Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Géorgie/Russie

L’hiver arrive, le prix du gaz augmente

Les relations sont tendues depuis le mois de septembre entre la Russie et la Géorgie. Suite à l’affaire des «espions russes» interpellés à Tbilissi, la Russie a tout fait pour couper les vivres à la petite République caucasienne. Et maintenant que l’hiver arrive, le prix du gaz livré par Gazprom va sérieusement augmenter.

File d'attente devant une station-service de Tbilissi en janvier 2006. 

		(Photo: AFP)
File d'attente devant une station-service de Tbilissi en janvier 2006.
(Photo: AFP)

La crise diplomatique entre la Russie et la Géorgie a éclaté en septembre, lorsque 4 officiers russes ont été interpellés à Tbilissi et accusés d’espionnage.
Dans les semaines suivantes, la Russie a tout fait pour isoler au maximum la petite République caucasienne. Cet isolement a pris la forme d’un embargo terrestre, maritime et aérien.
Et de nombreux Géorgiens, partis tenter leur chance à Moscou, ont été du jour au lendemain renvoyés dans leur pays d’origine.

Les relations entre la Russie et son ancien satellite, indépendant depuis 1991, en étaient restées là. Mais l’hiver arrivant, la Russie a sorti son arme énergétique avec l’entrée en scène de Gazprom. L’entreprise d’Etat russe, qui détient le quart des réserves de gaz de la planète, a décidé d’augmenter le prix du gaz livré à la Géorgie.

La mesure devrait être effective le 1er janvier 2007. A cette date, le prix devrait plus que doubler. Il passera à 230 dollars les 1 000 mètres cube contre 110 dollars aujourd’hui. «C’est une première proposition, elle va être négociée», a indiqué le service de presse de Gazprom sans préciser si cette négociation peut évoluer à la hausse ou à la baisse.

L’hiver dernier déjà, la Russie avait fait du chantage au gaz pour tenter de calmer l’occidentalisation de sa grande voisine, l’Ukraine. Cette fois, l’arme du gaz vise un petit pays dont les relations se sont régulièrement détériorées avec le Kremlin depuis quinze ans. La Géorgie, comme l’Ukraine, veut entrer dans l’Otan, l’organisation de défense euro-américaine, et a la volonté de se rapprocher de l’Union européenne.

Bruxelles regarde

A Bruxelles justement, on regarde de près ce nouveau bras de fer concernant l’approvisionnement énergétique d’un pays dépendant des ressources de la Russie. Cette fois, l’Union européenne est moins concernée que pendant la crise de l’hiver dernier avec l’Ukraine. Si la quasi-totalité de l’approvisionnement ouest-européen passe par l’Ukraine, la géographie exclut la Géorgie de ce réseau de distribution.

Cette nouvelle pression sur les prix à l’approche de l’hiver rappelle cependant à l’Union européenne à quel point elle dépend, elle aussi, des ressources de la Russie. Moscou a le pouvoir de couper le robinet, ou de baisser la pression dans les tuyaux, selon les températures négatives et selon le climat des relations entre les Européens et Vladimir Poutine.

«La Géorgie est le problème le plus important, mais il y a aussi des problèmes concernant l’énergie», indiquait jeudi un responsable proche de la présidence finlandaise. Les 25 sont en train de préparer leur sommet avec la Russie prévu le 24 novembre. L’énergie y tiendra une grande place. Depuis plus d’un an, Vladimir Poutine a décidé de remettre dans le giron de l’Etat les ressources naturelles de son pays. Il cherche d’ailleurs à limiter la place des compagnies occidentales sur les nouveaux sites d’extraction de gaz ou de pétrole.

Si les compagnies pétrolières réfléchissent à long terme, la Géorgie, elle, pense à l’hiver. «Nous devons regarder d’où découle un tel prix, c’est le même que pour les pays d’Europe de l’Est. Or, comme la Géorgie est plus proche de la Russie, le prix du transit du gaz ne devrait pas être si élevé », a expliqué le ministre géorgien des Affaires étrangères Guela Bejouachvili, sur une télévision géorgienne à Moscou. Pour lui, le prix proposé par Gazprom est «fondé sur la politique et non sur l’économie».

Le ministre géorgien s’était rendu mercredi à Moscou pour tenter d’apaiser la crise créée par l’affaire d’espionnage. Guela Bejouachvili a rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov. La rencontre n’a rien donné, a expliqué le ministre géorgien après cet entretien. Et s’il avait été un temps question d’une rencontre avec le président russe, Vladimir Poutine a «décidé d’y renoncer», a indiqué le Kremlin.

Le gaz… et après ?

Après ce rendez-vous pour rien, il y a eu le signal négatif donné par Gazprom et justifié par «la hausse des prix mondiaux des hydrocarbures». M. Bejouachvili a tout de même obtenu des garanties. Même s’ils sont plus chers, l’électricité et le gaz ne devraient pas être coupés cet hiver dans son pays. Pour sa part, l’agence de notation financière Standard and Poor’s estime que le doublement du prix du gaz n’aura «qu’un impact modeste sur la croissance économique géorgienne», l’estimant tout de même à 1,1% du produit intérieur brut (PIB).

Tracé de l'oléoduc BTC. 

		(Cartographie: marc Verney/RFI)
Tracé de l'oléoduc BTC.
(Cartographie: Marc Verney/RFI)

Cet hiver, pour importer du gaz russe, Tbilissi déboursera 204 millions de dollars de plus que prévu. Standard and Poor’s pense que les autorités géorgiennes ont pris des précautions pour sécuriser leur approvisionnement. De toute façon, le gazoduc reliant l’Azerbaïdjan à la Turquie via la Géorgie est presque terminé. Sur une radio russe, le ministre géorgien des Affaires étrangères a expliqué que le gaz de la mer Caspienne, transporté dans ce nouveau tuyau, allait couvrir en partie les besoins du pays. Ce nouveau gazoduc (doublé d’un oléoduc) appelé BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) ne passe pas par la Russie, ce qui est l’une des raisons de la crispation de Moscou. Le BTC va surtout fournir le marché européen.

Avec le BTC, l’arme énergétique va perdre de sa force. Et la discorde russo-géorgienne peut se déplacer et se focaliser sur l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Toujours à l’occasion de son voyage à Moscou, le chef de la diplomatie géorgienne a accusé la Russie de vouloir «arracher» ces deux Républiques séparatistes pro-russes. «Quand un Etat voisin tente d’arracher une partie de votre territoire, c’est pour nous la ligne rouge» à ne pas franchir, a déclaré Guela Bejouachvili au quotidien russe Kommersant. «Nous considérons comme une politique anti-géorgienne les avances faites aux régimes séparatistes, le financement qui leur est octroyé, toute fourniture d’armes», a-t-il encore déclaré dans cette interview.

Il y a quelques jours, Vladimir Poutine avait dit pour sa part que la Russie «n’aspirait pas à agrandir» son territoire et à intégrer ces deux Républiques séparatistes. Elles ont unilatéralement proclamé leur indépendance au début des années 1990 et militent pour leur rattachement à la Russie. L’organisation d’un référendum d’indépendance en Ossétie, le 12 novembre prochain, pourrait encore augmenter les tensions. Les relations ne semblent pas sur le point de se réchauffer entre la Géorgie et la Russie. 



par Colette  Thomas

Article publié le 03/11/2006 Dernière mise à jour le 03/11/2006 à 17:44 TU