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Banque mondiale

Wolfowitz quitte son poste sans reproches officiels

Paul Wolfowitz, lors de la conférence de printemps de la Banque mondiale, le 15 mai 2007. 

		(Photo : Reuters)
Paul Wolfowitz, lors de la conférence de printemps de la Banque mondiale, le 15 mai 2007.
(Photo : Reuters)
Après plusieurs jours de négociations, le président de la banque mondiale, accusé d’avoir violé les règles internes, quitte ses fonctions en ayant obtenu ce qu’il souhaitait : que l’institution, et non lui, soit jugée responsable de l’affaire qui lui a coûté son poste.

De notre correspondante aux Etats-Unis

Paul Wolfowitz n’aurait pas dû être à Washington aujourd’hui. Il était attendu en Slovénie et devait assister à une conférence où des élèves présentaient des exposés sur les moyens de lutter contre la corruption.

Au lieu de quoi, la banque mondiale a annoncé la démission de son président, accusé de népotisme par son personnel, et d’avoir violé les règles éthiques de la banque par un rapport d’enquête interne.

Le fonctionnement de la banque mondiale était quasiment paralysé depuis qu’il avait été révélé il y a deux mois que Paul Wolfowitz avait, en arrivant à la banque, assuré à sa compagne une promotion spectaculaire. Pour éviter un conflit d’intérêt, Shaha Riza avait été détachée au département d’Etat où son salaire annuel (payé par la banque) de 193 000 dollars était supérieur même à celui de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice.

Wolfowitz s’était défendu en expliquant que cette augmentation conséquente devait compenser la gène causée à la carrière de sa compagne par sa nomination. Le Conseil d’administration de la Banque n’était pas du même avis. Le rapport de son comité d’enquête lui reproche d’avoir violé les procédures éthiques de l’institution.

Compromis

Malgré le rapport, malgré les appels à la démission du personnel et de représentants de plusieurs pays membres (la ministre du développement allemande Heidemarie Wieczorek-Zeul avait même indiqué ne pas souhaiter sa présence à une conférence à Berlin, notant qu’il rendrait service en démissionnant), Paul Wolfowitz s’est accroché à son poste jusqu’au bout. Son avocat répétait depuis deux jours qu’il ne démissionnerait pas tant que le Conseil d’administration ne le disculperait pas et que le Conseil aurait à voter son licenciement s’il voulait son départ. Wolfowitz a fini par obtenir gain de cause.

«Plusieurs erreurs ont été commises par plusieurs individus dans la gestion de cette affaire» dit le communiqué du Conseil d’administration, ajoutant que la Banque mondiale doit améliorer ses procédures éthiques. Wolfowitz «nous a assuré qu’il avait agi éthiquement et de bonne foi dans ce qu’ils croyait être les meilleurs intérêts de l’institution» note encore le communiqué qui dit accepter cette version. Plusieurs pays – dont la France et l’Allemagne – ont trouvé la pilule difficile à avaler mais préféraient malgré tout ce compromis à la perspective de tensions avec les Etats-Unis s’il fallait voter son départ forcé.

Le président George Bush, qui l’avait nommé en juin 2005 pour cinq ans, a «regretté qu’on en soit arrivé là» pendant sa conférence de presse aux côtés de Tony Blair. Après le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et l’ambassadeur aux Nations unies, John Bolton, c’est le troisième faucon de la guerre en Irak poussé à la démission.

Fantôme irakien

Dès le départ, le personnel de la Banque mondiale n’avait pas vu d’un bon œil de se voir imposer un ancien du Pentagone, un des premiers artisans de la guerre en Irak. Son style de management avait aggravé les tensions. «L’ancien directeur, le staff et de nombreux pays étaient mal à l’aise avec lui. Il n’appréciaient pas le fait qu’il ne consulte pas les plus expérimentés de la Banque et qu’il prenne ses décisions à portes closes» explique Dennis de Tray, un ancien de la banque aujourd’hui vice-président du Center for Global Development, un groupe de réflexion de Washington.

Pour le personnel de la Banque mondiale, le sursis jusqu’au 30 juin est un étrange compromis. Quel est l’intérêt pour Wolfowitz de rester à la tête de l’institution jusqu’à la fin du mois de juin s’il est discrédité en interne et que les représentants étrangers ne souhaitent plus le rencontrer ? Certains soupçonnent que l’objectif de ce maintien serait de ne pas céder les rênes de la Banque à un intérim interne non américain.

 Selon une règle non écrite les Etats-Unis nomment le dirigeant de la Banque mondiale et l’Europe celui du FMI. Plusieurs noms circulent déjà. Parmi eux : Paul Volcker, l’ancien président de la Réserve fédérale, le premier ministre britannique Tony Blair, Stanley Fischer, le gouverneur de la Banque d’Israël ou l’ancien secrétaire au Commerce Robert Zoellick.



par Guillemette  Faure

Article publié le 18/05/2007 Dernière mise à jour le 18/05/2007 à 06:51 TU