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République démocratique du Congo

Kinshasa se prépare à un second tour acharné

Des militants du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba dans le quartier kinois de Masina. 

		(Photo : Valérie Hirsch)
Des militants du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba dans le quartier kinois de Masina.
(Photo : Valérie Hirsch)
La campagne électorale pour le second tour de l’élection présidentielle du 29 octobre s’est ouverte samedi dans le calme. Joseph Kabila est le grand favori. Mais on redoute la réaction des habitants de Kinshasa qui, au premier tour, ont désavoué le président sortant, en votant massivement pour Jean-Pierre Bemba.

«Parmi les sept ministres du MLC, il n’y en a que deux de l’Equateur. Mais dans le cabinet de Kabila, il n’y a que des gens qui parlent le swahili ! Le Congo appartient à tous les Congolais !»,  clame Henri Itoka, candidat du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba aux élections provinciales qui se tiendront en même temps que le deuxième tour de la  présidentielle. Itoka, un jeune juriste, est venu haranguer une centaine de militants dans son quartier kinois de Masina. Ce faubourg populaire de 320 000 habitants est l’un des bastions de Bemba,  qui a remporté 49 % des suffrages des Kinois au premier tour. Alors que le «Chairman», comme l’appellent les partisans de Jean-Pierre Bemba, n’a remporté que 20 % des voix dans l’ensemble du pays (contre 45 % pour Kabila), il a bénéficié de la méfiance des Kinois à l’égard du chef de l’Etat. Ce dernier a engrangé seulement 14,5 % des suffrages dans la capitale, une hostilité qui s’explique par la personnalité du président et surtout par la crainte de la majorité des 6 millions de  Kinois d’être marginalisés si un homme de l’Est l’emporte.

 

«Kabila n’a pas fait d’études et ne sait pas parler : il nous fait honte !», clame Hugo, un étudiant de Masina. «Il faut un homme fort pour diriger le pays, un vrai nationaliste, qui ne vende pas le pays aux étrangers», poursuit-il. Les habitants de Masina espèrent qu’un homme nouveau fera enfin la différence dans leur quartier, privé d’électricité depuis trois mois. «Ici, les conditions de vie ne cessent d’empirer», déplore Honoré, 19 ans, qui a arrêté l’école en troisième secondaire, parce que ses parents ne pouvaient plus payer les frais scolaires de 28 dollars par trimestre. «Je cire des chaussures en ville. Mais parfois, je ne gagne même pas assez pour payer les 3 dollars de frais de transport». Professeur dans un lycée, Roger Mutembo regrette l’augmentation de l’insécurité : «Toute une génération ne va plus à l’école et il n’y a pas de travail». Lui-même doit cumuler deux emplois pour compléter son maigre salaire d’enseignant (70 dollars par mois).

 

Un calme précédant la tempête ?

 

A deux semaines du scrutin, Masina est paisible. Les militants du MLC ne sourcillent pas quand deux jeunes portant des tee-shirts de Kabila s’approchent. «Mais les militaires de Joseph nous cognent», affirme Jean-Pierre Lubuya, un étudiant. «Le premier tour a été truqué par les Occidentaux pour faire passer Kabila. S’il passe au second tour, on ne se laissera pas faire !» Beaucoup craignent que les quartiers populaires s’embrasent, en cas de défaite de «Mwana Mboko» (l’enfant du pays), Jean-Pierre Bemba. Tout le monde se souvient des débordements qui ont émaillé l’entrée «triomphale» de Bemba à Kinshasa, le 27 juillet (deux policiers tués, deux bâtiments pillés, dont celui de la Haute autorité des médias) ou après l’incendie de ses télévisions, le 19 septembre, quand des jeunes des rues ont dressé des barricades sur le boulevard du 30 juin.

 

«La population de Kinshasa est très volatile et le discours nationaliste de Bemba est dangereux», déplore Naupess Kibiswa, le secrétaire exécutif national de la société civile. Dans les quartiers plus aisés de Kinshasa et au sein d’une grande partie de l’électorat féminin, on aspire d’abord à la paix. Ici, la personnalité de Kabila – «un homme posé, humble, qui écoute»  – semple inspirer plus de confiance que celle de Bemba : «C’est un belliqueux, qui veut créer un clivage est-ouest qui n’existe pas !», déplore Eric Mangwala, un fonctionnaire retraité.

Les partisans de Kabila comptent beaucoup sur le ralliement de Nzanga Mobutu et sur celui du Parti lumumbiste unifié (Palu) d’Antoine Gizenga pour améliorer son score dans la capitale. Au très modeste siège du Palu, dans la maison de Gizenga à Limete, on assure que c’est le danger d’une fracture du pays– et non, la promesse du poste de Premier ministre – qui a amené le parti (13 % des voix au premier tour,  80 % dans la province du Bandundu, à l’Ouest, et 22 % à Kinshasa) à former une coalition avec  Kabila. «Et dans le domaine du nationalisme, nous n’avons rien à prouver !», ajoute Godefroid Mayobo, le porte-parole du Palu.

 

Même si Kabila fait un meilleur score à Kinshasa au second tour, il faudra qu'il le soit de beaucoup pour qu’il gagne la capitale. Mais pour Vital Kamerhe, secrétaire général du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et le développement) de Kabila, on peut gouverner le pays, avec une capitale hostile : «Le rôle de l’opposition est de critiquer, pas de nous empêcher d’appliquer le programme. Et ce n’est pas parce que Kabila ne bombe pas le torse qu’il est faible : le croire serait une grave erreur 

 

 



par Valérie  Hirsch

Article publié le 17/10/2006 Dernière mise à jour le 17/10/2006 à 12:40 TU

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