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Israël

Les éliminations ciblées légalisées

L’opération israélienne du 22 juillet 2002 contre le leader palestinien Salah Chéhadé a été menée par un F-16 qui a visé un quartier populaire de Gaza. 

		(Photo: AFP)
L’opération israélienne du 22 juillet 2002 contre le leader palestinien Salah Chéhadé a été menée par un F-16 qui a visé un quartier populaire de Gaza.
(Photo: AFP)
Jeudi, la Cour suprême israélienne a donné un cadre juridique aux liquidations ciblées d’activistes palestiniens pratiquées par l’armée. Jugées contraires au droit international par de nombreuses organisations de droit de l’homme et dénoncées par la communauté nationale, ces éliminations ciblées sont justifiées par Israël au nom de la légitime-défense.

La Cour suprême israélienne a débouté deux mouvements des droits civiques israélien et palestinien qui demandaient l’interdiction des « assassinats ciblés » d’activistes palestiniens. Les trois juges de la Cour ont affirmé que ces actions, menées par l’armée israélienne, étaient «légales» au «cas par cas». «On ne peut pas déterminer à l’avance que toute liquidation ciblée est contraire au droit international. De même qu’il n’est pas possible que toutes les liquidations soient conformes au droit international. La légalité de toute liquidation doit être examinée au cas par cas», ont-ils estimé.

Dans son jugement, la Cour suprême donne quatre consignes pour mettre en œuvre toute élimination ciblée. Il faut d’abord «une information vérifiée, précise et sûre» sur les activités terroristes de la cible. Ensuite, «un civil engagé directement dans des hostilités ne saurait être attaqué si des moyens plus pacifiques peuvent être utilisés contre lui». Troisièmement, une enquête indépendante devra être conduite après la liquidation pour déterminer «la précision de l’identification de la cible et les circonstances de la liquidation». Enfin, tous les efforts doivent être faits pour éviter que des civils ne soient touchés. Dans le cas contraire, des indemnités pourraient être envisagées.

Un cadre légal pour les éliminations

La Cour précise qu’il est légal de viser un «terroriste tirant vers des soldats ou des civils, d’un balcon d’une maison, même si cela met en danger des passants». En revanche, la Cour interdit une attaque aérienne contre un bâtiment dans lequel se trouverait un activiste si cette opération risque de coûter la vie à des passants et des habitants. C’est ce qui s’était passé le 22 juillet 2002 à Gaza. Un avion israélien avait largué une bombe d’une tonne contre la maison de Salah Chéhadé, un des chefs militaires du Hamas, le tuant avec ses huit enfants, son épouse et cinq voisins… Les juges indiquent également qu’une liquidation ne peut pas viser un ancien activiste ayant pris ses distances avec le terrorisme.

La procédure avait été ouverte en janvier 2002 par le Comité public contre la torture basé à Jérusalem et par l’organisation palestinienne de défense des droits de l’homme, LAW. Près de cinq ans plus tard, la décision de la Cour suprême est sans précédent. L’armée israélienne dispose désormais d’un cadre légal pour poursuivre ses éliminations ciblées. «Je suis très content que la Cour ait donné un cadre juridique à ces opérations», s’est félicité le procureur Shaï Nitzan, représentant de l’Etat. Selon le quotidien israélien Ha’Aretz, cette décision pourrait créer un «précédent juridique en matière de droit international et de droit sur les crimes de guerre».

« L’assassinat est une forme de crime »

Majoritairement soutenue par la population israélienne, la politique des liquidations ciblées est décriée par les organisations de défense des droits de l’homme et par les Palestiniens. «La Cour suprême a donné sa bénédiction aux exécutions extrajudiciaires et aux crimes de guerre», a regretté Jamal Zahalka, député arabe à la Knesset, qui a plaidé pour que l’affaire soit «transférée devant une cour internationale». Saëb Erakat, conseiller auprès du président palestinien Mahmoud Abbas, a déclaré : «Les assassinats politiques constituent des crimes de guerre contraires au droit international et aux conventions de Genève. L’assassinat est une forme de crime qui ne peut être justifiée. C’est indigne d’un Etat.»

Les liquidations ciblées ont été à plusieurs reprises condamnées par l’Union européenne et les Etats-Unis comme étant «contre-productives» pour le processus de paix dans la région. Israël se défend en évoquant la légitime-défense et le besoin de prévenir les attaques terroristes. Les éliminations ciblées sont un moyen de toucher des activistes difficiles à appréhender et à traduire en justice.

En janvier 2002, la Cour avait déjà rejeté un premier appel d’un député arabe israélien qui demandait que «ces assassinats soient mis hors-la-loi». Jeudi, elle a donné une entière légitimité à une pratique perpétuée par les différents gouvernements israéliens depuis plus de trente ans. Dans les années 70 et 80, les éliminations physiques de responsables de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avaient lieu, au gré de leurs exils, en dehors des frontières d’Israël. A partir du milieu des années 90, Israël cible des dirigeants de groupes palestiniens radicaux comme le Mouvement de la résistance islamique (Hamas) ou le Djihad islamique. Après le déclenchement de la seconde Intifada, en 2000, les assassinats extrajudiciaires se multiplient, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, pour décapiter les branches militaires et politiques des mouvements palestiniens comme le Front populaire de libération de la Palestine et les Brigades des martyrs Ezzedine Al-Qassam (aile militaire du Hamas). Chaque liquidation ciblée a donné lieu à de sanglantes représailles de la part des activistes palestiniens.

Dans des zones surpeuplées comme les territoires palestiniens, les civils se trouvant à proximité des cibles sont victimes de dommages collatéraux. Selon l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme dans les Territoires, B’tselem, depuis 2000, 399 Palestiniens ont été tués lors d’éliminations ciblées. Parmi eux, 210 activistes et 129 civils.

par Olivia  Marsaud

Article publié le 14/12/2006 Dernière mise à jour le 14/12/2006 à 18:50 TU

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Israël : assassinats ciblés

Par Nicolas Falez

«La décision de la Cour suprême ouvre la voie à l'indemnisation des victimes collatérales de ces assassinats ciblés.»

[15/12/2006]

Dominique Roch

Envoyée spéciale permanente de RFI au Proche-Orient

«L'identité de la victime d'un assassinat ciblé doit être établie avec certitude.»

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