Chine-Santé
Le sida fait un bond en avant
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Pékin
Officiellement, le nombre de séropositifs recensés a atteint 183 733, contre 144 789 à la fin de l'an dernier. Mais il ne s'agit que des cas avérés. L'estimation réelle est de 650 000 porteurs chinois du VIH selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les Nations unies, un chiffre accepté par les autorités chinoises. Le nombre réel de séropositifs pourrait être au moins deux fois plus élevé, selon de nombreuses organisations non-gouvernementales. Pourquoi une telle différence entre le nombre de malades recensés et le nombre réel de porteurs ? C'est que très peu de personnes encore sont testées dans le pays. Cela tient à plusieurs facteurs. D'abord la sensibilisation au sida est très récente en Chine et les tests de dépistage encore plus.
Vingt ans avant de réagir
La gratuité et l'anonymat des tests ne sont entrés en vigueur que depuis quelques mois alors que les premiers cas sont apparus au milieu des années 1980. De façon systématique, on teste les consommateurs de drogue par voie intraveineuse qui sont arrêtés, ainsi que les prostituées. Ainsi, 37% des séropositifs chinois seraient des héroïnomanes selon Pékin, et 28% seulement auraient été contaminés lors de rapports sexuels. Les tests prénataux sont bien de plus en plus fréquents, mais pour le reste, le dépistage n'est pas entré dans les moeurs et reste très rare. De très nombreux porteurs du virus sont ainsi inconscients de leur maladie.
La lutte contre le virus, voulue par Pékin, se heurte par ailleurs dans le pays à de nombreux obstacles. A part dans les grandes villes, les campagnes d'information et de prévention sont quasiment absentes du quotidien des Chinois. De très nombreuses personnes ne savent pas exactement ce qu'est le sida ou comment on l'attrape. Cela est surtout vrai dans les campagnes qui enregistrent une très forte progression due essentiellement aux ouvriers migrants (140 millions en Chine) revenus des grands centres urbains où ils travaillent.
Une progression de 30% des cas
Ensuite, la maladie est souvent liée au sexe, qui est encore un sujet tabou dont il est mal vu de parler ouvertement. Par ailleurs les gouvernements locaux sont réticents à déclarer de trop nombreux cas dans leurs provinces, par crainte d'être critiqués par le gouvernement central. C'est le cas en particulier dans la province du Henan, où des millions de personnes ont vendu leur sang via des centrifugeuses non stérilisées, entraînant de nombreuses contaminations par le virus du sida.
Selon les nouvelles statistiques, la proportion de séropositifs due au commerce du sang est de 5,1%, ce qui est énorme. Tous ces facteurs font que le virus est en train de gagner du terrain à grande vitesse. L'augmentation de 30% annoncée par les autorités ne reflète pas la réalité, c'est plutôt un ajustement des statistiques à la réalité, mais la progression est manifeste. La dernière tendance, connue dans tous les pays, est que le virus a dépassé le cercle des groupes qualifiés «à haut risque» (prostituées, héroïnomanes), et se diffuse dans la population générale par le biais des relations sexuelles. Bien que tous les cas ne soient pas recensés, l'effort des autorités centrales est réel. En effet, les dernières statistiques parues ne sont ni très précises, ni exhaustives, mais elles le sont davantage qu’auparavant au chapitre de la répartition et de l'évolution de la maladie.par Abel Segrétin
Article publié le 22/11/2006 Dernière mise à jour le 22/11/2006 à 20:03 TU