Présidentielle 2007
Laguiller : sa dernière campagne pour les travailleurs
(Photo : C. Wissing / RFI)
Il faut prendre l’argent là où il est. Autrement dit, dans les poches des actionnaires qui encaissent des dividendes. C’est en tout cas ce que préconise Arlette Laguiller : «Si on ne veut pas toucher aux dividendes, alors pas plus la gauche que la droite ne changeront les choses». La porte-parole du parti d’extrême-gauche, Lutte ouvrière, qui s’exprimait au Centre d’accueil de la presse étrangère à Paris, a rejeté les critiques selon lesquelles elle manque de réalisme en proposant de telles mesures. A l’entendre ce qui n’est pas «réaliste», c’est de ne pas dénoncer la distribution de «41% des dividendes des grandes entreprises aux actionnaires». Il y a là une manne financière susceptible, selon elle, de permettre la mise en œuvre des mesures qu’elle préconise pour améliorer les conditions de vie des salariés. Par exemple, l’augmentation des salaires de 300 euros, nécessaire pour «combler le retard par rapport à l’augmentation du coût de la vie», ou le passage au Smic (salaire minimum) à 1 500 euros nets. Deux mesures qu’elle juge nécessaires immédiatement.
Ni Sarkozy, ni Royal
La porte-parole de Lutte ouvrière n’y va pas par quatre chemins pour expliquer ce qui justifie sa présence dans la course à l’Elysée : «Le programme de Ségolène Royal ne me satisfait pas». Et elle ajoute : «On peut haïr la politique de Sarkozy sans donner un quitus à Royal. Et cela ne peut se faire qu’au premier tour». Arlette Laguiller, qui a obtenu 6% des voix en 2002, estime donc qu’elle a un rôle à jouer pour faire entendre la voix des travailleurs. Pas question dans ces conditions de céder à la logique du vote utile, prônée par le Parti socialiste pour éviter la dispersion des voix de gauche, dont Lionel Jospin avait souffert lors de la dernière présidentielle. Et la candidate de LO de dénoncer la position de celle du Parti communiste, Marie-George Buffet, qui critique Ségolène Royal mais «n’a qu’une idée : refaire la gauche plurielle».
Arlette Laguiller trouverait «normal» que tous les candidats qui «représentent un courant» puissent participer à l’élection présidentielle. Donc obtiennent les parrainages d’élus nécessaires. Elle refuse néanmoins de manifester un soutien à la démarche de Jean-Marie Le Pen, le leader du Front national, qui a alerté l’opinion sur les difficultés rencontrées dans la collecte des signatures : «Je ne ferais appel à personne pour que Le Pen ait ses signatures». Une manière de mettre en cause la position de l’UMP de Nicolas Sarkozy qui essaie d’inciter les élus à le parrainer.
Concernant sa propre collecte, Arlette Laguiller se dit «confiante», même si elle précise qu’«on peut chuter à trois parrainages près». Elle a néanmoins subi des déboires de dernière minute. Certains maires qui lui avaient promis de signer pour elle, se sont désistés. La candidate de Lutte ouvrière annonce que 450 signatures ont été déposées auprès du Conseil constitutionnel, alors qu’elle avait 512 promesses. Une situation qu’elle explique par l’annonce de nouvelles candidatures entre le moment où elle avait contacté les élus et l’ouverture officielle de la période de parrainages. Par exemple, celle de José Bové, l’ex-syndicaliste paysan devenu leader du mouvement des collectifs anti-libéraux. Même si cela la place dans une position plus délicate que prévue, Arlette Laguiller ne met pas en cause la multiplication des candidatures dans sa famille politique d’extrême-gauche. Elle ne s’en prend pas, non plus, au Parti socialiste qui mène campagne pour limiter le danger de la dispersion des voix. Arlette Laguiller ne nie pas qu’il y ait «certainement des pressions» sur les élus. Mais elle estime qu’il y a suffisamment de maires «sans étiquette», qui font preuve «d’indépendance», pour que chacun obtienne ses parrainages.
Plus douce
C’est sa dernière campagne et l’on sent que la patine du temps a peut-être adouci Arlette Laguiller. Certes, elle est toujours très convaincue de la nécessité de lutter contre les inégalités sociales et la loi des grands patrons. Mais elle le fait d’une voix douce, sans éclat, avec un sourire aimable et des petits plis autour des yeux qui lui donnent un air complice avec ses interlocuteurs. Elle revendique toujours mais se rebiffe moins. Trente ans ont passé et la révolution n’a pas eu lieu. L’heure de la succession n’a pas encore sonné. Elle tient d’ailleurs à le rappeler : ce n’est pas la question du jour. Pour l’instant, «je suis candidate». Mais on sent que le moment est venu.par Valérie Gas
Article publié le 07/03/2007 Dernière mise à jour le 07/03/2007 à 15:57 TU