Mauritanie
Scrutin présidentiel plus ouvert que jamais
(Photo : Reuters)
C’est une atmosphère nouvelle qui règne dans la capitale mauritanienne depuis quelques semaines. Plusieurs fois par jour, on se téléphone pour connaître les dernières tendances, et les pronostics, avec une question récurrente «y aura-t-il un ou deux tours ?». L’ancien chef de l’Etat Ould Taya est toujours passé au premier tour mais cette fois-ci, avec dix-neuf candidats dont plusieurs poids lourds, et poids moyens, ce cas de figure semble peu probable. Durant cette campagne présidentielle, chaque meeting, chaque discours ou nouvelle rumeur a troublé un peu plus les esprits et alimenté de longues conversations de salon. Pour la première fois dans l’histoire du pays, un chef de l’Etat en exercice ne se présente pas, et tout ceux qui ont l’habitude de soutenir le pouvoir en place se trouvent aujourd’hui dans l’embarras.
Pendant les deux semaines de campagne, les Mauritaniens ont bu du thé sous les tentes traditionnelles dressées pour la campagne, et participé à quelques animations. Mais l’atmosphère était plus morose qu’à l’accoutumée. Peu de partis ont trouvé les finances pour entretenir le folklore, dans un contexte où les moyens de l’Etat ne pouvaient plus être en théorie utilisés. La plupart des candidats étant à l’intérieur du pays pour leur marathon électoral, ils n’ont animé la campagne que les derniers jours dans la capitale. Les meetings de clôture ont draîné des milliers de personnes, provoquant même parfois des mouvements de foule dangereux, faute de service d’ordre minimum. Les candidats se sont évertués à mobiliser les foules sur leur programme. Le renforcement de l’unité nationale, l’emploi des jeunes, le développement rural, l’instauration d’un véritable Etat de droit, sont autant de thèmes partagés par chacun des postulants à la présidence. Certains se sont distingués par leur position à l’égard des relations diplomatiques avec Israël, par leur volonté de faire appliquer plus strictement la loi islamique, mais tous savent que beaucoup d’électeurs ne voteront pas pour ces programmes qu’ils ne connaissent que très peu. Ce qui compte ici en Mauritanie, c’est surtout l’homme, son histoire, son statut de militaire ou de civil, son appartenance régionale et les soutiens dont il bénéficie. Le vote sera-t-il largement tribal, c’est aussi une inconnue. Les pressions des notables et de la famille, voire de la tribu, jouent toujours leur rôle même si les dernières législatives de novembre ont montré une plus grande liberté dans le vote, qui pourrait être ou non confirmée ce dimanche.
L’enjeu de ce vote est de savoir surtout ce que veulent les Mauritaniens aujourd’hui. Durant 19 mois on a beaucoup parlé de démocratisation, de changement, de juste répartition des richesses du pays et de liberté retrouvée mais les résistances sont aussi très fortes. Beaucoup n’ont pas intérêt à ce qu’un nouveau mode de gouvernance s’installe, et d’autres ont tout simplement peur de l’inconnu.
Ce dimanche, plus de trois cent observateurs évalueront la transparence du scrutin. La transparence et la neutralité de l’administration sont les conditions nécessaires à l’acceptation des résultats par tous ; depuis les premières élections multipartites de 1992, les scrutins ont toujours été contestés dans le pays. A quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote, le président de la Ceni, Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine a d’ailleurs appelé tous les participants à faire preuve de discipline, de calme, et de convivialité. «Nous comptons sur l’esprit de fair-play qui a prévalu lors des derniers scrutins. La démocratie, c’est d’accepter de perdre si on veut un jour être accepté quand on a gagné».
par Marie-Pierre Olphand
Article publié le 10/03/2007 Dernière mise à jour le 10/03/2007 à 18:32 TU