République démocratique du Congo
Pas de résultats avant quinze jours
(Photo : AFP)
Le scrutin historique du 29 octobre a enregistré deux incidents graves qui ont fait quatre morts, mais ne devraient pas remettre en question la validité du scrutin. Les résultats provisoires de ce deuxième tour devraient être annoncés au plus tard le 19 novembre prochain. En attendant, les observateurs internationaux, Onu en tête, déconseillent la publication de résultats partiels, en raison de la tension qui a accompagné ce scrutin crucial. En effet, en août dernier, la publication des résultats du premier tour avaient donné lieu à de sanglantes échauffourées. Et malgré les promesses des candidats, l'inquiétude persiste quant à leur détermination à accepter une éventuelle défaite. Les deux candidats Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba se sont engagés à ne pas contester les résultats par la violence, mais l'inquiétude persiste.
Malgré la forte pluie qui n’encourageait pas les électeurs à se déplacer et malgré les incidents qui ont entaché les opérations de vote, la Commission électorale indépendante (CEI) se déclare satisfaite du déroulement du scrutin dans l’ensemble du territoire national malgré quelques «incidents graves».
Le premier incident meurtrier est intervenu à Bumba, au bord du fleuve Congo, au cœur de la forêt équatoriale, dans la province de l’Equateur fief électoral de Jean-Pierre Bemba où la découverte d’une tentative de fraude en faveur du candidat Kabila a dégénéré en affrontements des partisans de Jean-Pierre Bemba avec les forces de police. Deux personnes ont été tuées et douze centres de vote, une radio locale et une maison ont été saccagés. Les électeurs de ces centres vont toutefois pouvoir voter ce mardi.
Le second incident sanglant a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi, au moment du dépouillement, dans la ville de Fataki, dans le district de l’Ituri (nord-est), où deux agents de la Commission électorale indépendante ont été tués par un militaire, ce qui a provoqué la colère de la population locale qui est descendue dans la rue et a saccagé plusieurs bureaux de vote. Selon les premiers éléments fournis par l’armée, l’auteur de ces meurtres serait un soldat ivre. Plusieurs autres incidents ont été signalés, notamment au Katanga (sud est) et au Kivu (est).
«Déclaration d’intentions post-électorales»
Arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père, le président sortant Joseph Kabila était le favori de ce scrutin, avec 44,8% des voix au premier tour contre 20% à Jean-Pierre Bemba. Après une campagne électorale très tendue, marquée par des heurts violents entre partisans des deux candidats, la communauté internationale a multiplié les appels au calme et exercé une forte pression sur les deux candidats pour qu’ils s’engagent à respecter les résultats. Elle a obtenu d'eux la signature ce dimanche d’une «déclaration d’intentions post-électorales».
Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba s’engagent à «appeler publiquement au calme et au retour à l’ordre en cas de troubles» dans lesquels leurs sympathisants seraient impliqués. Le gagnant s’engage à garantir au perdant le respect de son intégrité physique, celle de ses propriétés et de ses avoirs financiers, mais aussi la mise à disposition d'une sécurité rapprochée. Pour la Mission de l’ONU en RDC (Monuc), cette déclaration politique, qui est le quatrième accord signé par les deux candidats, constitue un «bon signe». Le texte engage en effet les deux candidats politiquement, même s’il ne garantit pas les dérapages.
Aucun chiffre officiel n'avait encore été communiqué lundi soir, mais le taux de participation semble inférieur à celui du premier tour où plus de 70 % des 25 millions d’électeurs s’étaient rendus aux urnes. Selon la presse kinoise, la participation aurait baissé partout, sauf dans les deux Kasaï, fiefs de l’opposant Etienne Tshisekedi dont les partisans avaient appelé localement au boycott du premier tour.
«Ces élections libres constituent un tournant historique pour la RDC», souligne le gouvernement belge qui se réjouit du bon déroulement du scrutin tout en appelant les acteurs politiques congolais à garder à l’esprit l’intérêt général du pays. La Belgique, ancienne puissance coloniale du Congo-Kinshasa, a consacré dix-huit millions d’euros au processus électoral. A l'instar de l'ensemble des observateurs étrangers, elle craint que le pays ne plonge dans la violence à l’annonce des résultats. Le diplomate belge, Louis Michel, commissaire européen au Développement, en appelle «au respect du verdict des urnes dans un climat de tolérance et de paix pour le développement du pays». De son côté, la France a, elle aussi, formulé le même appel au respect des résultats tout en saluant le «bon déroulement du scrutin malgré quelques incidents isolés».
La communauté internationale se veut optimiste sur l'issue de cette élection présidentielle qui représentait le premier vote pluraliste depuis 41 ans. Mais les craintes d’un dérapage sont toujours présentes. Les derniers affrontements à l’arme lourde entre troupes des deux candidats à la présidentielle, qui se sont déroulés du 20 au 22 août à Kinshasa et qui avaient fait 23 morts, rappellent, si besoin est, combien l'équilibre est fragile en RDC. Ils laissent augurer le pire au moment de l’annonce des résultats. Les Congolais aspirent à la paix. Ils ont exprimé leur choix dans les urnes. Leur avenir dépend largement du degré de sérénité qui accueillera le verdict des urnes. Il sonnera l'heure de la normalisation politique tant espérée ou, au contraire, celle d'une nouvelle épreuve de force.
par Elisa Drago
Article publié le 30/10/2006 Dernière mise à jour le 30/10/2006 à 16:19 TU