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Pays-Bas

«Sainte Ayaan» sacrifiée

Ayaan Hirsi Ali a annoncé qu'elle allait quitter les Pays-Bas.(Photo : AFP)
Ayaan Hirsi Ali a annoncé qu'elle allait quitter les Pays-Bas.
(Photo : AFP)
Ayaan Hirsi Ali a démissionné de son mandat de député, en raison du tollé provoqué par « Sainte Ayaan », un documentaire sur sa vie diffusé le 11 mai par la télévision nationale. Menacée de se voir retirer sa nationalité néerlandaise par Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration, la députée conservatrice va quitter le pays « triste mais soulagée ».

De notre correspondante aux Pays-Bas

Ayaan Hirsi Ali aurait-elle été sacrifiée sur l’autel des ambitions politiques de Rita Verdonk ? C’est la question que se posent les Pays-Bas, après l’annonce du retrait de sa citoyenneté faite le 15 mai à Ayaan Hirsi Ali par la ministre de l’Intégration. Depuis la diffusion de « Sainte Ayaan », le 11 mai, un documentaire de la télévision nationale sur la vie de cette jeune femme d’origine somalienne, le pays et sa classe politique sont divisés. D’un côté, Ayaan Hirsi Ali, accusée d’avoir menti sur son nom, sa date de naissance et son statut exact pour obtenir l’asile aux Pays-Bas, en 1992. De l’autre, Rita Verdonk, surnommée « Rita de fer » en raison de son extrême fermeté en matière d’immigration, en pleine conquête de la présidence du Parti de la démocratie et de la liberté (VVD, conservateur). La ministre avait d’abord assuré, le 12 mai, que Ayaan Hirsi Ali, députée du VVD, n’avait « rien à craindre ». Face au tollé suscité par ses mensonges, elle lui a fait savoir trois jours plus tard qu’elle « pourrait ne jamais avoir été naturalisée », lui laissant six semaines pour répondre.

Cette annonce a précipité la chute d’Ayaan Hirsi Ali, 36 ans, partie de rien pour être élue députée en 1998, réélue en 2003, puis s’imposer comme une championne internationale de l’émancipation des femmes musulmanes. Rita Verdonk a la loi de son côté. Depuis 2003, les étrangers naturalisés sur la base de fausses déclarations, même mineures, peuvent en effet se voir retirer leur citoyenneté. Seulement, la rapidité et la rigueur de la réaction de Rita Verdonk ont provoqué un tollé plus fort encore que les mensonges reprochés à Ayaan Hirsi Ali. En quelques heures, le vent a tourné : créditée de 52 % d’opinions négatives par l’institut de sondage Maurice de Hond, le 15 mai, Ayaan Hirsi Ali n’avait plus que 42 % de Néerlandais contre elle le 16 mai, après sa démission et une conférence de presse où elle est apparue éprouvée.

« L’opportunisme scandaleux »

Jan Peter Balkenende, le Premier ministre, s’est déclaré « surpris » par la décision de Rita Verdonk, tandis que Gerrit Zalm, le ministre des Finances, s’est dit « abasourdi ». Au sein du groupe parlementaire du VVD, un vent de révolte a soufflé. « Dégoûtée » par la réaction de Rita Verdonk, la députée conservatrice Jeanine Hennis-Plasschaert a accusé la ministre de faire des Pays-Bas un « sujet de risée » à l’étranger. Le député indépendant Geert Wilders, menacé de mort comme Ayaan Hirsi Ali pour ses prises de position contre l’islam, a dénoncé « l’opportunisme scandaleux » de Rita Verdonk dans cette affaire. Quant à Femke Halsema, présidente de Groenlinks, le parti écologiste, elle a obtenu hier un débat d’urgence au Parlement, au cours duquel Rita Verdonk a affirmé ne pas pouvoir « agir autrement ».

Partie en croisade contre l’islam après les attentats du 11-Septembre, critique virulente du modèle d’intégration multiculturel, vivant sous étroite protection policière depuis le meurtre de son ami Theo van Gogh, Ayaan Hirsi quitte aussi le pays en raison d’un jugement rendu le 27 avril, qui lui donne quatre mois pour quitter l’immeuble où elle réside à La Haye. Ses voisins, en effet, se sont plaints de la menace qu’elle représente pour leur sécurité. « Vivre avec autant de menaces de mort et un tel niveau de protection policière est difficile, a-t-elle déclaré hier. Faire son travail de parlementaire si vous n’avez aucun endroit où vivre est difficile. Tout cela est difficile, mais pas impossible. C’est devenu impossible depuis hier soir, lorsque la ministre Verdonk m’a informée qu’elle me retirerait ma citoyenneté néerlandaise ».

Ayaan Hirsi Ali a rappelé avoir maintes fois reconnu elle-même, depuis 2002, les mensonges sur lesquels le documentaire « Sainte Ayaan » est revenu. Rita Verdonk, elle, soutient n’en avoir jamais rien su. L’ex-députée néerlandaise, qui projette de vivre aux Etats-Unis, fera appel si les autorités néerlandaises lui demandent de rendre son passeport.


par Sabine  Cessou

Article publié le 17/05/2006 Dernière mise à jour le 17/05/2006 à 08:50 TU

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Mohamed Rabbae

Ancien député néerlandais Vert, président de l'ONG Care

«Ayaan Hirsi Ali a divisé le pays en deux blocs : le premier cherche le dialogue dans un esprit critique et l’autre qui cherche la confrontation.»

[17/05/2006]

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