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Sectes

Le masque humanitaire

La mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), a remis son rapport annuel au Premier ministre mardi 19 février. Deux constats marquants : les sectes infiltrent de plus en plus l’action humanitaire, et certains départements d’outre-mer comme la Réunion sont visés par des mouvements venant d’autres États de l’Océan indien.
Les sectes aiment les proies faciles. Aussi déploient-elle de plus en plus leurs activités vers l'action humanitaire. Cela leur permet à la fois d’entrer en contact avec des personnes psychologiquement fragiles et d'afficher une respectabilité de façade. Ce constat est l’un des éléments majeurs du rapport annuel de la mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS). Dans ce texte rendu public mardi 19 février, la mission relève que les sectes «n'hésitent pas à profiter des malheurs du monde».

Catastrophes naturelles, guerres, attentats, autant d’événements sur lesquels vient se greffer un nombre sans cesse croissant d’organisations sectaires, «pour tenter d'imposer leurs solutions miracles». On a vu ainsi des adeptes de l’Eglise de scientologie sur les ruines du World Trade Center à New York après les attentats du 11 septembre. Dix jours plus tard, d’autres scientologues venaient proposer une aide psychologique aux victimes de l'usine AZF de Toulouse. Naturellement, il n’est pas question pour les eux de dispenser une aide désintéressée. «Alors que les organisations humanitaires distribuent immédiatement les secours dont elles peuvent disposer, les sectes limitent rapidement leur concours matériel. La victime souffrante, adepte potentielle, est plutôt incitée à concourir qu'à recevoir», note la MILS.


Un observatoire du sectarisme dans l'Océan indien

Le rapport, remis au Premier ministre, recommande à l’État d’être plus vigilant et plus actif dans certains secteurs de la vie publique. D'une manière générale, l'activité sectaire, si elle se couvre parfois «du masque commode de la religiosité», concerne «à 80%» la formation continue et les pseudo thérapies. Qualifiées de «zones d'activité prioritaires», ces deux domaines «sont encore insuffisamment encadrés par la loi ou la réglementation». Dans le premier domaine, «c'est la masse de crédits, renouvelés chaque année par les institutions et les entreprises, qui est visée». Le second, quant à lui, permet d'exploiter «un gisement de ressources et d'influences» fondé sur la souffrance humaine.

Parmi les éléments positifs signalés par le rapport, le fait que le prosélytisme des sectes semble marquer le pas en France. Grâce à une vigilance accrue, le phénomène sectaire a cessé son expansion, sans qu’il soit possible de dire si ce coup d’arrêt est durable. Le nombre total des adeptes reste néanmoins encore élevé: il est estimé à 400 000 personnes, dont 250 000 Témoins de Jéhovah. La scientologie, répertoriée comme la plus active des sectes, ne compterait en revanche qu'un petit nombre de militants en France. Selon la mission, elle développe une stratégie de déstabilisation des administrations et institutions par un activisme judiciaire tous azimuts afin de les réduire au silence.

La MILS s'attarde notamment sur la situation particulière des départements d'outre-mer, où l'activité sectaire «semble encore progresser à l'inverse de ce qui s'observe en métropole». Parmi les mouvements qui y sont les plus actifs, certains sont connus dans l'Hexagone, d'autres sont plus spécifiques, parfois «en provenance d’États voisins». Ainsi, à la Réunion, dont la situation géographique est qualifiée de «stratégique», la cellule de vigilance locale a suggéré la création d'un observatoire du sectarisme dans l'Océan indien associant notamment Madagascar, les Seychelles, les Comores et l'île Maurice.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 19/02/2002