Iran
La défaite des partisans d’Ahmadinejad
(Photo : AFP)
Avec plus de 30% des bulletins dépouillés, les résultats encore partiels des municipales confirment l'échec à Téhéran des partisans ultraconservateurs du président Mahmoud Ahmadinejad. Dans la capitale, ils obtiennent en effet deux sièges seulement sur les quinze que compte le conseil municipal. Ces résultats confirment aussi le succès des conservateurs modérés et la percée des réformateurs. Ils constituent un échec d’autant plus cuisant que les deux candidats de la liste du président Ahmadinejad, intitulée la «bonne odeur de servir», Parvine Ahmadinejad, la sœur du président, et Kosro Daneshjou, le frère du gouverneur, arrivent respectivement en dixième et quatorzième position. Les résultats définitifs devraient confirmer cette tendance.
De notre correspondant à Téhéran
Les amis du président avaient décidé de présenter leur propre liste, refusant de faire cause commune avec les autres groupes conservateurs. Ils pensaient pouvoir jouer sur l’élan politique et social qui a porté Mahmoud Ahmadinejad au pouvoir en juin 2005. Mais ce sont les partisans de son concurrent de l'époque, Mohammad Bagher Ghalibaf, devenu entre temps maire de Téhéran, qui l’ont emporté, selon les résultats partiels. La liste des amis du maire, intitulée, «Grande coalition des conservateurs» obtient huit sièges contre quatre pour les réformateurs qui ont réussi à faire une percée mettant fin à une série d’échec électoraux depuis 2003.
Test raté pour Ahmadinejad
Les résultats de Téhéran étaient attendus comme un test de popularité pour le président reflétant les rapports de forces au niveau de l’ensemble du pays. Cet échec aux municipales de Téhéran s’ajoute à la défaite des amis du président aux municipales en province et à leur échec aux élections de l’Assemblée des experts dans l’ensemble du pays. Les résultats de ce scrutin à Téhéran ont confirmé la nette victoire de l'ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani, un pragmatique modéré qui a fait alliance avec les réformateurs de l’ancien président Mohammad Khatami. Il a obtenu 1,56 million de voix, alors que son principal adversaire, l'ayatollah ultraconservateur Mohammad Taghi Mesbah Yazdi n'obtient que 879 000 voix.
L’ayatollah Mesbah Yazdi avait appelé les électeurs à ne pas voter pour Hachémi Rafsandjani ni pour Hassan Rohani, autre religieux modéré, ancien responsable du dossier nucléaire et partisan du dialogue et du rapprochement avec l’Occident. Or, non seulement, l’ayatollah Mesbah Yazdi a échoué face à Rafsandjani mais tous ses candidats ont été battus aussi bien à Téhéran qu’en province. Or l'ayatollah Mesbah Yazdi est généralement présenté comme le parrain spirituel du président Ahmadinejad.
Victoire des réformateurs aux conseils municipaux
Enfin, les amis du président Ahmadinejad ont également échoué aux municipales en province. Ce sont les conservateurs modérés et les réformateurs ou encore des candidats indépendants qui se partagent la plupart des sièges dans les villes de province. Selon un dirigeant réformateur en charge des élections en province, les réformateurs ont remporté près 40% des sièges des conseils municipaux dans 265 villes moyennes et grandes du pays contre 29% pour les conservateurs et moins de 4% pour les amis du président Ahmadinejad.
Les journaux conservateurs ont de leur côté affirmé que les élus conservateurs étaient largement majoritaires. En tout cas, tout le monde s’accorde à reconnaître que cette double élection a largement modifié les rapports de forces politiques dans le pays. «C’est une victoire des modérés et un isolement des extrémistes», écrivait lundi un grand quotidien modéré. «C’est un non au gouvernement du président Ahmadinejad, un an et demi après son triomphe», ajoute un dirigeant réformateur. En plébiscitant le modéré Rafsandjani, les électeurs ont voulu envoyer un message. Ce dernier incarne en effet la modération sur le plan intérieur et international. C’est son protégé Hassan Rohani qui avait pris langue avec les Européens pour tenter de résoudre la crise nucléaire.
Côté réformateur, l’alliance entre les deux anciens présidents, Hachémi Rafsandjani et Mohammad Khatami d'une part, et l’ancien président du Parlement, le réformateur Mehdi Karoubi de l'autre, a permis aux réformateurs de sortir la tête de l’eau. «Ils vont consolider cette coalition pour les futures élections», relève un dirigeant modéré. Côté conservateur, la défaite des amis politiques du président permet aux forces plus modérées de revenir sur le devant de la scène avec des personnalités comme l’actuel maire de Téhéran, qui joue largement sur son côté technocrate et non idéologue.
par Siavosh Ghazi
Article publié le 19/12/2006 Dernière mise à jour le 19/12/2006 à 14:48 TU