Santé-médecine
Sida: circonspection avec la circoncision
(Photo: AFP)
La circoncision offre bien une protection contre le virus du sida. C’est la conclusion sans ambiguïté de l’étude randomisée (la répartition des sujets ou malades est faite au hasard) menée par les NIH à Kusumu (Kenya) chez 2 784 hommes âgés de 18 à 24 ans et à Rakai (Ouganda), sur 4 996 hommes de 15 à 49 ans. Les résultats qui viennent d’être publiés, montrent respectivement, une réduction de 53% et de 48% du risque d’être infectés par le virus du sida pour les hommes circoncis. Le choix de ces deux sites a été motivé par le fait que ces régions ont un taux d'infection par le VIH élevé en même temps que la proportion d'hommes circoncis est faible.
Une étude interrompue avant terme
Lancés en septembre 2005, les essais devaient initialement se poursuivre jusqu’en juin 2007. Mais la différence, entre les hommes circoncis et ceux qui ne l’étaient pas était tellement flagrante, que le Conseil de suivi et de la sécurité des NIH (DSMB) a décidé d’interrompre l’étude prématurément. Pour le DSMB, tout était clair, la circoncision permet bien de réduire les risques d’infection au VIH. A partir de là, tous les hommes non circoncis participant à l’étude, se verront proposer une circoncision.
L’effet protecteur de la circoncision dépend de la nature de la face interne du prépuce. Celle-ci est constituée d’une muqueuse composée de nombreuses cellules dendritiques qui sont des cellules immunitaires particulièrement sensibles au VIH. La circoncision permet donc de réduire considérablement la surface de cette muqueuse fragile et par conséquent, de diminuer la superficie perméable au virus. De plus, la peau restante du prépuce, finit par se kératiniser (s’épaissir) et devient à son tour plus imperméable.
Les résultats obtenus par les NIH viennent confirmer ceux d’une étude française de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). En effet, dès 2005, le travail de Bertran Auvert réalisé en Afrique du Sud auprès de 3 000 hommes, avait montré pour la première fois que la circoncision masculine réduisait de 60% la contamination de l’homme via une femme porteuse du virus. Jusqu’à présent une quarantaine d’études avaient relevé une diminution du risque de contamination, mais aucune n’avait réussi à établir scientifiquement le lien entre l’intervention chirurgicale et la réduction du nombre de contaminations.
Illusoire sentiment de sécurité
La publication de l’étude des NIH a aussitôt fait réagir les institutions spécialisées des Nations unies (Onusida, OMS, FNUAP, Unicef). «Prenant note avec grand intérêt de cette annonce», elles tiennent cependant à «souligner que la protection [par la circoncision] n’est pas complète. Les hommes circoncis peuvent toujours contracter l’infection à VIH et, une fois séropositifs, transmettre le virus à leurs partenaires sexuels. La circoncision ne doit donc jamais se substituer à d’autres méthodes de prévention à l’efficacité reconnue rappellent-elles, mais toujours s’intégrer à un ensemble de mesures comprenant l’utilisation régulière de préservatifs masculins ou féminins, la réduction du nombre de partenaires sexuels, le report de l’âge des premiers rapports sexuels et le dépistage du VIH avec les conseils appropriés».
Le risque d’un illusoire sentiment de sécurité, que pourrait procurer la circoncision, préoccupe également les auteurs de l’étude NIH. Le directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID)des Etats-Unis, le Dr Anthony Fauci, spécialiste du VIH, met en garde à son tour «contre l’idée que la circoncision constituerait une protection totale contre le virus. Il est bien clair que ce n’est pas un substitut à une protection, mais seulement un plus. Aussi, nous espérons, avertit-il, que les messages de prévention insisteront sur le fait que cela n’est pas l’équivalent d’une totale protection».
L’Organisation mondiale de la Santé suit de très près toutes ces études. Dès la publication de celle de l’Inserm, elle a fait réaliser un travail sur l’impact potentiel d’un politique encourageant la circoncision dans les pays les plus touchés par le sida. Les résultats montraient que si le bénéfice de la circoncision était confirmé, ce qui vient d’être fait avec les NIH, le nombre de morts et les nouvelles contaminations par le VIH en Afrique subsaharienne, serait considérablement réduit dans les 20 prochaines années. Selon la projection de l’OMS, se sont 6 millions d’infections et 3 millions de morts qui pourraient ainsi être évités.
Il s’agit maintenant pour les responsables sanitaires, de mesurer les bénéfices que pourraient éventuellement apporter la circoncision, si elle était pratiquée à plus grande échelle. Avant tout, il faudrait d’abord pouvoir offrir des conditions d’hygiène correcte pour l’intervention et garantir la liberté de chacun de la faire pratiquer ou non. Une condition pas facile à imposer vu l’état sanitaire actuel des pays les plus fortement touchés. D’autre part, il faut, indique l’ OMS, éviter que les gens ne développent «un sentiment erroné de sécurité et qu’ils n’adoptent des comportements à risque qui pourraient remettre en cause l’effet protecteur de la circoncision». A cela s’ajoute le fait qu’un éventuel impact de la circoncision sur l’épidémie, ne pourra se mesurer que dans 10 ou 20 ans.par Claire Arsenault
Article publié le 14/12/2006 Dernière mise à jour le 14/12/2006 à 16:41 TU