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24e sommet Afrique-France

Union européenne-Union africaine : un dialogue en construction

Heidemarie Wieczorek-Zeul, ministre de la Coopération de la République fédérale d’Allemagne : «<em>L’Europe a besoin d’une Afrique forte</em>». 

		(Photo : AFP)
Heidemarie Wieczorek-Zeul, ministre de la Coopération de la République fédérale d’Allemagne : «L’Europe a besoin d’une Afrique forte».
(Photo : AFP)
La politique africaine commune a pris un tour plus politique en décembre 2005 avec l’adoption d’une stratégie européenne pour l’Afrique, prélude à un partenariat entre les deux Unions – européenne et africaine – fin 2007. Une première dans les relations entre les deux continents.

«L’Europe a besoin d’une Afrique forte», affirmait début janvier 2007 Heidemarie Wieczorek-Zeul, ministre de la coopération de la République fédérale d’Allemagne, qui place le développement du continent «au cœur» de sa double présidence de l’Union européenne et du G8. «L’Afrique n’est pas le continent des catastrophes, des crises et des guerres. (…) [Elle] fait preuve au contraire d’un dynamisme élevé en matière de réformes, jouit d’une croissance stable et prend son développement en main avec ses idées et son potentiel propre». L’Europe estime aussi que la sécurité de ses frontières dépend de la paix et de la stabilité au sud. Une leçon tirée des événements de Ceuta et Melilla qui ont provoqué la tenue de deux sommets (Rabat, Tripoli, 2006) sur le thème Migrations et développement.

Dans la mouvance de l’après 11-Septembre, Kofi Annan avait lui aussi placé le continent africain au cœur des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à l’horizon 2015. Parallèlement, la vision du «développement» était revisitée, sous l’égide de notions comme la bonne gouvernance et la sécurité humaine, la lutte contre la pauvreté passant désormais par l’exigence du maintien et de la consolidation de la paix. L’Europe se met progressivement au diapason. Sa relation avec le continent, longtemps régie par la Convention de Lomé (1975-2000) signée avec les pays Afrique, Caraïbes, Pacifique (ACP), s’inscrit désormais dans le cadre de l’accord de Cotonou (2000), qui renforce – déjà – la dimension politique du partenariat.

Vers un partenariat stratégique

Le coup d’accélérateur est donné à Bruxelles le 19 décembre 2005 avec l’adoption par le Conseil de l’Union européenne d’un document intitulé L’UE et l’Afrique : vers un partenariat stratégique, premier cadre d’action européen où l’Afrique est prise comme une entité. «Sans paix, il ne peut y avoir de développement durable. Sans impulsion africaine visant à mettre fin aux conflits africains, il ne peut y avoir de paix durable. (…) L’Europe et l’Afrique sont liées par l’histoire, la géographie et une vision commune d’un avenir pacifique, démocratique et prospère pour l’ensemble de leurs citoyens», était-il indiqué.

Entre gestion des crises et enjeux de développement, la relation prend un tour plus politique. Le Conseil européen s’engage fin 2006 à «renforcer le partenariat stratégique UE-Afrique» et à le transformer en Stratégie conjointe UE/UA au sommet de Lisbonne prévu en 2007 (v. encadré). Proposée à Bamako (2005) et avalisée à Addis-Abeba et à Brazzaville (2006) par les concertations ministérielles, cette stratégie fait l’objet d’une feuille de route régulièrement examinée. Une dizaine de commissaires européens ont d’ailleurs fait le voyage en Ethiopie, dont Louis Michel (commissaire à l’aide humanitaire et au développement) et Peter Mendelson (commissaire au commerce)… Les présidents José Manuel Barroso pour la Commission européenne et Alpha Oumar Konaré pour la Commission de l’Union africaine ont lancé pour l’occasion un programme de soutien au développement opérationnel et institutionnel de l’Union africaine (55 millions d’euros), applicable dès janvier 2007.

Harmonisation des actions engagées, consolidation des capacités des Etats à assurer leurs tâches régaliennes, dialogue plutôt que sanctions… Les échanges avec les organismes d’intégration régionale de l’UA se concluent en juillet 2006 par un partenariat sur les infrastructures, qui répond au plan du Nepad. A terme, une Initiative gouvernance, en lien avec le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs accepté par 26 pays, devrait aussi être adoptée. La coopération a été rétablie avec la RCA, la Guinée-Bissau  (2005), le Togo et la Guinée Conakry (2006). Sans compter les nombreux efforts de médiation de l’UE*. Celui, «à chaud», de Louis Michel en Somalie a fait couler beaucoup d’encre – fallait-il rencontrer le leader des Tribunaux islamiques, s’est-on demandé ? – ; il s’est traduit par un appel au dialogue aux deux parties. Et par la proposition, formulée à Nairobi, au sein du Groupe de travail international, de former un «gouvernement inclusif» avec la frange modérée des non jihadistes.

Une Force africaine en attente à l’horizon 2010

L’UE, qui compte plusieurs anciennes puissances coloniales, s’est dotée en 2004 d’une Facilité européenne pour la paix en Afrique, avec une enveloppe de 300 millions d’euros, qui a déjà permis de financer l’Amis, au Darfour (242 millions), ainsi que la Force multinationale de la Cémac en RCA et la sécurisation des élections aux Comores. L’appui à l’Architecture de paix et de sécurité de l’UA – et à son Initiative africaine pour le maintien de la paix- devrait aboutir, à l’horizon 2010, à une Force africaine en attente constituée de cinq brigades régionales.

En 2006, l’adoption du concept européen de renforcement des capacités africaines de prévention, de gestion et de résolution des crises**, soutenu par la Belgique, le Royaume-Uni et le Portugal, a reçu un écho favorable de la Suède, du Luxembourg, de l’Espagne, des Pays-Bas ou de l’Italie. La France soutient son programme Recamp – cycles d’entraînement dans des Ecoles nationales à vocation régionale (ENVR) – qui tend à devenir un outil à part entière de l’UE. Une première opération autonome de l’UE, Artémis (2003), en réaction à une crise dans l’Ituri, en RD-Congo, a été suivie par deux opérations de conseil pour réformer l’armée congolaise (Eusec) et la police de Kinshasa (Eupol) puis par l’opération Eufor, pour sécuriser la présidentielle congolaise. Dans le premier cas, la France travaillait seule. Dans le dernier, sous commandement franco-allemand, entre Potsdam, banlieue de Berlin, et Kinshasa, une quinzaine de pays européens étaient impliqués. L’UE a fait «ce que personne d’autre ne ferait à sa place», estime un diplomate français pour qui cette opération a été un vrai succès.

Deuxième sommet euro-africain de Lisbonne :
une affaire à suivre




Le Portugal et l’UE souhaitent que le deuxième sommet Europe-Afrique puisse se tenir à Lisbonne au cours du second semestre 2007 – date à laquelle le Portugal assurera la présidence tournante. Le premier sommet, au Caire (Egypte), en avril 2000 – déjà sous présidence portugaise –, était mené par Antonio Guterres et par l’Algérien Abdelaziz Bouteflika au titre de l’OUA. La Déclaration du Caire jetait les bases d’une «nouvelle dimension stratégique pour un partenariat global entre l’Afrique et l’Europe». Liant stabilité politique, paix et sécurité et intégration régionale, le document engageait les Africains à mettre en place un cadre conceptuel pour promouvoir leur développement dans l’esprit du Plan d’action de Lagos (1980), du Traité d’Abuja (1991) ou de la Déclaration de Syrte (1999). Prévu en avril 2003, le deuxième sommet avait été reporté sine die en raison de divergences notamment autour de la venue du président du Zimbabwe, Robert Mugabe. Un consensus s’est dessiné «pour aller de l’avant et ne plus hypothéquer la tenue du sommet». Selon le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, «la politique de migration (sera) l'un des sujets clés» de ce sommet qui vise à adopter une stratégie conjointe entre l’UE et l’Afrique.



par Antoinette  Delafin

Article publié le 05/02/2007 Dernière mise à jour le 05/02/2007 à 14:42 TU

* L’UE dispose de médiateurs comme le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, ou les responsables spéciaux, Pekka Haavisto au Soudan ou Aldo Ajello pour la région des Grands Lacs.

** Renforcement des capacités dans la prévention, la gestion et la résolution des crises. Conclusions du Conseil, 13 novembre 2006.

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