Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Présidentielle 2007

Vers une amitié franco-américaine décomplexée ?

Nicolas Sarkozy reçu à la Maison Blanche en septembre 2006 

		(Photo : AFP)
Nicolas Sarkozy reçu à la Maison Blanche en septembre 2006
(Photo : AFP)
Le nouveau président français veut un réchauffement des relations entre Paris et Washington. Pour Nicolas Sarkozy, il n’est pourtant pas question de se soumettre à un atlantisme aveugle, mais bien de replacer la France au centre stratégique des grandes puissances mondiales.

Quand le nouveau président de la République française vante la «société du mérite» dans laquelle les gens auraient «envie de se lever tôt et de travailler plus pour gagner plus», il jalouse le mythe américain : Nicolas Sarkozy, qui se définit lui-même comme un self-made-man, rêve d’une France nouvelle, dans laquelle, justement, «tout devient possible».

Que le nouveau chef d’Etat français soit un admirateur de l’énergie et du dynamisme d’outre-Atlantique n’est donc pas un scoop. Ses adversaires le surnomment même «Sarkozy l’Américain».

Ce n’est pas tout à fait en tant qu’un des leurs (n’exagérons donc rien) mais  en tant qu’«ami», que Nicolas Sarkozy s’est adressé, dimanche soir, aux Américains, dans sa première allocution après son élection à l’Elysée. Le nouverau président a laissé entendre qu’il mesurait bien le poids important de l’Histoire dans les relations bilatérales, ainsi que l’engagement qui en résulte pour la France : «Je veux lancer un appel à nos amis Américains pour leur dire qu'ils peuvent compter sur notre amitié, renforcée dans les tragédies de l'Histoire que nous avons affrontées ensemble».

Nicolas Sarkozy a ainsi confirmé son vœu d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre Paris et Washington. Une volonté d’ailleurs affichée depuis longtemps chez l’ex-candidat à l’élection présidentielle.

En 2006, le ministre français de l’Intérieur se rend à New York pour y participer, le 11 septembre, aux commémorations pour les victimes des attentats de 2001. Mais une fois les cérémonies terminées, le Français n’a pas envie de rentrer. Il prolonge son séjour et se rend à Washington, où il prononce un discours «décomplexé» (selon son entourage) devant la Fondation franco-américaine. Nicolas Sarkozy dénonce alors «l’arrogance française» en soulignant qu’ «il n’est pas convenable de chercher à mettre ses alliés dans l’embarras ou de donner l’impression de se réjouir de leurs difficultés». Et puis, le chef de l’UMP ajoute que la France n’était pas «exempte de reproches».

Que dire d’autre sinon que ces mots prononcés par Nicolas Sarkozy ont été un véritable baume sur l’âme blessée des amis d’outre-Atlantique. Voilà donc enfin un Français qui semblait se démarquer du duo rebelle français Chirac-Villepin, qui avait initié une insistante opposition à la guerre en Irak. Le président américain George W. Bush est visiblement satisfait. Tellement satisfait même, qu’il parle avec ce Français, aux allures non-conformistes, à la Maison Blanche.  

Une fameuse poignée de mains     

Le lendemain, la photo de la poignée de mains entre Nicolas Sarkozy et Georges Bush fait la une de beaucoup de journaux dans l’Hexagone. «Sarkozy s’est couché comme un chiot devant son maître Bush», fustige immédiatement le Parti socialiste en la personne du député Henri Emmanuelli. Et ce dernier n’est pas le seul à huer le comportement du chef de l’UMP : la virée américaine de Sarkozy suscite en effet l’indignation et la colère de presque toute la classe politique française qu’un certain scepticisme à l’égard des Américains n’a jamais vraiment quitté. Mais Nicolas Sarkozy refuse de se reconnaître dans l’antiaméricanisme de ses compatriotes. La preuve, lance-t-il à Washington, «rien ne les rend plus fiers (les Français) que de voir un acteur français dans un film américain».

Bien que fan enthousiaste du cinéma américain, cet argument ne peut convaincre le chef de l’Etat français : Jacques Chirac accuse alors son ministre entêté d’atlantisme «lamentable».

C’était en septembre 2006. Depuis, bien de choses ont changé. Nicolas Sarkozy a fait ses devoirs. Pour ne pas s’entendre traiter de «futur caniche du président des Etats-Unis», il a dû rectifier le tir lors de sa campagne, en qualifiant d’«erreur historique» la guerre en Irak. Et le message, qu’il adresse dès son élection à la tête de la République française, à Washington, fait autant état d’une volonté de rapprochement que d’une volonté d’émancipation :

«Je veux leur dire (aux Américains) que la France sera toujours à leurs côtés quand ils auront besoin d'elle, mais je veux leur dire aussi que l'amitié, c'est accepter que ses amis puissent penser différemment». Cette différence d’appréciation ne va pas se faire attendre. En s’opposant de façon véhémente à l’entrée de la Turquie au sein de l’Union européenne, le nouveau président français a trouvé un terrain parfait pour prouver à ses adversaires son indépendance à l’égard des Etats-Unis, fervents soutiens d’Ankara dans ses démarches avec l’UE.

Et pour ceux à qui cela ne suffit pas, Nicolas Sarkozy est devenu explicite dimanche soir lors de son intervention, salle Gaveau : «Une grande nation, comme les Etats-Unis, a le devoir de ne pas faire obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique, mais au contraire, de prendre la tête de ce combat, parce que ce qui est en jeu, c'est le sort de l'humanité toute entière. La France fera de ce combat son premier combat».

Il est très improbable que la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy conçoive ce combat pour le sauvetage de notre planète comme un combat contre les Etats-Unis. Le nouveau chef d’Etat français a d’ailleurs fait largement savoir qu’à son avis, on ne plaisante pas avec la plus grande puissance du monde. On peut alors s’attendre à de nouveaux chapitres passionnants de l’histoire internationale, dans lesquels Paris va convaincre Washington, de signer enfin le protocole de Kyoto et de s’imposer ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre dont les Etats-Unis sont le plus grand producteur au niveau mondial.

Aux Etats-Unis, on n’est visiblement pas inquiet, bien au contraire. Partout on se félicite de l’élection de celui qui «parle mal anglais», certes, mais qui «peut écrire l’histoire et dessiner un nouveau rôle de la France dans le monde», comme le remarque le Wall Street Journal. Tandis que le Washington Post explique que «monsieur Sarkozy est bien trop impressionné par la politique intérieure américaine» pour démanteler immédiatement «la politique étrangère de Jacques Chirac, qui plaçait l’Europe comme un contrepoids aux Etats-Unis».



par Stefanie  Schüler

Article publié le 07/05/2007 Dernière mise à jour le 07/05/2007 à 15:36 TU