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Présidentielle 2007

Allons ensemble vers la VIe République

Ségolène Royal, le 18 mars 2007 lors d'un meeting à Paris. 

		(Photo: Reuters)
Ségolène Royal, le 18 mars 2007 lors d'un meeting à Paris.
(Photo: Reuters)
Ségolène Royal est entrée dans le débat sur les institutions. Elle a préconisé, devant une assemblée d’élus socialistes réunis à Paris le 18 mars, de passer à la VIe République en cas de victoire à l’élection présidentielle. Cette proposition, qui ne figure pas dans le projet du Parti socialiste, montre sa volonté de garder une capacité d’initiative propre pour pouvoir se positionner sur des thèmes forts dans la campagne électorale, où elle subit actuellement la concurrence du centriste François Bayrou.

Avec la Marseillaise pour la première fois en fin de meeting, Ségolène Royal a fait vibrer la corde républicaine, le 18 mars, devant quatre mille élus socialistes. La candidate a choisi de donner un coup d’accélérateur à sa campagne en avançant sur la question éminemment présidentielle de la réforme des institutions. De nouveau «libre», comme elle l’a annoncé lors de l’émission «A vous de juger» sur France 2 il y a quelques jours, la candidate a proposé d’aller plus loin que ce qu’avait envisagé le Parti socialiste. Elle a franchi la barrière des mots et qualifié pour la première fois «la nouvelle République» de son pacte présidentiel de sixième du nom. Ségolène Royal a néanmoins pris soin d’associer les maires, les conseillers généraux et régionaux du PS présents, à la mise en œuvre de sa République nouvelle formule en les qualifiant «d’acteurs à l’avant-garde». «Libre» et socialiste à la fois.

La réforme proposée par Ségolène Royal repose sur quatre «piliers» : démocratie parlementaire revivifiée, démocratie sociale, démocratie participative, démocratie territoriale. Pêle-mêle, le changement passerait notamment par l’instauration d’un mandat parlementaire unique, la suppression de l’article 49-3 de la Constitution qui permet de faire passer des lois sans vote, la concertation préalable à toute réforme sociale, la promotion d’un syndicalisme de masse, le référendum d’initiative populaire, la décentralisation dans les régions de certaines compétences (gestion des bâtiments universitaires ou des  prisons), la création de jurys citoyens pour évaluer les politiques publiques… Ségolène Royal prévoit d’organiser, dès l’automne 2007, un référendum populaire sur un texte, qu’elle a présenté lors d’un point de presse organisé dans son antenne de campagne boulevard Saint-Germain, lundi 19 mars, comme une «nouvelle Constitution».

Un message politique

Ces propositions ne vont pas aussi loin que celles faites, depuis plusieurs années, par Arnaud Montebourg, aujourd’hui l’un des porte-parole de Ségolène Royal. Celui-ci fait partie des critiques les plus virulents du fonctionnement des institutions actuelles et a proposé le passage à une VIe République où le Premier ministre deviendrait le véritable responsable de l’exécutif et où les pouvoirs du Parlement seraient renforcés. Une réforme que le Parti socialiste n’avait pas intégrée dans la synthèse réalisé lors du Congrès du Mans en novembre 2005. Les mesures préconisées par Ségolène Royal ne remettent pas en cause aussi profondément le système institutionnel. Le constitutionaliste Didier Maus a expliqué au micro de Véronique Rigolet pour RFI : «Je considère qu’on ne serait pas encore dans la VIe République parce que la VIe République consisterait à abandonner véritablement ce qui fait l’originalité de la Ve République, c’est-à-dire le système présidentiel avec une composante parlementaire. Or rien de ce qui, à mon avis, a été évoqué ne va dans ce sens».

Il semble donc qu’en parlant du passage à la VIe République, la candidate socialiste a essayé d’envoyer un message politique aux Français, plutôt que de conceptualiser une véritable réforme institutionnelle, même si elle a affirmé s’être appuyée sur les travaux des deux présidents des groupes socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat, Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel, travaux consacrés à cette question. Au moment où la campagne pour l’élection présidentielle change de braquet à cinq semaines du premier tour, il faut marquer des points sur le terrain des propositions. Et pour Ségolène Royal, la nécessité de prendre des initiatives est d’autant plus grande que François Bayrou la talonne dans les sondages depuis un mois. L’évocation de la VIe République a donc donné à la candidate socialiste l’occasion de ranger ses deux principaux adversaires au rayon de l’immobilisme et du passéisme : «Nous laissons le soin à Nicolas Sarkozy et François Bayrou de s’agripper aux oripeaux de la Ve République». Donc de se réapproprier la thématique du changement et du renouveau des pratiques politiques.

Stop ou encore ?

Ces attaques qui classent le candidat de l’UMP et celui de l’UDF dans le même panier sont tout de même un peu rapides. Tout d’abord parce que François Bayrou a lui aussi pris position en faveur de l’abandon de la Ve République. Il a notamment établi un diagnostic très sévère sur le fonctionnement des institutions au moment de la crise du contrat première embauche (CPE). Il a affirmé que la décision de Jacques Chirac de promulguer la loi qui créait le contrat et de demander en même temps qu’elle ne soit pas appliquée, était significative de «la déliquescence des institutions». Le candidat centriste s’est déclaré favorable à un changement qui donnerait plus de responsabilité au président de la République, en face duquel le Parlement exercerait un véritable contre-pouvoir. A la suite des propositions de Ségolène Royal, il a précisé que lui aussi soumettrait son projet aux Français par référendum mais qu’en plus, il inviterait «tous les partis politiques à participer à la définition de cette nouvelle règle du jeu».

S’il est, par ailleurs, exact que Nicolas Sarkozy ne plaide pas pour un changement de République, il a néanmoins lui aussi fait des propositions dans le domaine des institutions. Le candidat de l’UMP a ainsi évoqué des modifications pour améliorer leur efficacité en donnant un rôle plus direct au président de la République dans la mise en œuvre de la politique gouvernementale et en le rendant responsable devant le Parlement. Le porte-parole de l’UMP, Luc Chatel, a dans ce contexte critiqué le positionnement récent de Ségolène Royal : «Ce qui nous inquiète, finalement, ce sont les risques d’expériences hasardeuses, les risques de modifier considérablement nos institutions alors que nous pensons que les problèmes de fond de notre pays ne sont pas là». A chaque candidat sa vision de la République.

par Valérie  Gas

Article publié le 19/03/2007 Dernière mise à jour le 19/03/2007 à 14:37 TU

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Didier Maus

Directeur de la «Revue française du droit constitutionnel»

«Pour l'instant, Mme Royal reste dans la logique de la Ve République.»

[19/03/2007]

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