Présidentielle 2007
Les électeurs de 2007
(Photos: AFP)
Le portrait des Français
La France est de plus en plus vieille. On dénombre aujourd’hui, selon l’Insee, plus de 16% de Français âgés de plus de 65 ans, contre environ 14% en 1995. Cette tendance devrait d’ailleurs s’accentuer dans les prochaines années. Les projections pour 2050 indiquent que les 65 ans et plus devraient représenter environ 26% de la population à cette date.
Au-delà de cette donnée démographique, on note des évolutions dans les différentes catégories socioprofessionnelles. Le nombre d’exploitants agricoles est en baisse. Ils représentent actuellement à peu près 3,5% de la population active, soit un peu plus de 800 000 personnes. Bien moins que les fonctionnaires qui sont environ 5 millions. Ces derniers ont d’ailleurs bénéficié d’un boom entre 1982 et 2003, période durant laquelle l’emploi dans la fonction publique a augmenté de 24%, alors que l’emploi total n’a crû que de 13%. On dénombre aussi 7 millions d’ouvriers et le même nombre d’employés en France. Ces deux catégories de population dites «populaires» réunies représentent donc environ le quart des voix.
Le profil des électeurs
(Photo: AFP)
Sur plus de 62 millions de Français, on dénombre 44,5 millions d’électeurs. Cette statistique du ministère de l’Intérieur indique une augmentation de 8% du corps électoral par rapport au dernier scrutin présidentiel de 2002. Soit 3,3 millions de votants potentiels en plus. Une enquête de l’institut Ifop montre néanmoins que si les Français ont été nombreux à s’inscrire sur les listes et à manifester de l’intérêt pour la campagne, ils sont aussi nombreux à ne pas être sûrs de leur choix. A un mois de l’élection, 46% des électeurs seraient encore indécis. Cette situation semble être le fruit d’un «scepticisme» face aux candidats des grands partis de gouvernement et d’une désillusion face aux politiques menées. Des sentiments qui se sont accrus ces dernières années. Les électeurs sont de plus en plus «volatiles», ils raisonnent de moins en moins en fonction du clivage droite-gauche. Bref, le vote lié n’est plus ce qu’il était : les enseignants sont moins socialistes qu’avant, les ouvriers ont voté à 30% pour Jean-Marie Le Pen en 2002, traditionnellement les paysans penchent à droite, mais… ? En 2007, pas facile de faire des pronostics sur la pêche aux voix.
Les jeunes et les étudiants
(Photo: AFP)
La création du CPE (contrat première embauche) a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Elle a révélé une grave crise de confiance chez les jeunes en général, les étudiants en particulier. Ils sont descendus dans la rue et ont manifesté l’année dernière durant plusieurs semaines contre une mesure qui permettait à un employeur d’imposer à un jeune salarié (moins de 26 ans) une période d’essai de deux ans au lieu d’un. Donc de le licencier sans justification pendant ce laps de temps. Ils ont interprété cela non pas comme un assouplissement des règles visant à faciliter l’embauche, mais comme une véritable mesure discriminatoire. D’autant plus insupportable qu’elle semblait venir compliquer encore le parcours du combattant du jeune à la recherche d’un premier emploi.
Face au découragement et parfois à la colère des jeunes, les principaux candidats n’ont eu de cesse de les mettre en avant et de leur lancer des appels durant leur campagne électorale. Qu’il s’agisse de Ségolène Royal, de Nicolas Sarkozy ou de François Bayrou, ils ont chacun à leur manière envoyé des signaux d’espoir. Tous les trois ont même accepté l’invitation de la radio Skyrock, dont l’auditoire est composé quasi-exclusivement de moins de 25 ans. Pas question de laisser ceux qui représentent la France et les électeurs de demain sans perspective d’avenir.
Ségolène Royal plaide pour un projet où la jeunesse n’est pas «infantilisée» et n’est pas «considérée comme une charge ou une menace». Elle propose aux étudiants d’améliorer leur quotidien et leur indépendance en créant pour eux une «allocation d’autonomie» et un prêt gratuit de 10 000 euros pour leur permettre de réaliser un projet. Elle envisage aussi, par exemple, de créer 500 000 emplois-tremplin et un nouveau contrat financé par l’Etat, destiné aux jeunes de 16 ans en formation professionnelle dans le secteur de l’artisanat et du commerce, afin de faciliter la première embauche. Ou encore d’instaurer la gratuité des soins jusqu’à 16 ans. Nicolas Sarkozy se situe sur le même registre mais pose plus clairement les conditions, fidèle à sa logique suivant laquelle à chaque droit correspond un devoir. Il propose de créer une allocation de formation mais de conditionner son versement à l’assiduité des étudiants. Il souhaite la mise en place de prêts à taux zéro garantis par l’Etat pour financer un projet dont le remboursement aura lieu après que le jeune a trouvé un premier emploi. Tous les deux sont favorables à un service civil obligatoire. Une mesure qui n’est pas forcément susceptible de les rendre très populaires auprès des jeunes. François Bayrou a, quant à lui, profité du Salon de l’Etudiant pour donner sa vision des jeunes : «Il ne faut pas les regarder comme des électeurs, comme des voix à prendre. Il faut les regarder comme ceux qui vont porter le pays». Il affirme donc que l’éducation sera l’un de ses chantiers prioritaires et qu’il garantira les moyens dans ce domaine. Et il fixe un objectif : faire des «jeunes français les jeunes les mieux formés au monde».
Les retraités
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Beaucoup de retraités ont du mal à boucler les fins de mois. Plus de deux millions d’entre eux (sur un total d’environ 13 millions) vivent avec un revenu net compris entre 620 euros, le montant du minimum vieillesse, et 984 euros, celui du salaire minimum (Smic). Et des sondages indiquent qu’ils estiment avoir besoin d’environ 300 euros supplémentaires chaque mois pour vivre correctement. La situation des femmes qui touchent des pensions de réversion après le décès de leurs époux est parmi les plus difficiles et les plus fragiles. La question du financement des retraites et du maintien du niveau de vie des retraités est donc particulièrement importante. D’autant plus que la population âgée va augmenter dans les prochaines années. En 2020, on devrait compter 15 millions de personnes de plus de 65 ans, soit 5 millions de plus qu’en 2000.
Les candidats l’ont bien compris. La plupart d’entre eux ont fait des propositions qui s’adressent directement aux électeurs retraités les plus modestes. Ségolène Royal a ainsi affirmé qu’elle procèderait, dès son élection, à une revalorisation de 5% des retraites inférieures à 984 euros nets. Pour François Bayrou aussi, il est nécessaire d’augmenter le montant des petites retraites pour atteindre 920 euros en 5 ans. Nicolas Sarkozy prévoit, lui, de faire passer le minimum vieillesse de 620 à 788 euros et d’augmenter le niveau des pensions de réversion. Jean-Marie Le Pen se situe sur un autre terrain : il préconise de séparer les caisses de retraite des nationaux et des étrangers.
Tous les retraités ne sont pas démunis. Certains disposent de revenus encore élevés et surtout d’économies qui leur permettent d’aider les membres de leur famille, notamment lorsqu’ils veulent accéder à la propriété. Nicolas Sarkozy estime qu’ils représentent une ressource non négligeable. Il veut donc encourager la solidarité familiale qui représente pour lui un autre moyen de relancer la consommation. Le candidat de l’UMP est favorable à la mise en place de mesures fiscales avantageuses pour faciliter les donations aux enfants ou petits enfants. Et il propose dans son programme une franchise d’impôt sur les successions. François Bayrou préconise, lui, une exonération des droits de succession en ligne directe jusqu’à 200 000 euros de patrimoine.
Les enseignants
(Photo: AFP)
Les enseignants ne sont pas dans les meilleures dispositions en cette année d’élection présidentielle. Ils sont descendus trois fois dans la rue en un an pour dénoncer l’absence de considération dont ils sont l’objet et la détérioration constante de leurs conditions de travail alors qu’ils doivent faire face à la dégradation générale du contexte socio-éducatif. Moins de personnels, des objectifs pédagogiques parfois inadaptés aux moyens, de plus en plus d’établissements sensibles et de violences dans le cadre scolaire : les enseignants en ont ras-le-bol. La dernière grande journée d’action a eu lieu le 20 mars. Elle a été organisée pour protester contre les décrets du ministre de l’Education nationale, Gilles de Robien, qui prévoient l’allongement du temps de travail sans contrepartie de salaire et donnent aux chefs d’établissement la possibilité d’imposer aux professeurs d’enseigner une deuxième discipline (bivalence). La suppression annoncée de 5 000 postes à la rentrée prochaine a complété le tableau des revendications des enseignants.
La mobilisation a été moins forte cette fois-ci que lors des deux précédents mouvements : 38% pour les syndicats, 17,5% selon le ministère. Est-ce que cela dénote une accalmie -comme l’a affirmé Gilles de Robien- ou une lassitude ? Difficile de le savoir. Mais il est certain que le prochain président de la République aura le dossier sensible des enseignants sur son bureau. Avec en tête de liste les questions du manque d’effectifs, du temps de travail et de la rémunération.
Et les syndicats ont bien fait comprendre aux candidats qu’ils avaient tout intérêt à manifester leur bonne volonté avant les élections. Il est vrai que le vote des quelque 850 000 professeurs de France peut faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. D’autant que l’on a noté, à l’occasion du dernier scrutin, que les réflexes électoraux de cette catégorie de fonctionnaires avaient changé. Les enseignants ne votent plus socialiste aussi systématiquement qu’avant. En 2002, ils n’ont été que 27 % à apporter leur suffrage à Lionel Jospin, contre 15 % au candidat écologiste Noël Mamère, 12 % à Jacques Chirac, 8 % au centriste François Bayrou et 7 % à la candidate d’extrême-gauche Arlette Laguiller.
En 2007, Ségolène Royal risque de ne pas améliorer le score de son prédécesseur. La diffusion sur Internet d’une vidéo où la candidate socialiste demandait l’allongement du temps de présence des enseignants dans les établissements n’a pas été du goût de ces derniers. Cet épisode de la campagne interne au Parti socialiste a eu pour effet de dégrader un peu plus encore une relation mal en point depuis la tentative de Claude Allègre, alors ministre de l’Education nationale, de «dégraisser le mammouth». Les enseignants ont été déçus par le passage de la gauche au pouvoir.
Nicolas Sarkozy qui annoncé son intention de ne pas renouveler un poste de fonctionnaire sur deux -une promesse vécue comme une menace par les professeurs-, ne fait pas non plus l’unanimité dans le corps enseignant. François Bayrou, en revanche, ne bénéficie pas d’une mauvaise image. Des sondages indiquent que l’hypothèse d’un vote pour le candidat centriste est envisagée sérieusement par les enseignants.
Les ouvriers et les patrons
(Photo: AFP)
Chômage et bas salaires pour les premiers, charges sociales trop élevées pour les seconds : comment réconcilier les ouvriers et les patrons ? Nicolas Sarkozy propose sa solution : permettre de travailler plus pour gagner plus. Ce qui signifie du point de vue des employeurs : surmonter la contrainte des 35 heures en ne payant pas de charges sur les heures supplémentaires. Et pour le salarié : avoir la possibilité d’obtenir une rémunération plus élevée en travaillant plus longtemps. L’objectif de Nicolas Sarkozy est de créer les conditions pour une augmentation générale des salaires grâce à une relance de l’activité des entreprises.
Ségolène Royal s’est appliquée elle aussi à mettre en avant la valeur travail. Mais elle ne préconise pas le même genre de mesures. La candidate socialiste veut faire passer le Smic à 1 500 euros dans les cinq années du mandat présidentiel. Et elle entend conditionner l’octroi des aides de l’Etat aux entreprises à un comportement citoyen, c’est-à-dire à l’engagement de ne pas licencier sans raison ou délocaliser de manière sauvage.
François Bayrou envisage un certain nombre de solutions pour faciliter les embauches et réduire le chômage. Il veut notamment exonérer les entreprises de charges sociales pendant cinq ans pour la création de deux nouveaux emplois.
Quelles que soient les différences entre les principaux candidats, ils semblent tous conscients de la nécessité de renouer le dialogue entre les partenaires sociaux et de mettre la négociation comme préalable des réformes importantes. Notamment celles qui concernent le droit du travail, nœud des relations entre patrons et ouvriers.
Les agriculteurs
(Photo: AFP)
Ils étaient deux millions il y a 25 ans, les agriculteurs ne sont plus qu’environ 800 000 aujourd’hui. Le niveau de vie des paysans est en baisse. Ils font partie des catégories socio-professionnelles les plus touchées par l’endettement et le problème des petites retraites (il y a 1,9 million de retraités dans ce secteur). Si leur poids démographique est réduit, ils représentent néanmoins un électorat jugé influent. Les principaux candidats à la présidentielle ont d’ailleurs manifesté leur intérêt pour ce secteur en se rendant tous au Salon de l’agriculture. Il semble néanmoins que les problématiques agricoles ne sont pas en tant que telles au cœur de la campagne. Lorsque les candidats les abordent, c’est généralement soit par le biais de l’environnement, soit par celui de l’Europe.
A l’heure où la protection de la planète et des ressources naturelles est devenu un enjeu mondial, le monde agricole est de plus en plus confronté à la nécessité de faire sa révolution écologique pour diminuer la pollution. Mais passer de l’agriculture dite «productiviste» à l’agriculture «propre» ne va pas si facilement de soi et nécessite des investissements. Les paysans se trouvent aussi au cœur de la question des OGM (organismes génétiquement modifiés). La culture de plantes transgéniques est loin de faire l’unanimité et le prochain gouvernement devra certainement ouvrir un débat sur cette question. Plusieurs candidats se sont d’ailleurs d’ores et déjà prononcés en faveur d’un moratoire sur les cultures d’OGM en plein champ, notamment Ségolène Royal et François Bayrou. Un point de vue que Nicolas Sarkozy a finalement lui aussi rallié.
Les agriculteurs français sont, par ailleurs, les premiers bénéficiaires de la Politique agricole commune (PAC). Ils craignent donc les effets de la réforme en cours qui doit rééquilibrer l’attribution des subventions au profit des agriculteurs des pays récemment entrés dans l’Union. Ils sont ainsi directement concernés par la question européenne et les négociations entre Etats qui ont lieu à Bruxelles. Les agriculteurs attendent du futur président qu’il défende leurs intérêts dans les institutions européennes et prépare, dès maintenant, la mise en place des nouvelles règles qui doit intervenir en 2013. Ce que François Bayrou, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se sont tous engagés à faire. Des promesses que les syndicats professionnels comme la FNSEA rappelleront à celui qui sera élu en temps voulu, par exemple au moment des législatives du mois de juin. Un scrutin pour lequel ils exercent traditionnellement leur influence.par Valérie Gas
Article publié le 09/04/2007 Dernière mise à jour le 09/04/2007 à 16:07 TU