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La France renforce la protection des enfants

Les témoins de Jéhovah dans le collimateur du rapporteur de la Commission d'enquête parlementaire du 19 décembre 2006. 

		(Photo : AFP)
Les témoins de Jéhovah dans le collimateur du rapporteur de la Commission d'enquête parlementaire du 19 décembre 2006.
(Photo : AFP)
Déjà dotée d’un arsenal juridique et administratif pour lutter contre les dérives sectaires, la France envisage désormais la mise sous tutelle de certaines communautés. Alertés par le chargé de mission pour la prévention et le traitement des dérives sectaires au ministère de la Santé, Emmanuel Jancovici, trente députés, toutes tendances confondues, ont formé une commission d’enquête parlementaire le 28 juin dernier. Présidée par le député du Rhône, Georges Fenech (UMP) Rhône, celle-ci a rendu mardi son rapport intitulé «L'enfance volée. Les mineurs victimes des sectes».

Comme l'explique Georges Fenech, la commission parlementaire a opté pour les enfants, car, dit-il, «nous estimons que les institutions chargées de les protéger devraient faire davantage d’efforts dans le domaine de l’éducation et de la santé». Après l’étude du phénomène sectaire en 1995 et de l’argent des sectes en 1999, ce rapport  est le troisième du genre en onze ans. Intitulé « L’enfance volée. Les mineurs victimes des sectes », la commission a remis ce matin les conclusions de ses travaux au président de l’Assemblée nationale. Ce rapport contient 50 propositions concernant « au minimum entre 60 000 et 80 000 enfants élevés dans un contexte sectaire », dont 45 000 chez les Témoins de Jéhovah.

L’embrigadement des mineurs lié aux dérives sectaires a été au cœur des travaux menés depuis quelques mois par trente députés, toutes tendances confondues. Les conclusions de leur rapport font état d’un double constat : en dépit des avancées législatives et de la mise en place d’une politique de lutte au niveau national et régional menée par la Milvudes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, créée en novembre 2002), force est de constater que l'action des pouvoirs publics reste inégale dans la protection des enfants, que des failles perdurent alors que, dans le même temps, les enfants sont devenus des proies de plus en plus faciles pour les sectes.

Suite à leur visite surprise, le 21 novembre dernier, dans la petite communauté biblique à Sus-Navarrenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, les quatre représentants de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les mineurs se trouvent, de leur propre aveu, « démunis » devant ce qu’ils découvrent. Ils dénombrent 18 enfants âgés de 6 à 16 ans, coupés de la vie extérieure, jamais vaccinés. Quatre d’entre eux ne figurent sur aucun registre officiel. « Des enfants d’un autre temps, d’un autre monde », soupire le président de la commission Georges Fenech, député (UMP) du Rhône.

Ils seraient entre 60 000 et 80 000 concernés de près ou de loin par les pratiques sectaires, dont environ 45 000 élevés chez les Témoins de Jéhovah.

Longtemps, le phénomène sectaire est resté circonscrit aux domaines ésotérique et spirituel, alors qu’aujourd’hui il se retrouve dans la vie quotidienne, dans le soutien scolaire ou l’entraînement sportif, à savoir tous les domaines qui concernent les enfants.

Durant les 65 auditions qui ont rythmé les travaux de la commission, mise en place le 28 juin 2006, les députés en charge du rapport ont entendu des représentants de l’enseignement, des juristes, des spécialistes du phénomène sectaire, des défenseurs des victimes, le directeur du bureau central des Cultes du ministère de l’Intérieur, un pédopsychiatre et d’anciens adeptes.

Pour parer aux conséquences néfastes de l’endoctrinement sectaire sur la santé psychique et mentale des mineurs, la commission d’enquête parlementaire propose trois axes essentiels pour « rompre l’isolement des enfants », selon Jean-Pierre Brard, député communiste de Seine-Saint-Denis et secrétaire général de la commission.

50 propositions touchant l’Education nationale, la Santé, l’Intérieur et la Justice

Concernant l’éducation, il est impératif de redéfinir les critères autorisant l’instruction à domicile et de contrôler les organismes d’éducation à distance. Le rapporteur préconise un contrôle médical scolaire systématique, quel que soit le type de scolarisation des enfants, une unification des sanctions pour refus de vaccination et de transfusion sanguine et une redéfinition des « bonnes pratiques des psychothérapeutes ». Ces mesures ont suscité l’indignation immédiate des Témoins de Jéhovah qui reprochent à la  commission d’avoir mené ses travaux sans « débat contradictoire » et sans tenir compte de la liberté de conscience. Ils ont  réfuté les arguments selon lesquels l’expression de leur foi entraînerait un trouble à l’ordre public. Concernant leur refus des transfusions sanguines, ils ont argué du fait « que le médecin a le pouvoir de l’imposer », si la vie de l’enfant est en danger.

Ce mardi, sur la chaîne France 2, Georges Fenech s’en est pris plus particulièrement au bureau central des Cultes du ministère de l’Intérieur, selon lequel les Témoins de Jéhovah «pourraient être considérés comme un culte et devenir la cinquième religion de France», alors que leurs enfants «élevés dans la crainte de l’Apocalypse, ne sont pas socialisés».

Sur ce point, la France se distingue des Etats-Unis et du Canada où la liberté religieuse passe par le respect des croyances, quelles qu’elles soient et où les Etats n’opère aucune distinction entre les Eglises. Pour preuve, l’affaire Gettliffe a remis en lumière la différence du statut des sectes outre-Atlantique. La Française Nathalie Gettliffe a été condamnée le 4 décembre dernier à Vancouver pour avoir enlevé ses enfants à leur père canadien, membre de l’Eglise internationale du Christ. Elle se justifiait en mettant en avant l’équilibre de ses enfants qui aurait été menacé en raison de l’appartenance de leur père à cette secte. Mais alors que l’Eglise internationale du Christ est classée comme sectaire en France, elle est légale au Canada.

Le dernier dispositif du rapport concerne la Justice. Il propose de nouvelles sanctions pénales, les députés souhaitant que les grands-parents puissent saisir directement le juge en cas de suspicion de maltraitance physique ou mentale. « Notre ambition, c’est que les gens aient désormais les moyens de se protéger tout seuls », conclut le secrétaire général de la commission d’enquête Jean-Pierre Brard.



par Françoise  Dentinger

Article publié le 19/12/2006 Dernière mise à jour le 19/12/2006 à 18:18 TU

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