Afrique-France
Promesses et condamnations
Le 24e sommet Afrique-France, s’est achevé à Cannes, ce vendredi, par une condamnation des violences en Guinée. Paris est prêt à évacuer les milliers d’étrangers du pays. Les chefs d’Etat africains et le président français Jacques Chirac ont également exprimé leur «préoccupation» sur la situation dans la province soudanaise du Darfour. Le Tchad, le Soudan et la République Centrafricaine se sont engagés à ne pas soutenir les rébellions transfrontalières, mais N’Djamena ne se «fait pas d’illusions» sur l'efficacité d'une telle déclaration. Ce vendredi, 18 pays africains ont adhéré à l’initiative UNITAID contre le sida. Le prochain sommet Afrique-France se tiendra au Caire, en 2009.
(Photo : AFP)
Le 24e sommet Afrique-France qui s’est tenu à Cannes (sud de la France), jeudi et vendredi, marquait les adieux à l'Afrique du président Jacques Chirac, après douze ans au pouvoir. «Les relations entre la France et l’Afrique sont essentielles à notre pays» a déclaré le président français qui a dit souhaiter que «tous les candidats (à la présidentielle française) aient conscience de l’importance capitale que l’Afrique a pour le monde».
Une délégation de la Cedeao devrait se rendre en Guinée
Les chefs d’Etat présents à Cannes ont condamné les «violences» en Guinée et se sont «émus du grand nombre de victimes innocentes», alors que au moins 113 personnes ont trouvé la mort dans la répression des manifestations depuis janvier. Dans leur résolution finale, ils appellent «fermement» les autorités guinéennes à «sortir de l'impasse et à protéger les populations civiles», leur demandant aussi d’ «enclencher un processus politique».
Le président en exercice de l’Union africaine, le Ghanéen John Kufuor, a annoncé à Cannes qu’une délégation de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest et éventuellement de l’Union africaine devrait se rendre en Guinée «dans quelques jours». John Kufuor a qualifié la situation en Guinée de «très préoccupante».
Paris se dit prêt à évacuer les ressortissants étrangers de Guinée (2 000 Français, 4 000 Libanais et 5 à 600 Américains). «J'espère que nous n'en arriverons pas là et qu'avec la sagesse de la CEDEAO et de l'UA nous arriverons à trouver une solution à la crise de ce pays», a déclaré le président français, qui a, lui aussi, exprimé sa préoccupation. Jeudi les autorités françaises ont annoncé le départ d'un navire Transport de chalands de débarquement (TCD) Siroco de la Marine nationale de Toulon (sud) pour le Golfe de Guinée pour rejoindre un aviso, le Commandant L'Herminier, déjà dans cette zone.
Pour Omar el-Béchir, l'Onu ne doit avoir qu'un rôle «logistique» au Darfour
Le sommet Afrique-France de Cannes a aussi exprimé sa «préoccupation» sur la situation humanitaire au Darfour alors que le conflit menace de déstabilsier toute la région. Le président soudanais Omar el-Béchir a réaffirmé son opposition au déploiement de casques bleus dans la province soudanaise du Darfour, malgré les pressions internationales. Lors d’une conférence de presse à Cannes, en marge du sommet Afrique-France, il a déclaré que le maintien de la paix au Darfour était du ressort de l’Union africaine (UA) et que les Nations unies ne devaient avoir qu’ «rôle logistique, financier et technique pour que l’UA puisse vraiment faire son travail».
L'Onu veut déployer quelque 2 300 Casques bleus au Darfour, première étape avant l'arrivée d'une force conjointe ONU-UA dont les effectifs devraient atteindre les 20 000 hommes, mais Khartoum s’y est jusqu’à présent catégoriquement opposé. D’autre part, le président soudanais a aussi réaffirmé son refus d’accorder des visas à une mission de l’Onu sur les droits de l’homme qui voulait se rendre au Darfour, en accusant des membres de la délégation de n’être pas «impartiaux». Il s’est dit prêt à accepter une mission «indépendante et honnête» dans la province soudanaise du Darfour, où, selon l’Onu, la guerre civile a déjà fait 200 000 victimes et plus de deux millions de déplacés depuis février 2003.
Le Tchad a signé «sans illusions»
Jeudi soir, en marge du sommet, le Tchad, le Soudan et la République Centrafricaine se sont engagés à «respecter les souverainetés et à ne pas soutenir les mouvements armés, en conformité avec l’accord de Tripoli», du 8 février 2006. Le document appelé «déclaration de Cannes» ne suscite visiblement pas l’enthousiasme.
«On ne pouvait rien refuser à Paris, mais on a signé sans illusions» a déclaré le ministre des Affaires étrangères tchadien Ahmat Allam-Mi, estimant qu’il y a «un manque de sincérité en face», car, selon lui, les Soudanais «n’acceptent pas la logique d’un règlement pacifique du conflit au Darfour». Juste après la signature, le président tchadien Idriss Déby a quitté Cannes. «Il n’a pas claqué la porte» a affirmé le chef de la diplomatie tchadienne, expliquant que le chef de l’Etat tchadien devait «attraper un programme qu’il avait très tôt à Paris», ce vendredi. Quoi qu’il en soit, le Tchad avait déjà mercredi soir marqué son opposition à la tenue d’une rencontre avec ses voisins soudanais et centrafricain, jugée «inutile et inopportune».
18 pays africains adhérent à l’UNITAID
Dix-huit pays africains ont officiellement adhéré vendredi à Cannes à UNITAID (Facilité internationale d'achat de médicaments), qui vise à aider les pays en voie de développement à accèder aux traitements à bas prix contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Les nouveaux adhérents (Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Maurice, Namibie, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Sao Tome et Principe et Togo) «s'engagent à mettre en oeuvre des financements innovants du développement, essentiellement sous forme de contributions de solidarité sur les billets d'avion, dont tout ou partie est alloué à UNITAID». Cette initiative lancée à New York en septembre 2006 par le Brésil, le Chili, la France, la Norvège et le Royaume. UNITAID «disposera de 300 millions d’euros dès 2007, pour des projets dans 50 pays», a souligné le président Chirac dans son discours, en ajoutant que «la France lui verse le produit du prélèvement sur les billets d’avions qu’elle a créé en juillet dernier».
par Elisa Drago
Article publié le 16/02/2007 Dernière mise à jour le 16/02/2007 à 15:18 TU