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24e sommet Afrique-France

Côte d’Ivoire, Tchad, RCA : la France en première ligne

Novembre 2004 : les soldats français de la force Licorne dans les rues d'Abidjan. 

		(Photo : AFP)
Novembre 2004 : les soldats français de la force Licorne dans les rues d'Abidjan.
(Photo : AFP)
En Côte d’Ivoire, menacée de guerre civile, mais aussi au Tchad et en République centrafricaine, en proie à des rébellions, la France s’est trouvée en première ligne en raison de ses liens anciens de coopération civile et militaire avec ces pays francophones. Mais aussi parce que personne d’autre n’a voulu «monter au créneau», du moins au départ.

La Côte d’Ivoire connaît une grave crise politico-militaire depuis la tentative de coup d’Etat, opérée par la rébellion armée en septembre 2002, qui contrôle toujours la moitié nord du pays. La France, puis la Cedeao, ont envoyé d’importants contingents militaires pour séparer les belligérants. Cette interposition a permis d’éviter une guerre civile et de nombreux massacres. Mais les deux parties en conflit ont reproché à la France son rôle en estimant, l’une et l’autre, avoir été privées, du fait de sa présence, d’une victoire militaire. La communauté internationale, notamment les Nations unies, a toutefois avalisé et soutenu son action. Reste que malgré la signature d’un accord entre toutes les forces politiques, à Linas-Marcoussis en janvier 2003, l’objectif de tenir des élections fin octobre 2005 n’a pas été atteint en dépit d’une forte mobilisation internationale. L’Onu a mis en place en avril 2004 une force de maintien de la paix, l’Onuci, qui a pris le relais des contingents de la Cedeao aux côtés de la force Licorne, laquelle compte de 3 à 4 000 hommes et reste sous commandement français – mais bénéficie d’un mandat des Nations unies.

Ce processus de paix a connu de nombreux blocages imputables aux parties puis un brutal coup d’arrêt en novembre 2004, lorsque les forces gouvernementales ont rompu le cessez-le-feu en lançant une offensive au cours de laquelle neuf soldats français ont été tués. Une grande partie (8 000 personnes environ) de la communauté française, victime d’exactions, a dû être rapatriée. Suite à ces événements, le Conseil de sécurité a créé un embargo sur les armes, prévu un mécanisme de sanctions individuelles et renforcé le mandat de l’Onuci.

La résolution 1721 a fait l’objet d’âpres tractations

L’Union africaine a pour sa part confié au président sud-africain Thabo Mbeki une mission de médiation entre les acteurs ivoiriens. Après deux rencontres à Pretoria, en 2005, des progrès ont été enregistrés mais sont restés timides : ni le démantèlement des milices pro-Gbagbo, ni le désarmement des Forces nouvelles de la rébellion, ni les préparatifs techniques relatifs au processus électoral n’ont été mis en œuvre. Le mandat confié à Thabo Mbeki a été remis, à la mi-octobre 2006, au Congolais Denis Sassou Nguesso, en tant que président en exercice de l’organisation jusqu’en janvier 2007.

En 2005, le mandat de Laurent Gbagbo a été prolongé une première fois et Charles Konan Banny a été nommé Premier ministre de compromis. Un Groupe de travail international (GTI), comprenant 15 membres au niveau ministériel, se réunit mensuellement depuis novembre 2005 à Abidjan. Il comprend notamment, outre des Africains, des représentants de l’Onu, de la France, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis, de l’Union européenne, de l’Organisation internationale de la Francophonie, de la Banque mondiale et du FMI. Après plusieurs tergiversations, le Conseil de sécurité de l’Onu a reconduit, en novembre 2006 et pour un an, le président Gbagbo et son Premier ministre, en donnant des pouvoirs très élargis à ce dernier pour mener le pays à des élections – auxquelles Konan Banny ne pourra pas participer. La résolution 1721, finalement adoptée à l’unanimité, illustre à la fois le contexte, les enjeux et les difficultés à surmonter. Le texte préparé par la France a fait l’objet d’âpres tractations car Paris, déjà accusé par les partisans de Laurent Gbagbo de partialité, a dû faire face aux réserves de trois membres permanents du Conseil de sécurité, la Chine, la Russie et les Etats-Unis ainsi que d’un membre non permanent africain, la Tanzanie. Ancienne puissance coloniale, la France souhaitait un consensus général pour éviter toute critique.

Peu avant ce vote, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie avait réaffirmé que personne ne demandait officiellement le départ de la force Licorne : «En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, vous savez, je serais très heureuse de retirer les militaires, j’en ai beaucoup à l’extérieur. Le problème, c’est que la force Licorne est là pour soutenir la force de l’Onu et que les pays qui font partie de l’Onuci ont expressément demandé qu’elle reste. Il y aurait un grand risque que ces pays se retirent si nous retirions Licorne. Nous pensons également qu’une partition de la Côte d’Ivoire serait dramatique pour le pays, mais aussi pour tout le sous-continent parce que les systèmes ethniques font que, vraisemblablement, les crises se multiplieraient à partir de la Côte d’Ivoire.» Tous ces efforts semblent avoir payé puisqu’en janvier 2007, le président Gbagbo a officiellement tendu la main aux rebelles. «Ce qui nous intéresse, c’est que les élections se tiennent à la date prévue et dans les meilleures conditions de transparence», souligne-t-on à ce propos à Paris.

Tchad et RCA : des préoccupations régionales

Egalement impliquée dans d’autres situations de crise, la France précise, en ce qui concerne le Darfour, à l’ouest du Soudan, que son principal souci est d’éviter que la tourmente ne déstabilise l’un après l’autre le Tchad et la République centrafricaine. Mais elle estime toutefois qu’elle ne pourra pas continuer à «protéger» toute seule ses alliés, si la communauté internationale ne prend pas de fortes mesures pour imposer le retour de la paix au Soudan et le désarmement des milices respectives, et si les dirigeants de la région n’opèrent pas une ouverture démocratique. Ce qui paraît difficile dans le contexte conflictuel actuel qui favorise le durcissement sécuritaire aussi bien du Tchad que de la RCA.

Préoccupée à la fois par la détérioration de la situation intérieure au Tchad, aggravée par les conséquences du conflit au Darfour, et la déstabilisation dans le nord de la République centrafricaine voisine, lieu de passage de rebelles armés, la France appelle toutes les parties au dialogue. Ce qui ne l’empêche pas d’appuyer militairement les autorités de ces deux pays. Paris explique son soutien par le souci d’éviter une déstabilisation de la région et des conflits civils encore plus sanglants, estimant que les dirigeants actuels, même critiqués, représentent les autorités légitimes par rapport à leurs opposants et surtout face aux différents groupes de rebelles armés.

Pour la RCA, on estime à Paris que les fauteurs de troubles sont un agrégat «d’anciens “libérateurs” mécontents (après avoir aidé Bozizé à prendre le pouvoir) et de rebelles déçus par leur sort». C’est notamment en invoquant les accords de défense entre la France et la Centrafrique que Paris a répondu favorablement à la demande de la Cémac «d’aider les Forces armées centrafricaines à reprendre le contrôle de la situation», précise un diplomate. Selon lui, les bombardements français «ont été surtout des coups de semonce ponctuels».

Concernant le Tchad, les Français se félicitent du fait que les Etats-Unis, qui avaient paru soutenir certains rebelles tchadiens, se soient ralliés à l’analyse française de soutien critique à Idriss Déby. «D’où, sans doute, l’accord de compromis trouvé entre N’Djamena et la Banque mondiale (dirigée par l’Américain Paul Wolfowitz) à propos de l’argent du pétrole.»

Une mission du Conseil de sécurité pour étudier la déstabilisation au Tchad et en RCA

On rappellera que le président soudanais, Omar el-Béchir, a fini par accepter, du moins officiellement, que l’Onu appuie les forces de l’Union africaine déjà présentes au Darfour. La France soutient par ailleurs la démarche de l’Onu qui cherche des financements pour l’envoi de gendarmes africains dans les camps de réfugiés du Darfour en territoire tchadien, devenus, selon plusieurs sources, des «bases arrières des rebelles soudanais et tchadiens». Elle est aussi partisane du déploiement d’une force internationale le long de la frontière soudano-tchadienne pour éviter les incursions des rebelles soutenus par l’un ou l’autre pays. Le Conseil de sécurité a d’ailleurs fini par décider d’envoyer une mission d’évaluation, ainsi que des éléments précurseurs au Tchad et en RCA pour étudier la question de la déstabilisation dans ces deux pays.

par Marie  Joannidis

Article publié le 05/02/2007 Dernière mise à jour le 05/02/2007 à 16:48 TU

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