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Exposition

«Les Enrubannées» à Saint-Etienne

L'affiche des Enrubannées 

		(Photo : Jérôme Schlomoff)
L'affiche des Enrubannées
(Photo : Jérôme Schlomoff)
Le Musée d’art et d’industrie de Saint-Etienne détient la plus importante collection de rubans au monde. Le lieux rêvé pour cet hommage que la Haute Couture rend à cette petite bande d’étoffe qui a traversé les époques, les modes et les techniques et qui, de garniture et ornement, en vient à être le matériau unique des robes imaginées par les six créateurs réunis pour cette exposition «Les enrubannées».

Qu’y a-t-il de commun entre la griffe du couturier cousue au dos d’une robe, la bande enroulée autour d’une cheville foulée, la décoration à la boutonnière, le petit nœud de satin au creux d’un soutien gorge, le gros en velours dans les cheveux, ou celui qu’il faut dénouer pour ouvrir la boite de chocolats, ou encore  la sangle du siège automobile ? Eh bien tous répondent à la définition du ruban : « une bande de tissu de largeur  variable, de quelques millimètres à vingt, voire trente centimètres, avec une lisière qui en assure la solidité, mais peut aussi  constituer un élément ornemental.» Une définition recueillie auprès de Sylvie Marot,  commissaire de l’exposition «Les enrubannées», présentée actuellement au Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne.

«Donner de la visibilité au ruban…

qui est partout sans être forcément identifié» dit Nadine Besse, conservatrice du Musée d’Art et d’Industrie, en présentant  l’exposition. Mais donner de la visibilité au ruban, c’est aussi en donner à un patrimoine industriel et un savoir-faire qui continuent  à vivre dans une trentaine de petites entreprises de Saint-Etienne et de sa région. Connue comme la ville des armes et du cycle, avec sa fameuse manufacture -  Manufrance -  Saint-Etienne fut aussi  la capitale mondiale du ruban et le Musée d’Art et d’Industrie, avec 1,5 millions d’échantillons indexés, détient la plus importante collection au monde de rubans, constituée autour du très riche fonds de modèles déposés depuis deux siècles au Conseil des Prudhommes, l’équivalent du dépôt légal pour les ouvrages écrits.

Métier à ruban Jacquard (Photo : Danielle Birck/ RFI)
Métier à ruban Jacquard
(Photo : Danielle Birck/ RFI)
Rubans de soie façonnés et brochés vers 1840. (Photo : Y.Bresson/ MAISE)
Rubans de soie façonnés et brochés vers 1840.
(Photo : Y.Bresson/ MAISE)

Le ruban à Saint-Etienne, c’est une histoire qui remonte au XVIe siècle, dans la mouvance du travail des soyeux lyonnais et l’apparition des premiers métiers à tisser la soie, à une époque où les vêtements des plus nantis se surchargent d’ornements. Affranchie de la tutelle lyonnaise à la fin du XVIIIe siècle, la rubanerie stéphanoise connaît son véritable âge d’or au siècle suivant, grâce «aux innovations apportées par les Stéphanois sur leur matériel et notamment, précise Nadine Besse, la mise au point du métier à plusieurs pièces, avec la mécanique Jacquart et ses nombreuses navettes  qui leur ont donné une longueur d’avance sur la concurrence et leur ont permis de  conserver et conquérir des marchés au niveau mondial». Des perfectionnements techniques qui permettent aux rubaniers de réaliser pleinement leur art avec notamment la représentation de motifs floraux sur les rubans.   

Eymeric François - «L'Adonide Goutte de sang» - Robe en rubans satin tressés. © Jérôme Schlomoff / MAISE
Eymeric François - «L'Adonide Goutte de sang» - Robe en rubans satin tressés.
© Jérôme Schlomoff / MAISE

Un savoir faire qui va s’adapter aux mutations des techniques et modes de vie dans la seconde moitié du XXe siècle, en se tournant vers le ruban utilitaire «mais toujours avec un certain cachet», souligne Nadine Besse, que ce soit pour les industries de pointe, aéronautique ou automobile, ou le bio-médical qui constitue une part importante du marché actuel. Et bien sûr, la Haute Couture, qui s’est emparé du ruban, non plus comme un simple ornement ou accessoire,  mais comme un matériau à part entière, comme «l’étoffe première des créateurs de mode», pour reprendre la formule de Sylvie Marot, qui a écumé les défilés pour préparer «Les enrubannées», sans qu’on sache d'ailleurs si le terme désigne ces robes faites entièrement de ruban, ou les femmes susceptibles de s’y glisser. 

Maurizio Galante - Robe en lacets et perles vénitiennes. © Jérôme Schlomoff / MAISE
Maurizio Galante - Robe en lacets et perles vénitiennes.
© Jérôme Schlomoff / MAISE

Des robes signées Chanel, Givenchy, Jean-Paul Gaultier, Franck Sorbier, Maurizio Galante ou Eymeric François, et où le ruban n’est pas forcément évident à première vue, tant le travail  dont il a été l’objet le métamorphose et brouille la perception qu'on en a habituellement. Mais le propos, justement, n’est-il pas de «donner de la visibilité au ruban, d’apprendre à le voir partout où il est"?  Et c’est le mérite du Musée d’art et d’industrie de jeter ce pont entre le passé et le présent du ruban, mais aussi entre le passé et le futur d’une ville.  

De la cité industrielle à la ville d’art et d’histoire

Le Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne. (Photo : Philippe Hervouet)
Le Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Etienne.
(Photo : Philippe Hervouet)

Le ruban n’est pas seul à s’afficher  au Musée d’art et d’industrie. Il côtoie deux autres fleurons du patrimoine industriel de Saint-Etienne : les armes et les cycles. Ce patrimoine des XIXe et XXe siècles  que l’ancienne cité houillère et métallurgique  s’efforce de faire revivre autrement, après la transformation de la mine en musée, des anciennes forges et aciéries en destinations touristiques, après la fermeture de Manufrance, après le départ de GIAT  industrie (le groupement industriel pour l’armement terrestre venu s’installer sur le site de la Manufacture d’armes et de cycles) et après le repli économique et démographique qui a suivi l’arrêt ou la réduction de secteurs importants de l’activité industrielle de la région stéphanoise.

C’est  en s’appuyant sur le savoir-faire acquis au fil de son histoire industrielle, que Saint-Etienne est en train d’opérer sa reconversion. L’instauration en 1998 de Biennales internationales du Design et la mise en place d’une Cité du Design qui ouvrira ses portes en 2008, sont au cœur de cette reconversion, «parce que, explique Michel Thiollière, maire de Saint-Etienne depuis 1994, nous sommes une ville  qui a toujours su fabriquer des objets, des produits (…) et ces savoirs-faire que nous avons toujours chez nous doivent être aujourd’hui portés à un haut niveau technologique. Et cette Cité du design est là pour faire se rencontrer les industriels, les fabricants, mais aussi les designers, les artistes qui dessinent les objets et les conçoivent, et aussi, c’est important, tout ce qui est du domaine de la recherche, de l’enseignement supérieur, parce que c’est au croisement de ces disciplines que se fonde en quelque sorte l’économie d’aujourd’hui  et que s’inventent les modes de vie en société[1]

Le chantier du futur Zénith de Saint-Etienne. (Photo : Danielle Birck/ RFI)
Le chantier du futur Zénith de Saint-Etienne.
(Photo : Danielle Birck/ RFI)

Labellisée récemment «Ville d’art et d’histoire», Saint-Etienne peut s’enorgueillir aussi d’un impressionnant Musée d’art moderne, le deuxième après le centre Georges Pompidou, par l’importance de sa collection, d’une salle d’opéra qui est la quatrième par sa fréquentation – ce n’est que justice pour la ville natale du compositeur Jules Massenet -  d’une scène théatrale nationale  et bientôt d’une salle de spectacle Zénith de 7000 places conçue par le grand architecte britannique Norman Foster… et Saint-Etienne travaille à sa candidature pour devenir Capitale européenne de la culture en 2013.


par Danielle  Birck

Article publié le 03/03/2007 Dernière mise à jour le 03/03/2007 à 12:43 TU

[1] Michel Thiollière est l’auteur de  Quelle ville voulons-nous ?, que viennent de publier les éditions Autrement

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