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Russie

La diaspora géorgienne paie les pots cassés

Plusieurs manifestations de soutien à la population géorgienne ont été organisées ces derniers jours. Sur une des pancartes on peut lire : «<em>Discrimination des nationalités. Non à une hystérie chauviniste</em>». 

		(Photo : Virginie Pironon/RFI)
Plusieurs manifestations de soutien à la population géorgienne ont été organisées ces derniers jours. Sur une des pancartes on peut lire : «Discrimination des nationalités. Non à une hystérie chauviniste».
(Photo : Virginie Pironon/RFI)

Depuis la fin du mois de septembre, la Russie et la Géorgie connaissent une de leur plus grave crise diplomatique. Tout s’est accéléré avec l’arrestation par Tbilissi de quatre militaires russes, soupconnés d’avoir espionné les activités de l’OTAN sur le sol géorgien. Même si ces quatre militaires ont depuis été rapatriés à Moscou, la Russie maintient toute une série de sanctions envers son voisin. Elle a retiré son personnel diplomatique de Géorgie et rompu toutes ses liaisons, terrestres, aériennes et postales avec Tbilissi. En Russie même, la diaspora géorgienne fait les frais de cette crise diplomatique.


De notre correspondante à Moscou

«Même si je ne me suis jamais vraiment senti intégré, quand j’ai obtenu la nationalité russe il y a huit ans, j’en étais très fier. Aujourd’hui, j’ai plutôt un peu honte.» A 19 ans, Niko Mania, étudiant en troisième année de droit a Moscou, fait partie des milliers de Géorgiens installés en Russie, et qui ces derniers jours, subissent, impuissants, ce que les organisations des droits de l’homme dénoncent comme une «campagne de persécution». Suite à l’arrestation de quatre officiers russes soupçonnés d’espionnage en territoire géorgien, Moscou a pris une série de sanctions contre Tbilissi. Et la diaspora géorgienne de Russie, estimée à 800 000 personnes, est la première victime de cette crise diplomatique.

Des finances passées au peigne fin

Sous couvert de lutter contre l’immigration illégale et le crime organisé, la police a entamé une série de descentes et de contrôles dans la capitale russe.Vendredi dernier, environ 150 Géorgiens en situation irréguliere ont même été rapatriés vers Tbilissi. Dans les rues de Moscou, sur les marchés, les contrôles visant les personnes à la peau basanée, pour la plupart originaire du Caucase, se font de plus en plus pressants. «Je connais des gens, affirme Niko Mania, qui se sont fait déchirer leurs papiers en public !» Pour lui, la situation est devenue ubuesque : «Même les Georgiens célèbres qui ont la nationalité russe, et qui en quelque sorte participent à la grandeur de ce pays, n’ont aucun droit. On assiste a un vrai nettoyage.» L’écrivain Boris Akounine et le sculpteur Zourab Tsereteli, deux célèbres Russes d’origine géorgienne, voient en effet en ce moment leurs finances passées au peigne fin... Dans les rues de la capitale russe, il est désormais difficile de trouver un restaurant géorgien ouvert. Même le plus réputé d’entre eux, le Tiflis, (Tbilissi en russe), avec ses jolis balcons de bois, a été touché par des sanctions administratives. Sur la porte, un écriteau : «momentanément fermé».

« Les Géorgiens ne sont pas protégés »

Ces derniers jours, les rues de la capitale russe ont été le théâtre de nombreuses manifestations, tant de la part des détracteurs du président Saakachvili que de ceux qui les soutiennent. Une pancarte à la main répertoriant les noms de grands intellectuels d’origine géorgienne vivant ou ayant vécu en Russie, comme le barde Boulat Okoudjava, Andreï Naliotov du Comité anti-guerre a manifesté son soutien ce week-end envers la population géorgienne au cours d’un rassemblement. «Quand les gens d’ une certaine nationalité sont considérés comme des criminels et qu’on peut faire d’eux ce qu’ont veut, ils ne sont pas entièrement protégés. Vendredi, nous nous sommes approchés de l’ambassade de Géorgie en signe de solidarité avec le peuple géorgien. La police nous a arrêtés. Dans notre cellule, la police a emmené deux personnes. De toute évidence, ils ressemblaient à des Caucasiens. C’étaient des Armeniens nés en Géorgie. Et juste pour ça, on les a arrêtés ! » La veille, devant l’ambassade de Géorgie, une poignée de communistes étaient venus manifester leur hostilité à l’égard de la politique du président Saakachvili. Pour Sergueï Nikitine, député à la Douma de Moscou, les Géorgiens ne peuvent s’en prendre aujourd’hui qu’à eux-mêmes : «la population géorgienne a elle-même choisi ce pouvoir, et c’est donc elle qui est responsable des dirigeants qu’elle a élu et de ses décisions».

Ligne téléphonique d’urgence

Dans les locaux de l’ambassade de Géorgie, une équipe travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour recueillir des plaintes. Selon un diplomate qui souhaite garder l’anonymat, «c’est une véritable chasse qui a lieu. A Moscou, des écoles ont même fourni aux autorités des listes d’enfants géorgiens. A travers eux, ils espèrent remonter jusqu’aux parents pour estimer au mieux le nombre de personnes en situation irrégulière. La Russie n’a pas besoin de ça. Un jour ou l’autre, cela aura un effet boomerang». Devant l’Eglise Saint-Georges ce dimanche, le fief des orthodoxes géorgiens de Moscou, le diacre Nikon, né en Russie de parents géorgiens, faisait part de son désarroi. «Ici, si ton nom de famille a une consonnance géorgienne, tu es un hors-la-loi. Le plus probable, c’est que la situation se calme dans un certain temps. Mais ces mesures sont comme une épine qui va rester longtemps dans nos coeurs.»



par Virginie  Pironon

Article publié le 10/10/2006 Dernière mise à jour le 10/10/2006 à 12:40 TU