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Russie-Estonie

Crispation autour d’une statue

Le «soldat de bronze», érigé en hommage aux troupes soviétiques, est très controversé. 

		(Photo : AFP)
Le «soldat de bronze», érigé en hommage aux troupes soviétiques, est très controversé.
(Photo : AFP)
De graves incidents, qui ont fait un mort et plus de 40 blessés, se sont produits dans le centre de la capitale estonienne, dans la nuit du jeudi au vendredi, suite à une manifestation contre le déménagement du «soldat de bronze», une statue érigée en hommage aux troupes soviétiques qui avaient vaincu les nazis à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Sénat russe à réclamé à l’unanimité la rupture des relations diplomatiques avec l’Etat balte.

La police estonienne a utilisé des canons à eau pour disperser près d’un millier de manifestants, pour la plupart des russophones, qui protestaient contre la décision des autorités de déplacer la statue, haute de deux mètres, dédiée aux soldats de l’Armée Rouge qui avaient expulsé les troupes hitlériennes d’Estonie en 1944. Le chef de la police de Tallinn a déclaré qu’une personne est morte après avoir été transportée à l’hôpital et qu’au moins 43 autres ont été soignées pour des blessures. Douze policiers ont également été blessés lors des émeutes qui se sont poursuivies tard dans la nuit. Des vitres de magasins ont été brisées et des voitures ont été endommagées par les jeunes manifestants qui protestaient contre le déplacement du mémorial, une statue en bronze enchâssée dans un grand mur de pierre. Plus de 300 personnes ont été arrêtées. Ces incidents sont les plus graves enregistrés dans la capitale estonienne, depuis le retour à l’indépendance, en 1991.

Les autorités ont déclaré que le monument a été transféré du centre de Tallinn vers un lieu tenu secret. Le gouvernement a déclaré vouloir «empêcher de nouvelles violations de l’ordre public, car celles-ci posent une réelle menace pour la santé et les biens des citoyens» et a ainsi décidé de transférer le monument vers un lieu moins prestigieux de la capitale. Les autorités ont aussi déclaré vouloir mener des fouilles afin de savoir si des restes de soldats morts, pendant la Seconde Guerre mondiale, se trouvent enterrés sous l’emplacement de la statue qui avait été érigée en 1947.

Moscou réagit avec fermeté

Les protestations se sont multipliées à Moscou, après le démontage du monument. Sergueï Mironov, président du Conseil russe de la fédération, la chambre haute du Parlement, a proposé vendredi la rupture des relations diplomatiques avec l’Estonie, en déclarant : «Nous avons vu assez de ces affronts aux morts et de ces railleries contre la victoire de la Seconde Guerre mondiale». Sa demande a ensuite été approuvée à l’unanimité par les sénateurs. Le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, a déclaré, de son côté, que Moscou allait «prendre des mesures sérieuses» contre la décision «épouvantable» de Tallinn : «Nous devons réagir sans hystérie mais aussi prendre des mesures sérieuses, de nature à démontrer notre véritable attitude devant cet acte inhumain. L’Estonie a craché sur les tombes des soldats russes. C’est dégoutant». Des députés de la Douma (chambre basse) ont préconisé des sanctions économiques contre l’Estonie qui dépend beaucoup du pétrole et du gaz russes. Mais ces menaces russes ne semblent pas trop inquiéter les Estoniens, pour qui ce monument est un rappel des 50 années d’occupation soviétique.

Velo Petaï

Politologue estonien de l'université de Tartu

«Il s'agit d'une menace de rupture de relations diplomatiques avec la Russie.»

Des dizaines de  jeunes partisans du président Vladimir Poutine ont manifesté devant l’ambassade d’Estonie à Moscou en criant : «la Seconde Guerre mondiale continue. Le fascisme à trouvé refuge en Estonie !». L’ambassadeur d’Estonie dans la capitale russe a déclaré que la menace de rupture de relations n’était pas fondée et que «le soldat de bronze n’était qu’un prétexte pour les jeunes manifestants «qui ont retourné des voitures et brisé des vitres, ont volé de l’alcool et jeté tout ce sur quoi ils pouvaient mettre la main». Le gouvernement de Tallin a lancé vendredi un appel au calme et un demi-millier de personnes ont pu se rassembler sans provoquer d’incidents, près de la place où avait été installée la statue.

Les relations entre l’Estonie et la Russie ont toujours été tendues, depuis l’indépendance du pays balte en 1991, après qu’elle ait été une République soviétique pendant près d’un demi-siècle. Les autorités estoniennes critiquent habituellement la Russie au sujet du non-respect de l’ancien tracé des frontières communes. Moscou s’est insurgé, à plusieurs reprises, contre l’adhésion de l’Estonie à l’Union européenne et à l’Otan, en 2004, et accuse fréquemment le gouvernement de Tallinn de violer les droits de la minorité russe.

L’Estonie compte 1,4 millions d’habitants, dont près d’un tiers sont des russophones. Mais près de 160 000 de ces derniers, pour la plupart nés en Estonie, n’ont aucune citoyenneté et ne demandent pas la nationalité russe. Beaucoup de russophones se plaignent des lois linguistiques qui les empêchent de postuler à des emplois et de prendre la nationalité estonienne.

La décision des autorités de Tallin a été critiqué à Strasbourg par le président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, René van der Linden, qui a «exhorté les autorités estoniennes à respecter les sentiments de tous ceux qui vivent dans leur pays et à prendre des initiatives conduisant à la réconciliation, plutôt qu’à la division». Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé l’Estonie et la Russie à régler leur contentieux dans «un esprit de respect et de conciliation».



par Antonio  Garcia

Article publié le 27/04/2007 Dernière mise à jour le 27/04/2007 à 17:41 TU

Audio

Jean-Frédéric Saumont

Notre correspondant à Moscou

«Le ministre des Affaires étrangères russe évoque des mesures de rétorsion tout en voulant éviter toute réaction hystérique.»

[27/04/2007]

Marielle Vitureau

Notre correspondante en Lituanie

«Le monument est controversé : symbole de la libération sur les forces nazis pour certains, celui de l'occupation soviétique pour d'autres.»

[27/04/2007]

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