Nouvelle levée de boucliers au parlement : une motion de censure contre Rita Verdonk, présentée le 28 juin au soir, ne trouve pas de majorité (64 voix pour, 79 contre). « Pas de conséquences pour le gouvernement », affirme donc le Premier ministre, le 29 juin à la mi-journée. Mais pour le D66, la « déclaration forcée » d’Ayaan Hirsi Ali est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le petit parti centriste, qui compte 6 sièges au Parlement et se rapproche depuis trois mois des travaillistes du Parti pour le progrès et le travail (PVDA, opposition), donné gagnant lors des prochaines législatives, soutient la motion de censure contre Rita Verdonk. Il exige la démission de la ministre et met son retrait de la coalition au pouvoir dans la balance.

Après bien des discussions, le 29 juin au soir, les deux ministres du D66 présents au sein du gouvernement démissionnent. Du coup, Jan Peter Balkenende annonce la démission de son gouvernement. Après la dissolution du Parlement, des élections législatives doivent être organisées dans les trois mois.

Rita Verdonk, accusée par une partie de l’opinion et de la classe politique néerlandaises d’avoir terni l’image du pays à l’étranger, fait les frais de son extrême fermeté. Surnommée « Rita de fer », la ministre a ordonné, entre autres, l’expulsion de 26 000 réfugiés déboutés du droit d’asile et tout fait pour freiner l’immigration. Les Pays-Bas, jadis réputés pour leur ouverture et leur tolérance, sont le seul pays d’Europe où l’émigration est plus importante que l’immigration.

Son manque de vision politique et sa mauvaise foi dans l’affaire Ayaan Hirsi Ali n’ont pas seulement mis un terme à la carrière politique de Rita Verdonk. A 51 ans, cette ancienne directrice de prison a été évincée, fin mai, du leadership de son parti, plusieurs députés du VVD ayant appelé à voter contre elle. Sa détermination farouche a aussi mis fin au gouvernement qui avait permis son ascension politique.

par Sabine  Cessou

Article publié le 30/06/2006Dernière mise à jour le 30/06/2006 à TU