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République démocratique du Congo

Veillée d’armes à Kinshasa

Après les affrontements armés à Kinshasa de la fin août, chacun s’efforce de calmer le jeu à l’approche du deuxième tour de l’élection présidentielle du 29 octobre. Malgré les mesures d’apaisement adoptées sous l’égide de la communauté internationale, la méfiance reste de mise entre les camps des deux candidats, Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba.


Kinshasa, quartier de Matonge. Si un calme apparent règne sur la ville, la méfiance est de mise entre les candidats.  

		(Photo: Valérie Hirsch/RFI)
Kinshasa, quartier de Matonge. Si un calme apparent règne sur la ville, la méfiance est de mise entre les candidats.
(Photo: Valérie Hirsch/RFI)

«Nous avons un dialogue très cordial avec les deux parties pour améliorer la transparence du scrutin», confie l’abbé Appolinaire Malu Malu, président de la Commission électorale indépendante (CEI). Des mesures ont été prises pour diminuer le nombre élevé d’irrégularités constatées au premier tour, notamment dans le transport des urnes. Ainsi, chaque candidat pourra avoir deux témoins par bureau de vote, qui recevront le procès verbal des résultats avant la fermeture du bureau.

«Au premier tour, il y a eu bourrage des urnes dans l’est du pays», affirme Adam Bombole, un député du MLC (Mouvement pour la libération du Congo de Jean-Pierre Bemba), qui évoque la disparition de 5 millions de bulletins de vote de réserve. «Il y a eu des kits électoraux de réserve, mais jamais de bulletins !», rétorque Malu Malu. «Je ne connais pas un pays où l’élection ait été parfaite et il faudrait cesser de cultiver l’ignorance et les rumeurs !». Ce sont justement ces rumeurs – donnant Joseph Kabila vainqueur du premier tour – qui auraient été à l’origine des affrontements du 20 au 22 août entre la garde du président, épaulée par des chars et un bataillon de l’armée, et celle de Bemba (23 morts et 43 blessés). Kabila a t-il voulu se venger de sa déception ? «Ce n’est pas nous qui avons commencé les affrontements, se défend Vital Kamerhe, le secrétaire général du PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et le développement) de Kabila. Mais nous avons infligé une leçon à Bemba, qui avait déclaré qu’il mettrait le Congo à feu et à sang en cas de défaite !».

«Tout  peut s’embraser en une seconde» 

Depuis lors, la méfiance règne entre les deux candidats, malgré le code de bonne conduite adopté le 23 septembre. Chacun s’accuse de ne pas respecter le cantonnement des troupes et de se réarmer. «La garde de Bemba ne compte que quelques centaines d’hommes alors que  Kabila dispose de 16 000 hommes surarmés [dont plus de 6 000 à Kinshasa]. Pour intimider la population, il vient de nommer des militaires comme gouverneur de la ville et ministre de l’Intérieur. Nous ne sommes pas en sécurité !», clame Bombole. Mais pour le lieutenant-colonel Thierry Fusalba, porte-parole de l’Eufor, «il y a plus de rumeurs qui circulent à Kinshasa que d’armes ! Mis à part les 43 chars achetés par Kabila avant l’instauration de l’embargo et arrivés fin août au camp Kokolo, on n’a rien observé de particulier. On est serein mais vigilant : tout  peut s’embraser en une seconde !».

Pour veiller au grain, l’Eufor va faire venir une partie de ses troupes stationnées au Gabon, qui viendront renforcer le millier d’hommes déjà déployés et les 2 000 soldats de la Monuc présents dans la capitale. Depuis un mois, les forces internationales mènent des patrouilles communes avec la police congolaise. Mais il n’est pas sûr qu’elles seront suffisantes, en cas de coup dur. Le départ annoncé de l’Eufor, le 30 novembre, apparaît aussi prématuré alors que les nouvelles institutions ne seront pas mises en place avant trois mois. Pour minimiser les risques, certains estiment, comme Ibrahim Gambari, un haut responsable des Nations unies, qu’une place devrait être garantie au perdant.

En cas de défaite, Bemba viserait la présidence du Sénat : un poste qui le mettrait à l’abri de poursuites éventuelles de la Cour pénale internationale, pour les exactions de ses troupes en Centrafrique. Mais Kabila sera-t-il prêt à faire un geste ? «Il n’est pas garanti que la nouvelle équipe accepte une interférence de la communauté internationale, note un diplomate internationale. L’opposition devrait au moins avoir une place importante au Parlement». «Cette fois, la priorité sera la bonne gouvernance. Plus question de fermer les yeux, comme pendant la période de transition !», promet un autre. Même l’un des proches de Kabila reconnaît que ce dernier devra changer son entourage, accusé d’avoir largement profité du «dépeçage de la Gecamines». Les deux candidats se sont engagés à réexaminer tous les contrats signés ces dernières années. Comme le remarquait récemment William Swing, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies au Congo-Kinshasa,  «le pire serait qu’on ait une bonne élection et que rien ne change».



par Valérie  Hirsch

Article publié le 18/10/2006 Dernière mise à jour le 18/10/2006 à 15:14 TU

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