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Russie-Géorgie

L’enjeu du gaz

Deux explosions ont endommagé dimanche 22 janvier le gazoduc qui approvisionne la Géorgie.(Photo : AFP)
Deux explosions ont endommagé dimanche 22 janvier le gazoduc qui approvisionne la Géorgie.
(Photo : AFP)
Deux explosions ont eu lieu dimanche à l’aube sur le pipeline qui achemine le gaz de la Russie vers la Géorgie et l’Arménie. Peu après, une autre explosion a endommagé une ligne électrique qui alimente aussi la Géorgie. En quelques heures, l’approvisionnement de ce pays en énergie s’est donc retrouvé en position d’être fortement perturbé. Cette situation est d’autant plus préjudiciable qu’une terrible vague de froid sévit actuellement dans l’est de l’Europe. Le président géorgien a immédiatement réagi en accusant Moscou d’avoir saboté les installations pour faire pression sur son pays, avec lequel des négociations ont lieu concernant le tarif des livraisons. Après la crise entre l’Ukraine et la Russie à propos du gaz, cet incident dont on ignore les causes exactes pour le moment, donne lieu à une polémique politique entre Tbilissi et Moscou.

Aux accusations de «sabotage» proférées par Tbilissi, Moscou a répondu en parlant «d’hystérie» à la mode géorgienne. Qui a raison, qui a tort ? Ce qui est sûr, c’est que l’approvisionnement en énergie est un enjeu vital et que des deux côtés des tuyaux, on en est conscient. La Géorgie dépend de la Russie, qui le sait. Dans un contexte marqué, depuis l’accession au pouvoir de Mikhaïl Saakachvili en Géorgie en 2004, par un net refroidissement des relations avec le grand voisin russe, une coupure dans l’approvisionnement en gaz mais aussi en électricité occasionnée par des explosions suspectes, tombe à pic pour provoquer une crise entre les deux pays.

Le président géorgien n’a d’ailleurs pas perdu de temps pour mettre sur le dos de Moscou la responsabilité des explosions. Il a déclaré notamment : «La Géorgie a été l’objet d’un grave sabotage de la part de la Fédération de Russie (…) Nous avons longtemps entendu des menaces d’hommes politiques russes selon lesquelles nous pourrions nous retrouver sans lumière et sans gaz (…) Et maintenant, cela est arrivé au moment où la Géorgie connaît son hiver le plus froid». A en croire Mikhaïl Saakachvili, il n’y a pas de hasard ou d’accident dans cette histoire mais une volonté délibérée de Moscou de faire pression sur son pays qui a manifesté sa volonté de se rapprocher des Occidentaux, quitte à saboter les installations énergétiques.

De nombreux sujets de conflits

Il est vrai que cet incident arrive comme la goutte d'eau qui fait déborder le vase car les sujets de conflits ne manquent pas entre les deux pays. Les négociations concernant le démantèlement des dernières bases militaires russes en Géorgie ont, par exemple, constitué une source d’oppositions farouches. Concernant la question de l’énergie aussi plusieurs problèmes empoisonnent les relations russo-géorgiennes. Le premier concerne les droits de propriété sur le gazoduc alimentant Tbilissi, que Moscou aimerait récupérer. Et récemment la question d’une réévaluation à la hausse des tarifs des livraisons de gaz (multipliés par deux environ) a été mise sur le tapis par la Russie. La Géorgie n’est pas le seul Etat confronté à ce problème dans la région. L’ensemble des ex-Républiques soviétiques qui jouissaient jusqu’à récemment de prix largement inférieurs à ceux pratiqués vis-à-vis des pays d’Europe de l’Ouest sont concernées. C’est d’ailleurs en raison de la volonté de Moscou d’augmenter les tarifs des livraisons de gaz qu’une crise a éclaté, il y a quelques semaines, entre l’Ukraine et la Russie, au cours de laquelle Moscou n’a pas hésité à couper les vannes pour obtenir gain de cause.

Face à l’attaque frontale de Mikhaïl Saakachvili, le gouvernement russe a riposté en niant fermement être à l’origine d’une quelconque manœuvre et en affirmant que ses déclarations participaient d’une campagne anti-russe menée activement par les autorités géorgiennes. Moscou estime que les explosions sont vraisemblablement dues à des sabotages. Des enquêteurs dépêchés en Ossétie du Nord, sur les lieux des déflagrations ayant touché le gazoduc Mozdok-Tbilissi, ont en effet retrouvé, selon Sergueï Prokopov, le porte-parole du procureur général adjoint de Russie, «des fragments d’engins explosifs de type artisanal».

Dépendance énergétique

Sergueï Kouprianov, le porte-parole de Gazprom, la société russe semi-publique qui gère le secteur, est aussi intervenu dans la polémique entre Tbilissi et Moscou pour demander que la situation ne soit pas «politisée». Il a assuré que tout était fait pour réparer le plus vite possible les dégâts sur le gazoduc, tout en précisant que cela devrait prendre plusieurs jours. Dans l’intervalle, une mesure de substitution a été décidée. Gazprom a annoncé qu’il allait livrer trois millions de mètres cubes de gaz supplémentaires chaque jour à l’Azerbaïdjan, pour que ce pays puisse livrer la Géorgie grâce à un autre pipeline. Reste que malgré cet effort, la Géorgie devrait se trouver en situation de pénurie à un moment où les températures sont très basses et où les gens ont besoin de chauffage. Une situation d’autant plus problématique que les coupures de courant dues à l’explosion qui a détruit les pylônes haute tension dans la république russe de Karatchaïevo-Tcherkessie, empêchent de compenser en utilisant l’électricité.

Guerre du gaz ou pas, la situation met une nouvelle fois en valeur la dépendance énergétique quasi-exclusive des pays d’Europe de l’Est vis-à-vis de la Russie et donc le fait que Moscou dispose d’un atout majeur dans ses relations avec les Etats de l’ex-sphère soviétique. A défaut d’avoir réussi à les maintenir sous son aile protectrice, la Russie a toujours les moyens de leur rappeler qu’ils ne peuvent pas totalement s’émanciper de son influence.


par Valérie  Gas

Article publié le 23/01/2006 Dernière mise à jour le 23/01/2006 à 17:41 TU