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RDC

Les chantiers de Kabila

Joseph Kabila, 35 ans, premier président démocratiquement élu de la RD Congo, prête serment mercredi 6 décembre, à Kinshasa. 

		(Photo : AFP)
Joseph Kabila, 35 ans, premier président démocratiquement élu de la RD Congo, prête serment mercredi 6 décembre, à Kinshasa.
(Photo : AFP)
Joseph Kabila, vainqueur de la première élection présidentielle pluraliste de la République démocratique du Congo, a prêté serment mercredi. Une journée «historique», selon la presse locale, ouvrant la voie aux chantiers et aux défis qui attendent le jeune chef d’Etat.

Coups de peinture et mesures de sécurité draconiennes : Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, s’est préparée en conséquence pour la prestation de serment de Joseph Kabila, mercredi. Un moment «historique» selon la presse locale, marqué par la présence de plus d’une dizaine de chefs d’Etat africains, de chefs de gouvernement, et des délégations américaine et belge. Marqué aussi par l’absence de Jean-Pierre Bemba, l’outsider, qui s’est envolé pour le Portugal «pour se reposer» selon son entourage. «Après la prestation de serment : Finie la traversée du désert !» titre L’Avenir, écrivant que «46 ans après l’accession à la souveraineté nationale et internationale des Congolais, l’espoir est de nouveau au rendez-vous». Pour Le Potentiel, c’est une «journée historique pour autant qu’elle donne le coup d’envoi d’une nouvelle ère qui se veut porteuse d’espoirs pour le peuple congolais». Le journal précisant dans un éditorial que cette journée «doit marquer le point de départ d’un Congo nouveau».

Joseph Kabila est le premier président à avoir été élu au suffrage universel direct en RDC, à l’issue d’un second tour, le 29 octobre, qui l’a opposé à Jean-Pierre Bemba. Premier président de la IIIe République, il soulève donc de nombreux espoirs parmi les 56 millions Congolais qui aimeraient enfin pouvoir sortir d’une décennie noire. Après cinq ans d’une guerre civile (1998-2003), qui a enterré quelque 4 millions d’entre eux et en a déplacé plusieurs milliers, et après trois ans d’une transition bancale, la RDC est un pays en ruines. Etat en faillite, économie en banqueroute, corruption généralisée, pillage de ses richesses par ses voisins et par des firmes étrangères, atteintes à la liberté d’expression et de presse... Près des trois-quarts des Congolais vivent en-dessous du seuil de pauvreté et plus de mille Congolais meurent chaque jour de malnutrition et de maladies, notamment du sida et du paludisme. Seule 30% de la population aurait accès à des structures de soins. Le pays a tous les besoins : eau courante, réseaux d’assainissement, électricité, infrastructures…

Changer les mentalités

Les défis qui attendent le plus jeune des chefs d’Etat africains (35 ans) sont immenses. Sur le plan politique, il devra renforcer la réconciliation nationale qu’il a déclaré vouloir enclencher dès 2001, à son arrivée au pouvoir après l’assassinat de son père Laurent-Désiré. Disposant d’une majorité hétéroclite au Parlement (300 députés sur 500), il devra confirmer la démocratie dans le pays, consolider la paix, sécuriser le territoire national et stabiliser les institutions… Rien que ça. Le secrétaire général du Parti lumumbiste unifié (Palu), à qui la Primature est promise depuis les arrangements électoraux de l'entre deux tours, Antoine Gizenga a annoncé que l’une de ses priorités sera la lutte contre la corruption. Pour cela, le président devra s’atteler à un vrai changement des mentalités. «Mes interlocuteurs de l’Union européenne ont sursauté quand j’ai prononcé ce mot, mais je le répète : il faut qu’il y ait une sorte de révolution morale dans ce pays, afin que les gens se transforment», a-t-il d’ores et déjà déclaré.

Côte union nationale, les vieux démons rôdent toujours : xénophobie, congolité, régionalisme… Les résultats du scrutin présidentiel ayant révélé une ligne de fracture entre un Congo occidental francophone et lingalophone, centre du pouvoir et base électorale de Jean-Pierre Bemba, et un Congo oriental plus anglophone et swahilophone, « bastion » du président fraîchement élu mais toujours en proie à des soubresauts. Mardi, de nouveau combats ont d’ailleurs opposé l’armée régulière et des troupes fidèles au général déchu Laurent Nkunda, qui se sont emparées d’un village du Nord-Kivu (Est). Comme une désagréable piqûre de rappel, à la veille de la prestation de serment. Sans oublier les cohortes de rebelles rwandais qui sévissent toujours dans l’Est.

Les 5 chantiers

Dans une interview accordée à la presse nationale le 27 octobre dernier, Joseph Kabila a annoncé cinq chantiers prioritaires : les infrastructures (routes, rails, ponts), la création d’emplois (qui passe par les investissements), l’éducation (les écoles et les universités sont à reconstruire), l’eau et l’électricité, et enfin, la santé. Ajoutant : «Il faut évidemment insister sur la transparence dans la gestion de la cité, des affaires de l’Etat. Bref, il faut remettre de l’ordre dans le pays», lors d’un autre entretien au journal belge Le Soir en novembre. Et indiquant : «Nous allons compter d’abord sur nous-mêmes. Mobiliser davantage nos ressources, nos recettes». Le gouvernement devra effectivement se doter d’un budget capable de répondre aux grands chantiers annoncés.

La reprise en main des ressources naturelles est une piste. Accusé d’être impliqué dans l’attribution de juteux contrats miniers à des sociétés étrangères au détriment de l’Etat, le candidat Kabila a promis des «changements». Désormais élu, osera-t-il renégocier les contrats des compagnies américaines, sud-africaines ou indiennes ? Toujours sur le plan économique, il pourra s’appuyer sur une monnaie stable, une inflation presque maîtrisée (passée de 511% en 2000 à 15,8% en 2002) et un retour du FMI et de la Banque mondiale. Un retour qui avait d’ailleurs permis en 2003 au Congo d’accéder à l’initiative Pays Pauvre Très Endetté (PPE), ouvrant la voie à un allègement du service de sa dette sur 25 ans. «Pour moi, le Congo, c’est la Chine de demain : d’ici 2011, l’exemple pour moi viendra des pays asiatiques, que l’on appelle les ‘Dragons’. Le Congo va surprendre, car il se redressera beaucoup plus vite que prévu», a assuré Kabila au Soir.

La «locomotive» de l’Afrique centrale

Promettant de faire de la RDC la «locomotive» de l’Afrique centrale et des Grands Lacs, Kabila devrait poursuivre une politique d’ouverture diplomatique, régionale et internationale. Signal positif, la Commission européenne vient d’annoncer qu’elle projetait de doubler les aides financières au pays dans les six ans à venir. Au cours des cinq dernières années, le Congo a reçu près de 205 millions d’euros de fonds de développement européens. Cette somme pourrait passer à 411 millions d’euros. Cette augmentation doit être agréée par les Etats membres mais la Commission a déjà décidé de mobiliser 33 millions d’euros sur son propre budget qui seront consacrés à renforcer «la gouvernance et les institutions au service des citoyens».

Enfin, Kabila qui, pendant la campagne, s’est posé en rassembleur du peuple congolais, lance aussi des appels du pied aux Congolais de l’étranger. «A mes compatriotes de la diaspora, je dis de rentrer au pays ! Venez participer à la reconstruction, il y a de la place pour tout le monde.» Toutes les bonnes volontés ne seront effectivement pas de trop.

par Olivia  Marsaud

Article publié le 05/12/2006 Dernière mise à jour le 05/12/2006 à 17:55 TU

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