Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

États-Unis

La science, la religion et la politique

Sam Brownback, candidat à l'investiture républicaine, a voté contre le projet de recherche sur les cellules souches. 

		(Photo : AFP)
Sam Brownback, candidat à l'investiture républicaine, a voté contre le projet de recherche sur les cellules souches.
(Photo : AFP)

Le vote du Sénat américain en faveur du financement des recherches sur les cellules d'embryons n'évitera pas le veto du président George W. Bush.
Dès 2001, celui-ci s'était engagé à combattre ce programme au nom de ses convictions religieuses et du respect de la vie humaine. Ses partisans ont proposé une autre loi en guise de compromis politique.


Le budget du programme de recherche sur les cellules d’embryons a été approuvé au Sénat américain par 63 voix contre 34, mais les scientifiques n’en verront certainement pas un sou.

Le président George W. Bush a d'ores et déjà annoncé qu'il opposera son veto à ce budget. 

17 républicains ont voté mercredi en faveur de la loi que récuse leur représentant en poste à la Maison Blanche. Trois démocrates étaient absents. Il manquait une seule voix pour passer outre le veto du président.

«La loi transgresse une frontière morale que moi et beaucoup d’autres trouvons troublante», a déclaré George W. Bush, après le vote des sénateurs.

En 2006 alors que le Congrès, à l’époque à majorité républicaine, avait déjà voté une telle loi, George W. Bush avait utilisé son droit veto pour la première fois de son mandat.

Émotions

Que le Sénat soit républicain ou démocrate, le débat est toujours houleux aux Etats-Unis en ce qui concerne les recherches sur l’utilisation des cellules souches, prélevées sur les embryons.

Le sujet est apparu pour la première fois le 9 août 2001, quand le président George Bush, soutenu par les intégristes chrétiens, annonça dans un discours télévisé à la nation son intention de restreindre les financements publics destinés à la recherche sur les cellules souches : ils iraient à celles déjà prélevées, et uniquement celles-ci. Aucun nouvel embryon humain ne pourrait être utilisé.

Avec cette restriction, les chercheurs américains se sont retrouvés avec 70 colonies de cellules sur lesquelles ils étaient autorisés à travailler. Par la suite, seule une vingtaine leur ont été réellement accessibles.

Pour les chrétiens conservateurs comme le sénateur du Kansas, Sam Brownback, candidat déclaré à l’investiture républicaine pour l’élection présidentielle de 2008, «la vie commence à la conception et les embryons, qui ne sont pas plus grands qu’une tête d’épingle, méritent d’être traités avec dignité». Il est hors de question d’utiliser des cellules en condamnant «une vie humaine».

Outre les militants contre l’avortement, le président compte aussi des appuis parmi ceux qui militent contre le clonage mais aussi contre la commercialisation des embryons.

À l'heure actuelle, le prix d'une cellule souche animale ou humaine, fournie par un laboratoire privé, est de 500 dollars américains pour les chercheurs. Elle coûte entre 75 000 et 400 000 dollars pour les sociétés.

Pour les opposants, l’utilisation des cellules souches des personnes adultes ont fait preuve de leur succès, c’est dire que le recours aux embryons n’est pas nécessaire et qu’il faut poursuivre les recherches ailleurs.

En faveur de la loi, il y a la cohorte des malades et de leurs médecins et une large majorité de l’opinion publique (60%), qui voient un espoir de soulager des souffrances inutiles et prolonger la vie.

La thérapie cellulaire a, en effet, un champ d’applications potentielles très vaste et les scientifiques américains du secteur public ont l’impression d’être à la traîne des autres pays, qui ont déjà approuvé une législation sur ce type de travaux.

«Quand je pense à la recherche sur les cellules souches, j’imagine un diabétique qui n’a plus besoin d’injection d’insuline. J’imagine un patient atteint de la maladie de Parkinson qui court au lieu de se traîner, un patient atteint d’une malade de la moelle épinière qui se lève et marche», s’est exclamé le sénateur républicain Orrin Hatch, lors de la discussion au Capitole.

Tout comme en juillet 2006, le centre des discussions a été l’utilisation des embryons surnuméraires conçus lors des fertilisation in vitro. Il y en aurait 400 000 aujourd’hui en attente d’utilisateurs, dans les cliniques américaines.

Hope Act 

Au cours des deux jours de session, les sénateurs ont eu à se prononcer sur une autre loi.

Baptisée «loi Espoir» (Hope Act) et présentée par ses promoteurs républicains comme «un compromis qui évite les guerres culturelles», celle-ci défend l’idée que la recherche qui détruit les embryons (les prélèvements de cellules d’embryons entraînent leur destruction) n’est pas nécessaire. «Comme on utilise les organes de personnes décédées pour des transplantations, on peut utiliser les cellules d’embryons morts de manière naturelle pour la recherche».

Le Sénat a voté en faveur de la proposition par 70 voix contre 28. George W. Bush avait annoncé qu’il souscrivait à cette proposition.

La «loi Espoir» a été accueillie avec scepticisme par la communauté scientifique américaine, l’état d’«embryon mort» n’étant pas définissable.

En outre, selon les laboratoires de recherche privés, qui ne sont pas concernés pas les lois fédérales, les cellules souches prélevées sur des embryons dits «morts» n’ont pas forcément achevé leur gestation et pourraient produire des cultures anormales, inutilisables.

«Cela fait rigoler la communauté des chercheurs», a commenté le patron de la Geron Corporation, Thomas Okarma, qui doit expérimenter bientôt une thérapie cellulaire sur des humains.

Depuis son élection en 2000, George W. Bush a utilisé une fois son droit de veto, le 19 juillet de l’année passée. En moins de trois semaines, il a promis de l’utiliser deux fois : sur la demande de retrait des troupes américaines d’Irak et sur la recherche des cellules d’embryons. 



par Marion  Urban

Article publié le 12/04/2007 Dernière mise à jour le 12/04/2007 à 10:09 TU