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Immigration

Cent-deux Sénégalais portés disparus en mer

Partis de Casamance le 3 décembre à bord d’une pirogue, quelque 127 Sénégalais espéraient rejoindre, clandestinement, l’archipel espagnol des Canaries. Ils n’y parviendront pas : un cinquième de l’équipage a survécu au naufrage de l’embarcation, mais cent-deux hommes n’ont toujours pas été retrouvés, ce lundi. En marge de ce drame, l’Assemblée générale de l’Onu a proclamé le 18 décembre «Journée internationale des migrants» pour tenter de mobiliser les Etats membres ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales sur la nécessité de considérer le problème plus largement en apportant une aide au développement.

«Nous avions l’espoir de rallier l’Espagne sans problème, parce que nous avions des GPS [guidage par satellite] et du matériel d’orientation de qualité qui nous indiquait le cap à chaque étape», a affirmé Siaka Dieng, un petit commerçant originaire de Kaolack (centre) qui faisait partie de l’équipage ayant embarqué le 3 décembre, dans la région de Ziguinchor, en Casamance (sud). Samedi, sur quelque 127 Sénégalais que comprenait cet équipage de migrants clandestins, seuls vingt-cinq ont été sauvés, au large de Saint-Louis du Sénégal par des pêcheurs locaux. Les autres corps n’avaient toujours pas été retrouvés, lundi, alors que des recherches avaient aussitôt été entreprises ce week-end. D’après les informations, concernant les rescapés secourus samedi dernier, les hommes fatigués, déshydratés et affamés avaient été acheminés par les pompiers au service des urgences de l’hôpital régional de Saint-Louis, pour y recevoir des soins intensifs. Ils sont toujours en observation mais «leur vie n’est pas en danger», selon le docteur Demba Dieng.  

De la même manière, mercredi dernier, d’autres migrants sénégalais s’étaient échoués à Dakar : leur pirogue comptait 29 personnes à bord mais la gendarmerie avait estimé que, d’après les témoignages des rescapés, l’embarcation devait en fait compter également une centaine de passagers au départ. Ces deux drames illustrent, coup sur coup, l’illusion d’un contrôle des flux migratoires et l’urgence d’intensifier une mobilisation internationale de lutte contre la précarisation des droits des migrants. Comment ? En aidant les Etats à affronter les différents défis économiques, politiques et sanitaires, préconise l’Onu.

Le 18 décembre a été proclamé Journée internationale des migrants. 

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Le 18 décembre a été proclamé Journée internationale des migrants.
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«Objectifs de développement» et «respect des droits fondamentaux»

L’Assemblée a adopté la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 18 Décembre 1990. En décrétant, en septembre dernier, de baptiser le 18 décembre, Journée internationale du migrant, l’Assemblée générale de l’Onu a souhaité, d’après le texte officiel, accélérer un processus de réflexion et sensibiliser «tous les organes, organismes, fonds et programmes des Nations unies compétents ainsi que les autres organisations intergouvernementales, régionales et sous-régionales concernées,[pour qu’ils continuent] à examiner la question des migrations internationales et du développement, (…) dans le contexte plus large de la réalisation des objectifs de développement convenus au niveau international et du respect des droits fondamentaux». Elle recommande, entre autre, la reprise des négociations de Doha du 1er août 2004 afin que les pays développés travaillent «sur les questions connexes du développement au plan multilatéral, avec les institutions financières internationales».

Le dispositif Frontex associe gardes-côtes sénégalais, militaires espagnols et italiens dans des patrouilles mixtes de surveillance des côtes sénégalaises. En place depuis septembre, il a permis l’interpellation de nombreuses pirogues de clandestins. Selon l’indication des observateurs du dispositif, il y aurait «ralentissement des départs de clandestins du Sénégal vers l’archipel des Canaries, depuis octobre dernier». Cité par le quotidien sénégalais Wal Fadjri, le lieutenant Mouhamadou Moustapha Sylla, membre de l’équipe sénégalaise de coordination de Frontex, souligne toutefois que les départs se poursuivent malgré «des contrôles rigoureux et des conditions météorologiques difficiles», qui ne suffisent pas à dissuader les candidats à la migration.  

En fait, plus la surveillance des côtes est verrouillée, plus les migrants descendent le long de la côte africaine pour embarquer, ce qui représente autant de milles supplémentaires à effectuer dans des conditions périlleuses pour gagner les rivages occidentaux. Mais ces pôles d’embarquement sont très variables, d’où cette remarque du lieutenant Sylla : «Il faut rester vigilant car les embarquements peuvent se faire ailleurs, en Mauritanie ou au Maroc par exemple car les passeurs sont très réactifs», et ils agissent au mépris de tout risque.

par Dominique  Raizon

Article publié le 18/12/2006 Dernière mise à jour le 18/12/2006 à 18:08 TU

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(Conception : RFI)

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Rabia Bekkar

Chercheuse à l'Institut de recherche pour le développement

«L'accumulation de situations de chômage, de pauvreté et de déscolarisation fait qu'ils n'ont plus confiance et ne voient pas de projets concrets du gouvernement qui les inciteraient à rester.»

[18/12/2006]