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France-Djibouti

Affaire Borrel : le parquet de Paris renâcle

La juge Clément souhaite délivrer des mandats d'arrêt internationaux contre deux suspects mis en cause dans l'assassinat du magistrat français Bernard Borrel (ci-dessus, le président djiboutien Ismaël Omar Guelleh). 

		(Photo: AFP)
La juge Clément souhaite délivrer des mandats d'arrêt internationaux contre deux suspects mis en cause dans l'assassinat du magistrat français Bernard Borrel (ci-dessus, le président djiboutien Ismaël Omar Guelleh).
(Photo: AFP)
Nouveau rebondissement dans l’affaire Borrel. Le parquet de Paris se prononce contre la délivrance de mandats d’arrêt internationaux contre le Djiboutien Awalleh Guelleh Assoweh et le Libanais Hamouda Hassan Adouani, mis en cause par un témoin en 2000 et tous deux en cavale. «Prématuré», estime le procureur de la République. «Volonté d’obstruction», dénonce l’avocat d’Elisabeth Borrel, veuve du juge assassiné en octobre 1995 à Djibouti.

Dans la partie de ping-pong qui oppose Elisabeth Borrel aux représentants de la justice française depuis plusieurs années, cet «avis» est un revers qui fait mal à la veuve du troisième magistrat français assassiné sous la Vème République. Les services de Jean-Louis Marin étaient en effet sollicités par la juge d’instruction Sophie Clément sur le point de savoir si, oui ou non, il est opportun de délivrer des mandats d’arrêts d’internationaux contre deux suspects. Une demande «prématurée» répond le parquet de Paris. Des gendarmes sont pourtant sur la piste de ces deux hommes depuis le mois de juillet. En vain.

Il faut dire que ces deux suspects, aujourd’hui en cavale, ont un pedigree à faire pâlir les meilleurs limiers. Awalleh Guelleh, Djiboutien condamné par contumace dans l’attentat du Café de Paris (1990), et Hassan Adouani, Libanais d’origine tunisienne, condamné à mort dans l’attentat du café l’Historil (1987), comptaient parmi les terroristes les plus dangereux de Djibouti. Jusqu’à ce que le premier s’échappe de la prison de Gabode, tandis que le second était gracié par l’actuel président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh, surnommé IOG. Or, depuis l’an 2000, ces deux hommes figurent parmi les principaux suspects de l’enquête. Un ancien lieutenant de la Garde présidentielle djiboutienne, Mohamed Saleh Alhoumekani, réfugié en Belgique, avait en effet révélé la teneur d' une conversation à laquelle il a assisté le 19 octobre 1995, dans les jardins de la présidence djiboutienne, quelques heures après la découverte du corps de Bernard Borrel.

«Le juge fouineur est mort, il n’y a plus de traces»

Dans la scène rapportée par Alhoumekani, ce jour là, cinq hommes s’approchent d’IOG, alors chef de cabinet du président Gouled Aptidon. Parmi eux, Hassan Saïd, le chef de la SDS, les services secrets, le colonel Mahdi, chef de corps de la gendarmerie et un Français, Alain Romani. A ceux-ci s'ajoutent les deux terroristes, censés être derrière les barreaux de la prison de Gabode. Toujours selon le lieutenant Alhoumekani, Awalleh Guelleh s’approche alors d’IOG et lâche en langue somali : «Le juge fouineur est mort, il n’y a plus de traces». De quoi susciter la curiosité des juges.

Au printemps dernier, des analyses ADN effectuées sur le short de Bernard Borrel, retrouvé à quelques mètres du corps, font apparaître deux traces génétiques qui n’appartiennent pas au magistrat français. Selon les experts, ce sont les traces laissées par deux individus qui ont empoigné fortement le vêtement. Qui ? Mystère… Une comparaison avec l’ADN des suspects serait en tout cas intéressante. En juillet dernier, la juge Clément met donc les gendarmes sur la piste des deux suspects. Sans résultat pour l’instant. C’est pourquoi elle s’est finalement décidée à lancer des mandats d’arrêts internationaux, ce que le parquet estime aujourd'hui «prématuré».

La réaction du parquet inspire le commentaire suivant à Elisabeth Borrel : «Dans ce dossier, j'ai connu un parquet qui était contre moi pendant très longtemps, un parquet d'une bienveillante neutralité avec Yves Bot (ancien procureur général), et je constate aujourd'hui que la reprise en main est faite». Les services de Jean-Claude Marin, procureur de la République de Paris, avancent que les gendarmes n’ont toujours pas rendu leur rapport d’enquête. Pour sa part, la juge Clément a désormais toute latitude pour émettre ses mandats d’arrêt, après avoir recueilli cet «avis», consultatif, comme le lui imposait le code de procédure pénale. 



par David  Servenay

Article publié le 11/10/2006 Dernière mise à jour le 11/10/2006 à 17:08 TU

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Elisabeth Borrel

Veuve du juge Bernard Borrel

«La chancellerie ne conteste pas la thèse de l'assassinat de mon mari.»

[12/10/2006]

Olivier Morice

Avocat d'Elisabeth Borrel, veuve du magistrat Bernard Borrel retrouvé mort le 19 octobre 1995 à Djibouti.

«Il est stupéfiant de constater que le parquet de Paris semble protéger des gens qui non seulement sont en fuite, mais qui, de surcroît, sont connus comme étant des terroristes.»

[11/10/2006]

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