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Concurrence

Les livrets A et Bleu pour toutes les banques

50 millions de personnes possèdent un livret Bleu ou un livret A.  

		(Photo : AFP)
50 millions de personnes possèdent un livret Bleu ou un livret A.
(Photo : AFP)
Après un an d'enquête, Bruxelles a exigé de Paris, jeudi 11 mai, la fin du monopole de distribution du livret A et du livret Bleu, deux placements vedette des Français actuellement réservés à trois établissements bancaires. Cette décision pourrait permettre à toutes les banques de distribuer ces deux produits d’épargne.

Les livrets A et Bleu, jusque là exclusivement distribués par la Banque Postale et les Caisses d’épargne pour le premier, par le Crédit mutuel pour le second, pourraient, d’ici à février 2008, être disponibles dans toutes les banques. La commissaire à la Concurrence, Neelie Kroes, a annoncé aujourd’hui qu’elle donne un délai de neuf mois à Paris pour «banaliser» ces produits d’épargne défiscalisés dans tous les réseaux bancaires de France.  

L’exécutif européen juge la situation actuelle «incompatible avec le droit communautaire». Pour Bruxelles, ce système  «crée un obstacle à l'entrée et au développement de concurrents français ou étrangers sur le marché de l'épargne bancaire liquide en France». La fronde sur ce sujet est venue de l’Hexagone. En mars 2006, plusieurs banques françaises (BNP Parisbas, Groupe Banque Populaire, Crédit Agricole, ING Direct, Société Générale) ont saisi les autorités européennes pour contester ce monopole.

Depuis que, fin juin 2006, Bruxelles a engagé une procédure d’infraction à l’encontre de la France, Paris n’a eu de cesse de défendre l'importance de ces produits d'épargne, tant dans le financement du logement social que dans l'intégration bancaire des plus défavorisés, qui utilisent ces livrets comme des comptes courants. Ces livrets qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, sont, en effet, très populaires auprès des Français. Rémunérés à  2,75%, ils sont, aujourd’hui, détenus par près de 50 millions de personnes et représentent 128 milliards d'euros d'épargne.

Le financement du logement social

L’épargne ainsi collectée est centralisée à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui les prête à des taux avantageux aux organismes constructeurs de logement sociaux. L'encours total des prêts consentis par la CDC et consacrés au logement et à la rénovation urbaine se monte à 84,8 milliards d'euros. Le reste de ce montant collecté constitue un portefeuille qui assure la liquidité et la sécurité de ce mécanisme original de transformation d’une épargne immédiatement disponible en prêts à long terme.

Pour Bruxelles, «la banalisation de la distribution de ces livrets ne remettra pas en cause le maintien d’un niveau de collecte suffisant pour assurer le financement du logement social», d’autant que la CDC continuerait à en centraliser la collecte. Les associations de défense des consommateurs, comme l’UFC-Que Choisir, estiment qu’il faut pourtant rester vigilant. «Si le produit est le même, pourquoi pas ? A condition que cette banalisation ne remette pas en cause le but premier des livrets, c’est-à-dire le logement social. Il ne faudrait pas que les banques se servent de ces livrets d’épargne comme d’un produit d’appel pour attirer de nouveaux clients et leur proposer ensuite de transférer leur argent sur d’autres types de comptes, plus lucratifs pour elles», réagissait mercredi Nicole Perez de l’UFC-Que Choisir.

Même constat pour le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Jean-Marc Ayrault a estimé, jeudi, que «le risque est grand que les banques privées cherchent à orienter les détenteurs de ces livrets vers d’autres produits». Mais selon lui, «le gouvernement porte une lourde responsabilité dans la décision de la Commission». Tous les arguments avancés par Bruxelles sont également écartés par l’intersyndicale du secteur semi-public financier, qui regroupe notamment des syndicats de la Banque de France, de la Caisse des dépôts, des Caisses d’Epargne et de la Poste. Cette intersyndicale estime que la banalisation de ces livrets entraînera le «démantèlement d’un pan essentiel du financement du logement social».

Autre particularité de ce système d’épargne : la distribution de ces livrets relève d’une logique de service public. Pour près de six millions d’exclus rejetés par les banques, il reste, en effet, le seul moyen d’avoir un compte, car son ouverture ne peut être refusée. Prenant en compte cette question, la Commission laisse toute latitude à la France de soumettre les banques aux obligations actuelles de services publics spécifiques, en particulier celle d’ouvrir un livret à toute personne qui en fait la demande. Mais la bataille n’est pas finie, car même si Paris reconnait que l’intégralité du dispositif  n’est pas remis en cause, le ministère français de l’Economie et des Finances envisage un recours devant la Cour de justice européenne.



par Myriam  Berber

Article publié le 10/05/2007 Dernière mise à jour le 10/05/2007 à 14:45 TU

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Nicole Perez

Responsable de l'association de défense des consommateurs UFC-Que choisir

«Cela ne doit pas remettre en cause la politique du logement social en France.»

[10/05/2007]

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